10.

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Je cours encore, pour la énième fois depuis que nous avons atterri ici. Je détale comme pour échapper à un cauchemar. Mais c'est une réalité, c'est un véritable cauchemar.

Les gens tombent comme des mouches, et la seule chose que j'arrive à faire, c'est courir. Fuir. C'est presque à croire que c'est une seconde nature chez moi. J'ai fui mes responsabilités quand j'ai torturé Marcus, j'ai fui quand Atom m'a demandé de l'aider et je fuis encore aujourd'hui. Tout ce qui me rapproche de la mort, quel qu'en soit la distance, me force à m'enfoncer dans des souvenirs tous plus horribles les uns que les autres. La mort me force à avoir peur, à ressentir le besoin de me protéger. Il y a deux caractères chez l'Homme qui vivaient ici il y a cent ans : la méchanceté et l'abandon. Et malheureusement, pour une fille qui voulait à tout prix éviter de croiser ces critères, j'en aie hérité par je ne sais quel gène pourri donné par mes ancêtres.

Alors mes jambes font un pas après l'autre à toute vitesse, cherchant à rejoindre le camp au plus vite. Je n'ai pas pu aider Wells, je n'ai pas pu le sauver. Mais il faut que ma fuite serve à quelque chose, qu'on puisse être au courant qu'il est mort. Qu'on puisse le mettre en terre comme il l'a fait avec tous les autres qui sont morts depuis le début.

Je l'ai vu, avec sa pelle, creuser des trous à l'extérieur de camp. C'était presque comme s'il avait prédit la mort de tous ces gens, comme s'il avait prédit sa propre mort.

J'aperçois l'entrée du camp et m'y engouffre sans plus tarder. Le camp dort encore et ma panique me fait faire plusieurs tours sur moi-même. Je tremble comme si on me secouait pour me réveiller de ce foutu cauchemar, mais je ne réveille pas ! Je marche entre les tentes sans un mot, cherchant quelqu'un de réveiller, de conscient pour m'aider. Réveiller ceux qui dorment, c'est les emmener dans mon enfer. Mon enfer dans lequel des gens meurent, dans lequel je devrais être capable de les aider mais où je ne fais rien parce que je suis paralysée par la peur. L'enfer où personne n'échappe à la mort. Je halète, je n'arrive pas à respirer et une chose dont j'ai envie plus que tout maintenant, c'est de fondre en larmes. Mais aucune goutte ne s'échappe de mes paupières, pas une seule. Je suis trop pressée de trouver quelqu'un de réveillé pour pouvoir y arriver. Et alors que je m'apprête à hurler afin que quelqu'un entende ma détresse, des bras m'entourent et tentent de me maintenir calme. Ne sachant qui c'est, je me débats comme si ma vie en dépendait. C'est comme ça que j'aurais dû réagir pour aider Atom, j'aurais dû me débattre contre ma peur, contre ma haine.

— Mel, calme-toi !

Le visage de Bellamy apparaît face au mien tandis que ses sourcils se froncent face à mon expression apeurée et dépravée. Il me force à rester tranquille et m'incite à parler, à lui raconter ce qui me met dans cet état mais j'ai l'air d'une démente. Mes lèvres sont retroussées d'une manière effrayée. Mon cœur palpite comme s'il avait un afflux de sang trop chargé en oxygène qui pourrait le faire imploser. Je geins comme si on m'avait blessé, comme si tout le sang que j'ai sur les mains était le mien. D'ailleurs, Bellamy me les attrape pour qu'elles arrêtent de trembler, mais c'est peine perdue. Les siennes frémissent avec les miennes et alors, il se rend compte de tout le sang qui souille mes mains, comme un éternel signe de ma violence passée.

— Mel, où es-tu blessée ? me questionne-t-il alors qu'il tâte mon corps à la recherche d'une quelconque plaie.

Je vois bien qu'il est en panique lui aussi et pourtant il n'a pas vu ce que j'ai vue. Il n'a pas vu Wells couvert de sang. Encore, Atom ça avait beau être répugnant, toute cette chair calcinée, autant l'odeur du sang et l'aspect poisseux du liquide est bien plus immonde.

— Mel, réponds-moi ! me hurle-t-il avec affolement, ce qui a le don de me mettre encore plus la pression.

J'ouvre la bouche pour lui répondre mais les mots restent coincés dans ma gorge. C'est comme si tout ce que je faisais pour essayer d'aider m'était interdit. Comme si on me ligotait, on me scotchait les lèvres afin que mes erreurs soient plus accentuées, pour qu'on rejette la faute sur moi.

Cet Espoir ■ Bellamy BlakeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant