35.

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Dans le chapitre précédent : Mel s'entraine à maîtriser la dague à corde mais ses efforts sont infructueux et cela à tôt fait de l'agacer plus qu'autre chose. Quand elle rentre au camp, Jaha fait son discours pour la journée de l'unité, et elle se décide à y réchapper en s'occupant comme elle peut. Dépeucer la nourriture, laver le linge, pourtant elle est sans cesse interrompu par Clarke qui la notifie qu'Emile souhaiterais lui parler et que Mel fuit par dessus tout, ainsi que Finn qui se comporte bizarrement alors qu'il sort du camp sans lui donner d'explications.

Mel pense aussi beaucoup à sa mère et se surprend à vouloir lui parler, mais les communications sont interrompues entre la Terre et l'Arche. Alors elle se laisse enlever par Jasper et Monty afin de profiter de l'alcool des jeunes hommes et de rendre la Journée de l'Unité moins barbante et Mel moins nostalgique.

« Avec modération » que j'ai dit. Quelle grosse blague.

À peine avais-je rejoint le rondin de bois qui nous sert de banc que les trois quarts du camp se sont joint à nous. Et notre nouvelle tradition alors, celle où on est censé boire tous les trois et seulement tous les trois ? J'étais ravie à l'idée de faire une soirée chill avec mes deux potes mais pas du tout d'humeur à faire la fête avec le reste du camp. Je n'ai même pas eu le temps de tirer la tronche qu'on me mettait au défi de balancer cette vieille pièce dans le verre de quelqu'un pour le faire boire. Jasper s'est rapidement proposé pour être celui qui boirait.

— T'façon, Mel elle rate jamais sa cible, a-t-il hurlé avec ivresse.

Je sais éperdument que c'est faux mais l'idée de montrer de quel métal je suis fait a eu tôt fait de me convaincre de jouer le jeu.

Je n'ai pas raté ma cible une seule fois en quatorze lancés. Lancer une pièce n'était pas aussi difficile que de lancer une dague à corde ou de décocher une flèche. J'ai beau avoir déjà ingurgité deux ou trois verres parce que « gna gna gna, c'est pas drôle si tu fais boire les autres et que toi tu bois pas », quatorze de mes lancées ont été de francs succès. Parfois même que je prenais un peu de distance pour faire monter la tension et commencer à leur faire croire que j'allais viser à côté. Et bien non. Je visais dans le mille. Jusqu'au quinzième.

— Bah alors Mel ! ricane Miller en passant son bras autour de mon cou tout en frottant ma tête pour ébouriffer mes cheveux. Tu ne tiens plus la cadence sous alcool ?

Les faits étaient là. Suite à ce quinzième lancé foireux, j'ai dû boire mon échec. Dès lors s'en est suivi une panoplie de lancés foireux qui ont rapidement fait grimper mon taux d'alcoolémie. Boire, boire, boire encore. Rapidement, j'ai fini par me retrouver à longer le mur dans le noir, mes mains tâtant les rondins de bois à la recherche d'un support sur lequel m'appuyer. La migraine acerbe, la fatigue omniprésente et la gerbe n'ont pas mis longtemps à rejoindre le lot de sensations désagréables.

Je relève la tête. La sueur sur mon visage me gratte la peau, alors je m'empresse de la faire déguerpir en passant mes mains sur mes joues et mon front.

— Putain Mel, tu pouvais pas écouter maman, bon dieu de bordel, soupiré-je pour moi-même en grimaçant quand la nausée se manifeste une nouvelle fois.

Je bave à profusion comme si une délicieuse odeur me faisait saliver d'envie. À ce moment précis, c'est loin d'être lié à une odeur alléchante. Un petit rot furtif s'échappe d'entre mes lèvres avant que je ne me remette à vomir. Je n'arrête pas de penser à ma mère en ce moment, je ne cesse de me dire que j'ai été vraiment stupide de faire comme tous ces enfants qui ne veulent pas écouter leurs parents. C'est un cliché inévitable, de se dérober à l'autorité parentale, de faire exactement l'inverse de ce qu'ils nous disent de faire ou de ne pas faire et de le regretter ensuite. Ça n'a jamais été aussi vrai que maintenant, dans ce contexte de vie post-apocalyptique à la noix. Sauf qu'au lieu de se retrouver sans travail, à la charge de ses parents jusqu'à quarante ans, parce qu'on n'a pas fait d'efforts pendant nos études, je me retrouve à fuir des natifs et à vomir mon maigre repas très alcoolisé pour oublier que c'est à cause de moi, et moi seule, si j'ai autant frôlé la mort ces derniers jours. Tout ça parce que j'ai décidé de me rebeller comme une gamine.

Cet Espoir ■ Bellamy BlakeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant