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Je n'entends même plus le talkie-walkie qui grésille sans arrêt. Je n'entends pas non plus mon souffle qui doit pourtant être relativement bruyant à force d'hyperventiler. Je me contente de réitérer les mêmes gestes inlassablement : attraper une flèche dans mon carquois, l'accrocher à ma corde, la tendre, viser et décocher. Je ne sais pas comment c'est possible, mais je n'ai raté aucune cible jusqu'à maintenant. Je suis à peu près sûre que trop d'adrénaline tue l'adrénaline et que je devrais me foirer de temps à autre, mais ça n'arrive pas. Je suis dupée sur ce coup.
Des dizaines d'ombres se dirigent vers nous. Les balles et flèches fusent. Certaines ombres tombent sur le sol et le nombre de nouveaux arrivants double. Emile est d'un calme presque trop excessif. Ce n'est que lorsqu'une flèche vient se planter dans le mur à quelques centimètres de mon visage que je daigne me mettre à couvert et reprendre mon souffle.
Mon sang bat dans mes tempes et pendant quelques secondes, je n'entends que ce dernier qui se déplace à toute vitesse dans mes vaisseaux. Je sens mon visage devenir chaud, la sueur perler sur mon front et mes joues alors que je n'ai pas fait d'effort physique. Je me permets un regard vers Emile. Il est concentré, c'est une machine.
Une énième déflagration se fait entendre mais cette fois, au lieu de venir de devant moi, elle vient d'au-dessus. Mon regard se tourne vers le ciel où une lumière, suivie d'un tracé flamboyant, se dirige vers la surface de la planète. Cette même lumière éclate et se dissémine dans le ciel en plusieurs fragments. Mon esprit semblait à l'arrêt car je me mets finalement à réfléchir, à tenter de comprendre ce qui se passe.
— C'est l'Arche, les gars, nous fait savoir Clarke au travers d'un talkie-walkie.
Les sous-parties du vaisseau n'ayant pas explosé ont lancé leurs rétro-propulseurs et vont atterrir d'ici peu. Ils vont atterrir car ils sont en vie. Il me faut quelques secondes pour réaliser que l'Arche existe toujours, qu'ils descendent enfin nous aider. Ma mère n'est peut-être pas morte. Il reste encore un infime espoir que l'on survive, même après la mise à feu de notre navette.
Les natifs, qui s'étaient arrêtés pour observer le même spectacle que nous, s'élancent à nouveau dans la bataille et ne sont plus très loin du mur. Regonflée à bloc, toute douleur et toute peur envolée, je m'empare d'une nouvelle flèche dans mon carquois et vise la carotide d'un assaillant du camp opposé. Il s'effondre sur le sol. D'un seul coup, des cris aigus et barbares font de nouveau s'arrêter les natifs et se retourner vers la forêt. Tous sans exception. De mon point de vue, j'aperçois une nouvelle vague d'ombre, bruyante et sinueuse, se diriger vers le camp et s'arrêter lorsqu'ils remarquent les natifs. Leurs visages sont tel qu'ils sont dessinés sur le carnet de Lincoln : tatoués, percés, plein de cicatrices, la représentation même de la folie. Quelle est ma surprise quand les natifs se détournent complètement de notre camp pour s'attaquer aux nouveaux venus. Aux démons.
Je profite de cet instant de répit pour m'adresser aux tireurs qui attendent derrière la porte.
— Bon les gars, montez sur les échafaudages et venez nous aider à les buter. Ils sont occupés à se défendre contre d'autres ennemis, c'est le moment de les envoyer en enfer !
Miller les incite à m'écouter puis vient s'installer à côté de moi. Il tire précautionneusement ses balles et les natifs tombent comme des mouches. Les autres tireurs nous rejoignent rapidement et un concert de tir ne fait que grandir notre espoir. Entre l'Arche qui descend enfin et les démons qui nous permettent d'économiser encore du temps pour la mise à feu, c'est tout notre camp qui se requinque.
— Bellamy est dehors ? demandé-je à Nathan à un moment où il se décide à recharger.
Il me lance un regard à mi-chemin entre la confirmation et l'inquiétude de faire une gaffe, puis hoche la tête. Je serre les dents et prends sur moi pour ne pas me diriger vers un tunnel et partir à sa recherche.
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Cet Espoir ■ Bellamy Blake
FanfictionIl y a 97 ans, un holocauste nucléaire a décimé la population de la Terre, détruisant toute civilisation. Les seuls survivants sont les quatre cents habitants des douze stations spatiales qui étaient en orbite à ce moment-là et qui, après s'être rel...