23.

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Je fixe la toile en cuir. La faible lumière des ampoules de la navette reflète sur les lames présentes devant moi. Je frissonne rien qu'en imaginant la froideur que procure ce métal contre la peau. Je me retiens d'essuyer la sueur sur mon visage. J'ai pourtant si froid. Je papillonne des yeux comme si j'allais tomber à la renverse. Quand je vois ces scalpels, dont l'utilité semble varier d'un poignard à l'autre, tant de mauvais souvenirs remontent à la surface.

— Où est-ce que t'as trouvé ça ? demandé-je sans articuler correctement, comme si on m'injectait un produit anesthésiant dans la langue.

— Dans le sac du natif, quand nous sommes retournés le chercher.

Il est bien plus patient qu'il ne l'est d'habitude. Il veut que l'autochtone lui révèle ses secrets, à lui et à son peuple. Il le veut vraiment. Il a bien compris que ce n'est pas en me pressant que je vais le suivre aveuglément, que je vais faire ce qu'il dit comme ses moutons peureux.

Je suis dégoulinante de sueur. C'est à se demander si je n'ai pas de la fièvre. Mon combat avec les deux meurtriers aurait-il été plus calamiteux pour moi que je ne le pensais ? Je dois déjà avoir une mâchoire aussi grosse que le coquard que j'ai eu il y a deux jours. Je vois du sang. Beaucoup de sang. Une véritable flaque à mes pieds. La lame de rasoir est dans ma main, elle aussi ruisselante de ce liquide rouge.

Bellamy me pointe du doigt le sac d'où il a sorti cette ribambelle de couteaux. Je prends quelques secondes pour observer Octavia. Elle est horrifiée. Elle fixe le natif qui a arrêté de se débattre. Je fais un aller-retour entre son visage et celui plein de sang de cet homme. Je n'avais même pas remarqué que son nez était cassé bien que sa bouche soit recouverte de sang. Tant de sang. J'aurais dû le voir. Je fais un pas en avant dans le but d'aller fouiller ce sac, je me casse la figure immédiatement. Ma tête tourne tellement. Octavia se jette à mes pieds.

— Mel ?

Je ferme mes yeux comme si on m'arrachait les ongles. C'est un peu la sensation que j'ai. Comme si on me torturait avec des souvenirs récents. Quand j'ai attrapé une pince à épiler pour défricher les ongles de mon paternel.

— Mel ? répète Bellamy.

La main d'Octavia soulève mon visage.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? me questionne-t-elle en caressant ma joue. Bellamy tu l'as frappé ?!

— Qu'est-ce que tu racontes ! s'exclame son frère. Elle s'est battue. Je n'y suis pour rien.

Elle me demande confirmation. J'essuie la sueur sur mon front d'un revers de manche. Je hoche la tête afin qu'elle arrête d'afficher cette inquiétude qui engloutit son visage.

— J'ai dû attraper la crève, frissonné-je en rampant jusqu'au sac, outrepassant les bras d'Octavia qui tentent de me retenir de bouger. T'as pris trop de temps à me rentrer Bellamy.

J'essaye de ricaner pendant que je prononce la deuxième phrase mais j'ai un haut-le-cœur qui me fait grimacer au même moment. Octavia commence à s'en prendre à son frère pour avoir mal fait l'infirmier avec moi. Je plonge mes mains tremblantes dans le sac. Peut-être que j'ai attrapé un gros rhume et qu'il s'est manifesté un peu trop vite. M'enfin, au point de perdre l'équilibre, ça doit être plus grave que ça. Mais je ne peux rien y faire.

Je sors un livre, en cuir lui aussi, pendant que Bellamy et sa sœur se chamaillent toujours, sous le regard interrogateur du natif. Miller et Blondinet sont disposés de chaque côté de natif, veillant à ce que les chaînes ne lâchent pas. Je peux sentir leur gêne de là où je me trouve. J'imagine qu'ils n'ont jamais eu à assister à une dispute entre frère et sœur, étant donné que rares sont les duos de la même famille qui ont la chance de se disputer.

Cet Espoir ■ Bellamy BlakeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant