Chapitre 36 - Louise

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Média : Hortense

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"The worst things in life come free to us."

Les pires choses dans la vie nous tombent dessus comme ça.

The A Team, Ed Sheeran

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Louise retint un petit cri de stupeur et tenta de garder un visage impassible. Les rouages de son cerveau s'actionnaient déjà avec ferveur pendant que des centaines de questions naissaient dans son esprit.

Une tristesse intense gonfla soudain dans la poitrine de Louise, à tel point que ses yeux se mirent à briller. Elle pressa la main d'Alex en comprenant que cet excès d'émotions venait de lui.

Malgré la lugubre souffrance que cela représentait, Louise tenta d'absorber cette douleur silencieuse, dans l'espoir de décharger un peu Alex.

Celui-ci respira profondément avant d'ouvrir la bouche pour laisser échapper une voix tremblante. Il se racla la gorge plusieurs fois pour enfin pouvoir parler de manière intelligible :

— Ma soeur est bipolaire, avoua-t-il avec difficulté. Un jour, elle n'a pas pris ses médicaments et elle a fait une crise. Mon père a essayé de la maîtriser. Ma mère et moi étions dans la maison. Hortense a attrapé un couteau dans la cuisine et elle a attaqué mon père.

La voix d'Alex se brisa sur le dernier mot et le garçon détourna les yeux, ne voulant pas que Louise le voit dans cet état.

La jeune fille lui attrapa alors le menton pour tourner son visage vers elle. L'adolescente plongea son regard dans ses yeux en lui caressant la joue, pour lui exprimer silencieusement qu'il n'avait pas à cacher sa douleur devant elle.

En effet, Louise comprenait plus que bien la souffrance que causait la perte d'un proche.

Le proverbe disant que le temps guérissait toutes les blessures était plus que faux.

Il les rendait juste un peu moins omniprésentes ; avec les années, le souvenir disparaissait assez pour vous permettre de vivre avec.

Mais, il était toujours là, prêt à se jeter sur vous et vous mettre à terre.

Alex lui envoya un semblant de sourire qui n'atteignit pas ses yeux. La culpabilité envahit Louise quand celle-ci se souvint de sa crise de jalousie.

Apparemment, ce matin elle excellait dans les réactions catastrophiques et inopportunes.

Le silence se fit. La jeune fille savait qu'Alex essayait de rester calme et que raconter son histoire était une épreuve pour lui. Elle aurait juste aimé savoir quoi faire pour l'aider.

— C'était elle dans le cadre ? Demanda au bout d'un moment Louise, d'une voix douce.

L'adolescente avait repris la parole en se disant que, peut-être, si c'était elle qui parlait, la discussion se finirait plus rapidement, en même temps que le calvaire d'Alex. Celui-ci hocha la tête tristement avant de reprendre d'une voix un peu rauque :

— Elle est dans un centre spécialisé maintenant. Je vais la voir tous les mois, seul. Maman ne veut n'est pas encore prête à m'accompagner. Hortense va bientôt avoir quinze ans.

Puis, il se tut brutalement, laissant le silence prendre sa place. Louise ne prit pas la parole cette fois, préférant laisser Alex dans ses pensées. Elle s'était déjà bien immiscée dans sa vie privée, l'adolescente ne voulait pas le forcer à lui avouer d'autres choses.

En même temps, la jeune fille désirait l'aider. Or, peut-être que parler pouvait l'apaiser d'une manière ou d'une autre.

Elle se mordilla la lèvre, ne sachant quel comportement adopter. Alors, faute de paroles, elle posa délicatement sa tête sur l'épaule du garçon. Celui-ci parut surpris ; cependant, il passa un bras autour de sa taille, toujours muet.

Au bout d'un petit moment, Alex brisa le silence installé d'une voix posée. Le jeune homme parla beaucoup en racontant sa vie depuis le drame.

Parfois Louise ne comprenait pas tout, comme si le garçon parlait plus pour lui que pour elle. Ce qui était sûrement le cas, c'était la première fois que quelqu'un se posait pour l'écouter lui, et seulement lui.

Alex devait extraire le venin qui infectait sa plaie depuis trop longtemps ; il en avait besoin pour cicatriser.

Pourtant, la jeune fille ne perdit pas un mot de son histoire, très concentrée. Sans qu'il le sache, elle pompait son énergie nocive et sa rancoeur durant son discours. En l'absence de cela, Alex n'aurait sûrement pas été capable de terminer.

Quand il le fit, les deux adolescents se regardèrent intensément, sans échanger un mot. Alex finit par briser le silence en murmurant :

— Je suis tellement désolé, Louise. J'aurais aimé t'en parler avant. Je n'y arrivais pas. Je Je ne sais même pas quoi te dire pour me racheter.

Louise passa rapidement dans sa tête les souvenirs qu'elle partageait avec lui. Leur discussion au C.D.I., la balade à moto, la fête foraine, Prince, la soirée du nouvel an.

Louise secoua soudain la tête. Elle aimait Alex. Et elle était persuadée que lui aussi, malgré les événements des derniers jours.

Aujourd'hui, la Traque ne leur permettait pas de vivre leur histoire comme les couples normaux. Elle ne pouvait pas arrêter de lui parler quelques jours pour digérer tout ça ; elle ne pouvait pas lui enlever sa confiance en laissant faire le temps pour qu'il se rachète. Louise était obligée de lui faire confiance maintenant, de tout lui pardonner maintenant.

Elle était obligée, car si elle ne le faisait pas, elle le paierait peut-être de sa vie.

Et après tout, Louise avait aussi envie de lui pardonner.

Alors doucement, la jeune fille approcha son visage de celui d'Alex et lui demanda dans un chuchotement :

— Je ne suis pas en colère contre toi. Je veux juste que tu me promettes une chose Alex, que tout ce que tu as écris dans cette lettre est vrai.

Alex la fixa avec ses grands yeux verts, avant d'assurer avec empressement :

— Oui, évidemment que je te le promets. Je pense tout ce que j'ai écrit.

Louise sourit devant son ardeur avant de se pencher vers lui et de l'embrasser rapidement, puis elle s'écarta en laissant son front reposer contre celui d'Alex.

— J'ai eu tellement peur que tu ne me pardonnes pas, lui avoua Alex en chuchotant.

Louise rit avant de lui assurer :

— J'ai une fâcheuse tendance à tout te passer, tu vois.

Alex plongea alors son regard dans le sien et demanda :

— Nous contre le monde entier alors ?

— Exactement, assura Louise avec un grand sourire.

La Traque - Rouge sang Où les histoires vivent. Découvrez maintenant