Chapitre 3 : L'espion

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Chapitre 3 : L'espion




Le train ralentissait à peine que déjà, Drago, pensant ainsi se soustraire à ses corvées de préfet, ouvrait la portière et sautait. Il battit des mains avant de retomber durement sur ses genoux. Le blond observa le quai et se précipita vers les calèches, cachant un sourire en coin.


Il pensait avoir été discret, pourtant, au moment où il se hissait sur le siège, et que le Poudlard Express sifflait afin d’avertir de leur arrivée, une main s’abattit sur son épaule. Drago sursauta violemment, frôlant l’infarctus.


- Devoirs de préfèt-en-chef Malefoy ! Puis-je savoir où tu comptais aller au juste ? retentit la voix d'Hermione dans son dos.


Drago soupira un grand coup. Comment pouvait-elle être déjà là ? Il se retourna, las, les bras en croix, le regard noir.


- Tu es irrécupérable Malefoy. Viens ici, nous devons guider les premières années jusqu'aux barques et les accompagner par ce moyen. Hagrid ne peut pas cette année, je me demande bien pourquoi…


- Allez, on est partis pour la bio palpitante de l’écervelé à parapluie, grogna Drago en passant devant elle.


L'air hautain, il s'arrêta devant les portières qui s'ouvrirent d'elles-mêmes. Les élèves affluèrent et en habitués, ils se dirigèrent vers les calèches.

Certains étaient timides, se balançaient d'un pied sur l'autre en jetant des coups d’œil envieux vers les carrosses. Aucun ne devait se douter de ce qui les attendait. En général, les générations précédentes se gardaient de révéler le chemin aqueux par lequel ils devraient passer. Drago songea qu’en effet, ni Abraxas, ni Bella, ses parents ou Rogue ne lui en avaient fait mention. Certainement un sadisme des anciens.


- Les premières années s'il vous plait, par ici ! Les premières années…Tu sembles perdu, c'est ta première année ? s’enquit Granger en se penchant vers un jeune homme.


- Je suis en quatrième année, répliqua froidement le jeune roux qui la bouscula volontairement se frayant un chemin.


Drago s’esclaffa à la vue du Poufsouffle furibond, qui s’éloigna d’un pas encore plus vif en l’entendant ricaner.


- Granger, tes tactiques de drague sont pour le moins douteuses…


Elle leva ses yeux marron au ciel.


- Moi, au moins, je me rends utile !


- Regarde un peu ce qu’est la différence entre… toi et moi. Les premières années ici ! Toi microbe arrête de tripoter tes cheveux ! On part dans trente secondes, et à moins que vous ne vouliez passer la nuit dans un wagon…


Granger lui jeta un regard glacé auquel il répondit par un geste grossier de la main, se satisfaisant à la détailler, alors qu’elle gagnait en fureur.

Tandis qu’il s’approchait du groupe de première année qui s’était finalement formé, les calèches, remplies d’élèves, s’élancèrent en direction du château, les laissant seuls.



Il croisa ses mains dans son dos, redressa son port altier, et les nimba d’une attention narquoise ; le tout serait suffisant pour irriter la préfète-en-chef. Drago les dirigea alors vers les barques, leur contant sottises sur sottises qu'il inventait au fur et à mesure qu'il discourait.


- Pourquoi on y va en barque ? risqua une petite brune apeurée.


- Pour voir si tu survis au voyage et auquel cas si tu peux intégrer l'école.


- Comment as-tu fait pour être préfet ? demanda un grand blond aux yeux verts.


- Mes notes, mon talent au Quidditch, mon insigne et mon caractère aimable m’ont élevé à ce rang d’eux-mêmes.


- Les cours sont difficiles ?


- Certains oui. Il a été insoutenable pour beaucoup d’élèves de la classe de soutenir l’avada kédavra que l’on reçoit en deuxième année. Mais j’y suis parvenu.


- Je croyais que seul Harry Potter avait résisté à ce sortilège, rapporta une rousse d’une voix fluette, rappelant étrangement Granger, avec son nez retroussé, et son comportement de miss-je-sais-tout.

- Eh bein non ! rétorqua vertement Drago. Moi aussi.



Il s’aperçut que Granger n’écoutait pas un traitre mot de son discours et, cette vision lui déplut, un désintérêt s’emparant de lui à l’instant. Il aurait bien voulu qu'elle enrage un peu…Drago s’immobilisa sur la rive. Les élèves l’imitèrent et se rangèrent en rang de deux, puis commencèrent à s’installer dans les barques. Les deux préfets mèneraient la tête, partageant le même navire de fortune.


Drago, se souciant peu de Granger, alla dans la première barque qui s’offrit à lui et étendit ses jambes sur le banc face à lui tandis que son homologue répartissait les élèves, en leur désignant du doigt le château féerique au loin et leur intimant quelques légendes saugrenues.



Il se demanda qui des nouveaux élèves et de Granger, était le plus surexcité. La réponse lui apparut sans aucun doute possible, lorsque la Gryffondor se mit à sautiller sur place.



Drago regretta soudain d'être le préfet et non l'élève. Il n'avait plus qu'une année à passer ici, alors qu'eux démarraient pour sept ans de joie, de rire, d'insouciance. De protection aussi, au sein du château. Ses iris gris se perdirent dans la surface de l’eau noire qui miroitait, émettant le reflet rond et blanc de la lune. Les vaguelettes qui se heurtaient à la coque de la barque, si prévisibles, l’apaisaient et ôtaient peu à peu les pensées déplaisantes de sa tête.


- Malefoy, vire tes pieds de ma place ! cracha Granger, jaillissant devant lui, ses boucles tordues paraissant s’animer.


- Et si j'ai pas envie ? Que vas-tu faire ? Me balancer à McGo ? M'assommer avec un de tes livres ?


- Non, je peux tout simplement et déjà, te soumettre à une bonne gifle comme tu les aimes, par exemple.


- Tu crois me faire peur ? Miss-je-sais-tout est donc…


Il ne put finir sa phrase et se retrouva suspendu en l'air, par la cheville, à environs deux mètres au-dessus des embarcations.



Les premières années, enchantées de ce spectacle pour le moins inattendu et qui inaugurait leur toute première année, le pointaient du doigt en chuchotant, émoustillées.


- Pas de paniques, mesdemoiselles, messieurs. Allons-y.


Granger s'empara d'une rame et se mit à faire un mouvement de rotation. Sa baguette, pointée sur Drago l'encombrait beaucoup, pour autant, l’embarcation se déplaçait à un rythme soutenu.



Le Serpentard sentait la haine grimper en lui. Comment cette sang-de-bourbe osait-elle le ridiculiser de la sorte ? Le sang lui montait à la tête, sa vue se brouillait et ses capacités de concentration et de réflexion s’amenuisaient.



De plus, sa baguette était tombée lors de son ascension et demeurait dans la barque. Il grogna de frustration, mais l’idée de supplier ne l’effleura même pas. Beaucoup trop de témoins. L’idée de la menacer non plus. Vraiment beaucoup trop de témoins.


Un des élèves héla Granger : c’était la gamine qui semblait déjà être la copie conforme du rat de bibliothèque. Elle questionna la préfète-en-chef sur son niveau d’études.


Fière, Granger redressa le buste, pivota et répondit à sa question, précisant des détails risibles, selon Drago. Puis, elle se saisit des deux rames afin de passer à la vitesse supérieure et… oublia Drago qui, l’esprit trop brouillé, n’avait pas vu le coup venir.


La baguette s'échappa des doigts de la lionne, roula au sol et se cala entre ses pieds. Le sortilège fut annulé et Drago chuta dans l'eau. Son hurlement déchira la nuit, ainsi que le gros plouf ! propre à un plongeon. Une clameur naquit entre les élèves, qui se tendirent vers lui.


- GRANGER ! avait beuglé Malefoy.


- Malefoy ! lâcha Granger en écho. Flûte alors ! Enfin, je peux toujours faire comme si rien ne s'était passé, ce serait un suicide…Avec beaucoup de spectateurs mais…l’Oubliette fonctionne…


- N'y pense même pas Granger ! suffoqua Drago en se débattant aussi bien qu'il le put, déjà remonté à la surface, mais pris de violents tournis.


Des algues s'enroulaient autour de son torse et l'attiraient vers les profondeurs. Ses habits, lourds, y contribuaient eux-aussi. Pataugeant, il avalait la tasse dès qu'il ouvrait la bouche et tenta de se hisser sur la barque, trop haute.


En saisissant les propos de Granger, il avait cru qu'il allait l'étrangler.


Une main apparut dans son champ de vision, lui permettant de se diriger, et il se laissa guider. Mais la prise s’échappa de sa poigne et la tête de Drago se heurta violemment à la barque. Assommé, Drago put à peine discerner la voix de Granger. En revanche, ce qu’elle lui proposait, il le comprenait parfaitement.


- Malefoy, la rive est à cinq cents mètres, je n'arrive pas à te hisser, tu…


- MAIS TU ES UNE SORCIERE OUI OU MERDE ?!


Il imagina qu’elle devait rougir et il perçut des coups sourds contre le bois de la barque, comme si la Gryffondor cherchait quelque chose. Enfin, elle orienta maladroitement un bâton de bois. Entre temps, il avait avalé une bonne dizaine de gorgées et se demandait comment il était encore vivant. De plus, le rappel de tous les jeunes qui s’étaient prélassés dans l’eau, deux mois auparavant, noua son estomac. Quelle saleté !

Il fut soulevé au moment où une sorte de ventouse caressait sa jambe. Drago fut alors tétanisé en songeant que peut-être, il s’agissait du monstre marin…


Toutefois, manquant depuis longtemps d’oxygène, il ne put approfondir sa réflexion et fut seulement soulagé que Granger se serve finalement de son cerveau.


Il atterrit dans la barque.


Les élèves de première année avaient atteint la rive depuis plusieurs minutes déjà, et applaudissaient vivement, enthousiastes. Ils devaient sûrement croire à un spectacle. Jamais Drago ne s'était senti aussi humilié.


- Tu me le payeras Granger, grinça-t-il entre ses dents, en s’appuyant contre le bord, le crâne comme empli d’eau lui aussi.

Désormais, une seule pensée lui plaisait. Bientôt, elle serait enceinte du Seigneur des Ténèbres, avec ou sans sa bénédiction. Et si elle pouvait se coltiner une sciatique au passage, tant mieux !


HHHH


Les premières années arrivèrent, tout émoustillés de cette première démonstration des capacités magiques qu'avaient les élèves. Ils adoraient tous leurs préfets-en-chef et lorsqu’ils les citaient, leurs yeux pétillaient.


Drago rejoignit sa table d'un pas trainant, le regard assassin. Sa mâchoire ne s’était pas décrispée depuis qu’ils étaient sortis de l’embarcation et son envie de meurtre ne s’était pas atténuée. Bien au contraire.


Il s’affaissa sur le banc, face aux Gryffondors et chercha la maudite sang-de-bourbe du coin de l’œil. Il repéra sa crinière touffue et ses foudres n’en furent que décuplées.



Revenant à sa table, il se rendit compte Blaise et Pansy le dévisageaient pensivement.


- Alors, cette croisière ? l’interrogea Pansy, d’un air léger.


- Ne m'en parlez pas. Granger n’est qu’un horrible balai brosse pour cabinet et…


- Que s'est-il passé ? Mais tu as les cheveux trempés ! Raconte, ordonna Pansy, intriguée à présent, ses sourcils bruns, froncés.


Drago ne lâcha pourtant rien. Il avait déjà assez honte, et ce sentiment, qu’il n’éprouvait que très rarement, lui déplaisait au plus haut point. Il avait l’impression, un peu craintivement, que ce n’était qu’un avant-goût de l’année qui l’attendait.

Drago ignora les paroles insistantes de ses amis toute la soirée. La répartition se termina rapidement. Le prince des Serpentard masqua difficilement l’horreur qu’il ressentit lorsqu’il s’aperçut que les premières années, fraichement placées dans leur nouvelle maison, contaient à leurs confrères des faits l’impliquant lui et sa chère homologue. Une certaine expédition nocturne.


Quand il croisa les sourires narquois de quelques anciens membres de l’AD – cette fichue organisation de Potter qu’il avait aidé à démanteler- il comprit que les nouveaux avaient déjà établi là des ragots pour des mois…


Toutefois, le rappel de choses bien plus importantes – comme la mission qu’il devait mener à bien avec Blaise ou encore ce qu’il s’apprêtait à faire- lui permirent de ne pas accorder plus d’importance à ces inepties.




HHHH



Drago désigna brièvement les cachots des Serpentards aux premières années, leur communiquant le mot de passe au passage, ainsi que la façon de se repérer dans les cachots, le maitre de maison, et le système des points.


Quand l’un d’eux questionna sur les prochains spectacles, similaires à celui auxquels ils avaient assisté, Drago rétorqua que ceux qui voulaient être candidat pour en faire parti pouvaient l’en informer, et qu’il se ferait une joie de les transmettre à la préfète-en-chef.


On ne cita plus jamais de cette scène dans l’antre des Serpentards, tant les nouveaux furent apeurés. Il faudrait toutefois encore remédier à ce problème dans les autres maisons.


Le blond, enfin débarrassé de ses corvées, se dirigea d’un bon pas vers le bureau du directeur.


Il resta de longues minutes, immobile devant les gargouilles de marbre qui le scrutaient, patiemment. Il avait retroussé ses manches sur ses avant-bras couverts de sueurs froides, enfoncé ses mains dans ses poches et désormais, contemplait l’entrée.


Il hésitait encore à faire ce qu'il était sur le point de réaliser. S'il montait ces marches, toute sa vie basculerait. Etait-il prêt ?
Il prendrait la décision la plus importante de sa vie ; la seule d'ailleurs sur laquelle son père n'aurait aucun contrôle. Déjà parce qu’il n’était pas là, avec lui. Et surtout parce qu’il ne la connaitrait sans doute jamais. Sa première vraie décision. Dit ainsi, cela avait presque une allure de sentence et il frémit en se pinçant les lèvres.


- Sucettes à l'anis, lança-t-il rauquement, ne sachant pas trop où il en était.


Drago fut surpris de voir la gargouille s'écarter sagement, car il avait énoncé cette sucrerie parmi tant d'autres.

Mais sa satisfaction s'envola bien vite quand il s’aperçut que l'escalier tournoyer sur lui-même, laissant Granger se couler dans le couloir.
Son visage était inexpressif et elle jeta un coup d'œil à Drago, impassible.


- Avant que tu n'ailles enquiquiner Dumbledore, je te signale que le mot de passe de l'appartement que McGonagall a oublié de nous révéler est « Descente en Enfer ».


- Si tu avais écouté Granger, tu saurais qu'elle l’avait mentionné, mentit froidement Drago en la poignardant de ses prunelles grises, encore rancunier de l’épisode du lac.


Elle haussa les épaules et le contourna sans se préoccuper de lui davantage. Drago resta là, à la regarder tourner à l'angle du couloir, la démarche souple. Il souhaitait s’assurer qu’elle ne s’introduirait pas à suite, dictée par cette inlassable curiosité que possédaient les Gryffondor.


Quand son attention revint sur la raison pour laquelle il se trouvait ici, il eut peur que la gargouille n'ait de nouveau scellé l'entrée. Mais il n'en fut rien. A croire que tout le poussait à accomplir cet acte.


Drago grimpa les marches quatre à quatre et reprit son souffle devant la porte de chêne, le cœur battant.


Il frappa trois coups secs et il fut invité à gagner la pièce.


Dumbledore, assis derrière son bureau, caressai, le regard perdu sur les portraits des anciens directeurs de Poudlard.
D'un geste de la main, toujours absent, il indiqua une chaise face à lui, sur laquelle Drago s'assit dignement. Quelques minutes de silence défilèrent pendant lesquelles Drago eut tout le temps de se morigéner et de se traiter soigneusement d’idiot. Ses grandes théories du « portrait qui s’ouvre comme ça, c’est forcément un signe du destin ! » l’avaient conduit ici.
Qu’allait-il dire maintenant ? Il se sentait mal à l’aise. Que devait-il faire ? Lui raconter la vraie raison ou simplement inventer une quelconque idée… ?



Le vieil homme amorça finalement la conversation de façon franche :


- Quelles raisons vous amènent Monsieur Malefoy, car ce n’est pas le mot de passe de votre appartement ?


Drago soupira lourdement. Ce n’était qu’une phrase. Il pouvait le faire.


Alors, farouchement, plantant ses deux yeux aciers dans ceux, bleus, du vieil homme, il déclara :


« Je souhaite intégrer l’Ordre du Phénix en tant qu’espion. »

La descente en enfer d'Hermione GrangerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant