Chapitre 12 : On est ce que 'l'on veut être

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Chapitre 12 : On est ce que l'on veut être


Drago jeta un regard vif à droite puis à gauche. Personne. Ok…

Il se rua dans les dédales de marches et les parcourut à toute vitesse. Il s'arrêta le souffle court, une main sur un point de côté, masqué derrière un rideau poussiéreux.

Il consulta rapidement sa montre. 6h00. Personne n'aurait l'idée de se lever si tôt le lendemain d'Halloween.

Abbot avait juste été un moyen pour aller se coucher assez tôt Mais il était tout de même fatigué. Il avait dû se réveiller à cinq heures pour être certain de ne pas se rendormir et d’être d’aplomb à six heures. Couché à une heure et levé à cinq, il avait tout de même connu des nuits plus longues. Ce fut avec cette pensée irritante qu'il alla vers la statue de la sorcière Borgne.

- Dissendium.

Drago avait entendu dire Potter en troisième année, qu'un passage conduisant à Honeydukes se trouvait là. Il suffisait juste de passer par la statue avec ce mot de passe et…

La bosse roula sur le côté sans un bruit et Drago s'engouffra dans le passage. D'un lumos, il éclaira le couloir terreux où il avait grand peine à tenir debout.

Il parcourut l'allée à quatre pattes, dégageant certaines fois des toiles d'araignées qui le firent grimacer. Si l’on apprenait par où se faufilait le noble héritier des Malefoy !

Enfin, une trappe apparut en même temps qu'un mur de sable, lui indiquant clairement qu'il ne pouvait pas continuer sa course.

Drago poussa légèrement sur le bois qui émit un grincement plaintif. Drago fit une moue mécontente et réitéra son geste. La plaque opaque tomba sourdement sur le côté.

Se levant sur ses jambes, ses coudes arrivaient juste au niveau du sol d'une cave mal entretenue. Il se hissa rapidement et, s'époussetant soigneusement, referma la plaque.

Il ferma ses yeux et transplana.

Il atterrit dans le hall de St Mangouste et se dirigea vers l'accueil.

Une femme graisseuse avec une perruque blonde et des lèvres peintes de rose le reçut mollement.

- St Mangouste, bonjouuuur, minauda-t-elle en consultant un magazine people.

- La chambre de Narcissa Malefoy.

- Bonjour à vous aussi, grogna-t-elle en fouillant dans un dossier. Vous êtes ? s'enquit-elle en relevant sa tête.

- Son fils. Drago Malefoy.

Ainsi, il arrivait qu'on ne le connaisse pas ? Lui, un Malefoy ? Cette pauvre femme n'avait jamais dû sortir de cet hôpital et étant la perfection incarnée, Drago n'était jamais allé à St mangouste. Il sourit de sa propre modestie.

- Vous avez dans ce cas, certainement un papier de Poudlard, m'assurant que vous avez tout droit d'être là ?

Il arqua un sourcil et prit un air encore plus hautain.

- Je suis majeur.

- Oui, mais sous la tutelle du directeur, répliqua-t-elle d'une voix d'où pointait l'agacement.

- J'ai abandonné mes études, vous voulez savoir quoi de plus ? siffla froidement Drago en se penchant par-dessus le comptoir, dernier rempart qui la maintenait vivante. Mes buses ? Ma maison ? Mon sang ? Ma fortune ? Ma dernière conquête ?

- Non, non, non, c'est bon ! bafouilla-t-elle en devenant rouge tomate. C'est bon, ne vous énervez pas monsieur, je…non, non, aucun problème…Chambre 415.

Drago escalada rapidement les escaliers et arriva au quatrième étage, sans prêter attention aux tableaux qui détaillaient, ahuris, un étudiant, errer à St Mangouste à six heures du matin, le premier novembre.


« Quatrième étage : Pathologie des sortilèges ».

Il doutait que cela soit l'étage réellement approprié à sa mère, mais sûrement demeurait-elle ici car les locaux étaient mieux aménagés ou la surveillance mieux déployée.

Il s'approcha de la porte avec une boule d'appréhension dans l'estomac.

Maintenant qu'il y était, il paniquait des réponses qu'elle lui donnerait. Finalement, il n'était plus certaine de réellement vouloir savoir ce qu'elle allait lui dire…

Drago n'aurait qu'à tourner les talons, transplaner et c'était fini. Etait-il vraiment prêt à assumer les réponses qu'elle lui donnerait ? Dans tous les cas, elles seraient douloureuses... Mais est-on jamais prêt ?


Sa mère n'allait pas tarder à mourir et il ne saurait jamais. Elle fermerait les yeux et ce serait terminé. Peut-être d'ailleurs l'était-elle déjà … ?

Cette pensée l'étreignit avec tant de forces qu'il ouvrit la porte à la volée et se précipita au lit de la patiente. La porte se referma toute seule derrière lui et Drago, choqué, observa sa mère.

Sa peau était craquelée, comme asséchée, et des bandes de peaux fanées séparées par de minces filets de sang, recouvraient les parties de son corps qui n'étaient pas masquées par le drap.

Ses cheveux étaient devenus blancs, ses ongles presque invisibles tant ils se rapprochaient de sa couleur de peau. Ses paupières closes étaient si minces, que l'on pouvait voir l’iris s'agiter à l’intérieur.

Elle semblait respirer avec beaucoup de difficultés et Drago n'avait jamais été aussi effrayé.

Drago poussa un léger gémissement, regrettant presque sa venue, et elle ouvrit ses yeux sur deux prunelles laiteuses. Il recula doucement tandis qu'elle humait l'air de son nez, simple os recouvert d'un filament de chair.

- Drago ? souffla sa voix rauque et aigue.

- Mère ? Que…Allez-vous bien ?

- Mon fils…

Une larme apparut sur sa peau et se perdit dans une fente.

- Oh…Si tu savais comme je suis désolée…

Une nouvelle larme dévala la joue de Drago et glissa le long de son menton. Une autre apparut à son tour et il s'approcha de sa mère. Sa lèvre n'était qu'un léger tissu soyeux de sang qui tremblait contre des dents jaunes et une langue bleutée.

- Mère…J'ai tant de questions ! Qui restent incertaines. Soulagez-moi, je vous en supplie.

Il avait murmuré tout bas mais il sut qu'elle l'avait entendu. La voir si faible, il se sentait presque coupable de l'accaparer avec tout cela. Mais les jours à venir ne verraient que l'aggravement de son état jusqu'à ce qu'elle... Il ne pouvait se résigner à dire ce mot. C'était comme si, de quelques lettres, il coupait tous les liens, les peu de liens qui les unissaient.

- Dis-moi mon fils…Dis-moi…

- M'aimez-vous ?

Un sanglot étreignit les tendons saillants qui déchiraient la peau de son cou si faible.

- Plus que ma vie.

- Etes-vous avec Voldemort ?

- C'est si compliqué Drago…Si dur…Si difficile…

- Je resterai jusqu'à ce que je sache.

- J'ai envie de ne rien te dire pour te conserver jusqu'à ma mort.

Drago posa sa main sur la sienne et elle frissonna. Sa peau était comme de l'eau, elle semblait onduler sous ses doigts et peut-être que juste en la caressant trop fort, il aurait pu rompre ses os ?

- Lors de ma sixième année, je suis tombée amoureuse de Severus Rogue, le ténébreux septième année.

Elle fixait le plafond de ses yeux aveugles. Comme si plus rien ne pouvait l'atteindre. Et cela semblait vrai.

- Nous avons eu une liaison pendant un an. Il était préfet-en-chef à cette époque, Lucius ne le serait que l’année d’après… Mais Severus… ses notes parlaient d'elles-mêmes. Quand il est parti, nous avons continué de nous voir en secret ; il venait à Près-au-Lard et je le rejoignais. Je savais bien qu'il ne m'aimait pas comme cette Lily…

La souffrance qui la meurtrissait, transperça Drago comme un poignard. Encore une raison de haïr ce maudit Potter...

- Lorsque j'ai reçu mes Aspics, j'ai été mariée à ton père, pour la pureté du sang. Severus n'aurait jamais été assez pur… Je ne connaissais même pas Lucius. Il était à Serpentard en même temps que moi… mais je ne lui parlais jamais. La première discussion que j’ai eue avec lui, a été au manoir Black, celui où j’ai grandi, près de la côte. C'était un mois avant le mariage, durant un diner familial. Je ne l'ai pas aimé durant nos études, cela n’a pas changé lorsque je l’ai revu. Mais mon père… mon père voulait le meilleur pour moi. Et Lucius Abraxas Malefoy était le meilleur aux yeux de mon père.

C'était comme si la vérité, si pure, si vraie, si réelle, qui coulait de sa bouche, n'atteignait plus Drago. Elle n'aimait pas son père. Sa vie n'était qu'une prison où elle avait été enfermée. Une prison dorée. D'argent et de pureté.

- Il m'a entrainée dans les rangs de tu-sais-qui. Que dire de plus…J'ai dû servir. Néanmoins, la seule chose qui me maintenait en vie, c'était mon petit Drago à qui je ne devais témoigner aucune affection. Aucun amour. C'est ainsi que Lucius a imposé que je t'éduque. Les rares moments où il n'était pas là, j'aurais pu t'exposer tout mon amour…Mais je ne l'ai pas fait parce que je te voulais froid, sans sentiment, pour qu'un jour, si tu aies à souffrir, tu ne souffres pas. Pas comme moi. Et je crois que j'avais peur que tu ne me câlines devant ton père. Qu'il te fasse du mal, à toi, à moi.

Elle pleurait maintenant. C'était des larmes silencieuses. Qui glissaient le long de ses joues pitoyables et se noyaient dans les légers fossés creusés par le sang, entre quelques parcelles de chair blanchâtre.

- Que veux-tu savoir d'autres ? Dis-moi, Drago, je ne puis te laisser dans l’ignorance plus longtemps.

- Avez-vous une réelle importance vis-à-vis du sang, de l'argent et des manières ?

- Aucune. Le sang, alors que j'aime un sang-mêlé ! L'argent bétait la seule façon de te faire comprendre combien tu valais à mes yeux. Toute la fortune Malefoy ne vaut pas même un cil de mon Drago. Les manières, c'était Lucius. J'ai été moi aussi éduquée…

- Qu'avez-vous rêvé pour moi ?

- Ta liberté, ton choix. Que tu fasses ce que tu veuilles, tout en te déconseillant la magie noire, et le seigneur des Ténèbres… Je te voyais espion pour l'Ordre.

Elle s'interrompit et cracha un mince filet de sang. Le rouge, si vif, s'étendit sur sa blouse blanche et Drago le balaya à l'aide d'un mouchoir dans un geste machinal, refoulant ses craintes puériles.

- Est-ce que tu penses à moi, mè-… maman ?

- Tout le temps. Là, j'ai tellement peur que tu sois déçu de ma lâcheté. On est Serpentard, on ne se rachète pas.

- Non mère, on est ce que l'on veut être.

Elle frémit en fermant ses yeux.

Drago comprit son erreur et culpabilisa aussitôt. Ce qui ne lui arrivait jamais. Et il n'aimait pas ce sentiment. La contemplant, si près et si loin de sa mort, il se rendait compte qu'il ne connaissait pas cette femme. Qu'elle l'avait engendré et qu'il ne savait rien d'elle ! La tutoyer ou la vouvoyer ?

- Quand on a la possibilité mère…Je veux dire, vous êtes une femme, c'est déjà plus compliqué… Ne vous méprenez pas…

- Continue Drago. Tes questions me font revivre les plus beaux moments de ma vie. Je revois tout... Est-ce cela mourir ?

- Comment était votre famille ? demanda Drago, préférant ignorer la dernière partie de sa phrase.

- Ma famille était comme celle que tu as. Ma mère est morte, je n'avais que dix ans. J’étais la favorite de mon père… si bien éduquée, silencieux, droite et fière… Bella était une peste, mais Andromeda… était la sagesse incarnée. Elle a surpris tout le monde en s’enfuyant. Les autres, nos cousins, nos oncles, tous s'entrainaient à la magie noire sur tout ce qui bougeait et mon père désapprouvait au début… Puis, des choses se sont passées et il a fini par accepté. Me marier, c'était l'occasion rêvé de partir mais aussi la peur de connaitre un mari inconnu.

- Alors… que pensez-vous de Lucius ?

- Je le hais. J'ai été forcée de me marier à lui, je lui ai donné un héritier et de l'éduquer de telle manière, qu’à ses dix-sept ans, il me demande si je l’aime ! hoqueta-t-elle, sanglotant. Tu ne sais pas que je t'aime… Severus, lui, a été un amant formidable, toujours là pour moi. Un parrain exemplaire, qui t'offrait de si beaux cadeaux…

- Mère, savez-vous combien de jours vous reste-t'il à vivre ?

- Oui mon chéri…Drago jure-moi que quand je mourrai, tu seras désinvolte, comme à l’accoutumée…Tu feras comme si nos relations n'avaient pas changé…Ton père s'occupera de tout. Et même si je suis enterrée dans un cimetière moldu.

C'était une injure pour un sang aussi pur mais Drago ne put que se résigner à accepter sa dernière volonté. Pour l'instant, la voir dans cet état, dispensait en lui une adrénaline nouvelle et il ne ressentait plus rien. Une adrénaline ou quelque chose pour qui ankylosait ses réflexions, annihilait ses gestes.

- Qu'elle est cette maladie mère ?

- C'est… c'est une…

Ses yeux semblèrent s'exorbiter. Dépourvus de cils, on aurait cru qu'ils allaient déborder de leurs orbites. Drago recula précipitamment.

- C'est un sorti…l…Drago, je t'aime tant, ne t'en veux pas…ège…de magie noire…

Son corps fut pris de spasmes. Elle sursauta encore. Puis gémit. Un cri si aigu qu'il perfora et les tympans de Drago et son cœur, et chacune de ses particules. Il ne pourrait jamais l'oublier. Sa cage thoracique semblait exploser dans son corps, et à chaque respiration de plus en plus difficile, les os transparaissaient et semblaient percer sa peau.

Et tout s'arrêta. Elle retomba sur le lit, les paupières ouvertes en grand, le corps raide, les reins arqués. Inanimée.

Morte.

Drago, sans voix, réduisit la distance qui les séparait et la serra dans ses bras.

Elle était toute froide et blafarde et ne réagit pas à son étreinte.

- Maman…maman, réveille-toi…Maman ; pas après tout ce que tu m'as dit. Non, je t'en supplie…

C'était étrange d'appeler cette personne maman. Jamais il ne l'avait appelée autrement que mère de son vivant...

Drago la secoua doucement.

Il la lâcha, les bras couverts de peaux mortes. Son corps n'était que sang.

Et une voix résonna alors, tel un chuchotis :

« Tu n'avais pas le droit de parler à ton fils. »


Drago comprit alors qu'elle était morte en lui ayant dit. Lui ayant dit quoi au juste ?

Quelque chose à propos de sa maladie, aucun doute.

Il tourna les talons, peu envieux de demeurer dans cette ambiance glauque et, d'un "recurtive" se débarrassa des souillures qui le dégoutaient tant. Les étages furent rapidement parcourus et bientôt, le blond parvint au comptoir. Levant ses yeux vers une horloge, il apprit qu'il était ici depuis deux heures.

Bousculant la longue file d'attente, il s'approcha de la sorcière d'accueil, la grosse blonde. Les gens lui lancèrent des regards courroucés.

- Faites la queue, ordonna la femme.

- Ma mère était morte quand je suis entré. Quelles modalités dois-je remplir ?

- Pauvre chou ! Je suis navrée mais je ne suis pas concernée. Faites la queue, des gens att…

- ESPECE DE GROS COCHON, TU VAS LA FERMER ET ME REPONDRE ?

Silence général. Il se reçut des airs choqués, d'autres peinés et certains avaient de la pitié dans les yeux. Parce qu'il était presque orphelin. Et qu'il venait de découvrir seulement maintenant que sa mère lui avait toujours attaché de l'importance.

Drago partit, tremblant de rage, de déception, le cœur lourd. Il devait honorer sa parole mais tout de même…


HHHH


- Mec, t'as une gueule à réveiller un mort.

« Merci Blaise. Avec lui, on ne peut jamais rien oublier », songea sinistrement Drago.

Quelle ironie ! Sa mère était morte le premier novembre, le jour de la fête des saints et le lendemain, des morts.

Sa mère, qui l'aimait était morte. Elle avait un amant, son professeur préféré, son parrain…

Drago releva la tête et croisa le regard de Severus Rogue. Cinq secondes. Le temps que Rogue pénètre ses pensées, qu'il voie sa mère, l'état dans lequel elle avait été, et sa mort.

Cinq secondes pour masquer un regard embué, un départ précipité, et une démarche chaloupée…

Cinq secondes où Pansy avait tout suivi.

Elle se leva, longea la table, et alla du côté où Drago était assis. Elle se posa à ses côtés et l'enlaça jusqu'à l'étouffer. Il reçut son amie, dans un brouillard de confusions.

Il ne voulait pas voir la vérité sous ses yeux. Ne pas comprendre qu'elle était morte, que c'était fini…

Il la serra plus fort encore, comme si ainsi, il libérerait la tension nerveuse de ses muscles.

- Merde, ils sont ensembles ? souffla Nott. Si j'avais su, j'aurais fait un pari…

- Même Verpey n'aurait pas parié là-dessus, répondit Blaise, éberlué.

Pansy et Drago, se tenant par la taille, se redressèrent dignement et, sortirent de la Grande Salle. Aussitôt que la porte fut close, il se détacha d'elle.

- S'il te plait, Pansy, laisse-moi…

- Bien.

Elle le lâcha et partit sans se retourner. Qualité rare : elle n'insistait pas.

Drago rejoignit d'un pas trainant la tour d'Astronomie. La plus haute. Il pourrait peut-être se suicider ainsi, et rejoindre sa mère. Tant de questions.

Il monta lentement et compta les marches, les épaules basses.

A chaque marche, une réflexion s'incrustait en lui, telle une aiguille qui apaisait sa douleur tout en la provoquant avec plus de vigueur.


' Tu m'aimes.

Mais tu es partie.

Tu m'as abandonnée.

Ma vie est sans impasse.

Il ne tient qu'à moi de survivre.

J'aurais voulu te connaitre mieux.

Et maintenant, ton absence se forge.

Je ne pensais pas que je souffrirais tant !

Mais la vérité est que je t'ai vue autrement.

Et que tu as fait écrouler tous mes repères avant...

De t'en aller. Tu es partie. En souriant, soulagée de partir.

Et au final, je m'en veux de ne jamais avoir compris ce que tu vivais.

De t'avoir toujours crue sans amour vis-à-vis de moi. Et c'est fini, je ne te reverrai plus.

Plus jamais je ne pourrais sentir ton odeur, regarder ton air détaché, tes manies, te présenter ma femme, mes enfants, ma fortune, ma demeure, mon travail, ma passion... Car je dois devenir un homme libre, n'est-ce pas ? Tu es morte pour ça. Pour que je comprenne. Tu ne t'es pas battue. Moi, j'essaierai.'


Enfin, le vent frais lui fouetta le visage et lui arracha les larmes qu'il ne voulait pas laisser couler. Il se cramponna à la rambarde.

- JE N'Y ARRIVERAI PAS ! TUE MOI QUE CA AILLE PLUS VITE !

Il entendit des bruits de pas dans son dos et devina que la personne s'adossait au mur.

- Je t'avais demandé la paix Pansy.

- Mais je ne suis pas Pansy.

Il laissa Granger faire, sans se retourner.

- Décrispe un peu Malefoy, on dirait que t'accouches !

Drago allait l'insulter, lui dire qu'il se fichait des états d'esprit d'une sang-de-bourbe. Qu'il se moquait d'elle.

Mais voilà, sa mère n’importait pas d’importance aux sangs. Devait-il l'imiter elle ou son père ? Tous ses repères s'écroulaient et le laissaient pantois.

Maintenant, qu’était-il censé dire à Granger ? Qu'il l'aimait peut-être ? Quelle horreur ! Il en frissonna de dégoût. Il n'avait plus de réelle fierté pour son père. Sa mère n'aimait pas son père. Elle le détestait. Dix-huit ans qu'ils étaient ensemble et elle avait eu un amant tout le long.

Peut-être même que Lucius Malefoy n'était pas son père…


Le comble de l'ironie, il ne serait pas un Malefoy au sang si pur et à l'héritage si généreux !

Et maintenant, de quel camp faisait-il parti ? Avec qui était-il ? Sa mère lui déconseillait Voldemort mais en même temps n'avait pas su faire de même… Il lui avait rétorqué qu'on était ce qu'on voulait être. C'était vrai. Mais aujourd'hui, que devait-il être ? Que voulait-il être ?

Il aimait son père. L'avait toujours considéré comme étant quelqu'un de respectable et d'honorable. Et puis, il s'était occupé de son fils ; certes il avait souvent dû essuyer des doloris pour soulager la fureur de son père lorsqu'il revenait d'un mauvais rendez-vous ou que les affaires ne s'étaient pas aussi bien passées qu'il l'aurait voulu. Mais pouvait-il lui en tenir rigueur ?

Il tuait des gens. Bien ou Mal ? C'était bien d'exterminer certaines… Non, pas forcément, sa mère avait aimé un homme dont le père était moldu. Moldu. Sans pouvoir. Un simple moldu !

Se battait-il pour la bonne cause ? Une fois que Voldemort aurait gagné, il faudrait des siècles pour soulever et abattre une telle dictature que celle qu'il comptait imposer au monde.

Pendant que le fils de Granger s'occuperait du Royaume-Uni… Il n'était plus un enfant aux actes dépourvus de conséquences.

De par ses compétences, les souvenirs de Voldemort qu'il avait vus et sa connaissance de l’emplacement des horcruxes, sa mission, son influence sur Blaise et donc sur Granger, le sort de la guerre reposait entre ses mains. Mais… Il perdrait tous ses privilèges. Ou alors se les verrait multiplier par cent ! Il ne devait pas être égoïste. Ne devrait pas. Mais qui était là pour lui faire la morale ? Egoïste ? Qu’est-ce que cela signifiait, au juste ? Il l'avait toujours été, et personne ne lui avait fait de remarque.

Lui, un homme, allait décider de la vie de… de cinq milliards et neuf cents millions de gens. Il n'arrivait même pas à imaginer cent personnes ; alors autant !

Drago décida, silencieusement, qu'il effectuerait ses deux missions ; Dumbledore lui avait intimé de réaliser celle confiée par le Seigneur des Ténèbres il l'écouterait donc. Et il donnerait le peu qu'il savait à l’Ordre.

Il se retourna et constata que Granger, accoudée à la rambarde plus loin, fumait une cigarette. Il s'approcha d'elle silencieusement et elle lui tendit son paquet avant qu'il n'ait le temps d'en réclamer une. Il approuva silencieusement, la prit et l'alluma d'un geste de baguette magique.

Drago huma doucement la fumée âpre s'insinuer en lui, lui irriter doucement la gorge, lui brouiller ses pensées. Il la porta à sa bouche et tira une longue taffe. Cela l'aidait amplement à retrouver quelques souvenirs, à se rassurer d'un geste si souvent répété qu'il en devenait machinal, à éloigner les démons qui lui broyaient la poitrine. Il replongeait avec aisance dans le passé et cela réussissait à apaiser sa peur naissante.

- La vie, c'est de la merde. On se lève, on tombe, on se relève et on crève. Le monde est un spectacle à regarder et non un problème à résoudre. (Jules de Gaultier)

Drago hocha silencieusement la tête, heureux du silence présent. N'en pensant pas moins que Blaise qui les avait rejoints et s'emparait à son tour d’une cigarette, n'avait jamais énoncé quelque chose de si sensé dans un contexte propre, et de se philosophique.

HHHH

« Le 05.11.97

Père,


Le processus est bien enclenché et le rapprochement est établi. Qui plus est, elle s'est légèrement éloignée de ses amis Gryffondors.

Blaise parle très souvent avec elle et il a débuté un plan particulièrement judicieux. Vous supposez bien, que je ne puis vous le transmettre, les lettres étant si facilement égarées…

Saluez notre Seigneur avec tout le respect qui lui est dû et implorez de ma part son pardon de ne pas avoir pu lui donner de compte-rendu plus tôt.

Je ne pourrai pas rentrer pour les vacances de Noël – Granger demeure au château - et cela semble être un moment propice pour se « connaître » un peu mieux.

Comment se porte mère ?

D.M
»

« Le 12.11.97

Fils,

J'ai bien reçu ta missive et elle n'a été aucunement interceptée.

Le maitre est satisfait de l'avancée de la mission. Il ne veut rien savoir de ce plan mais souhaite juste –ainsi que moi- qu'il fonctionne pour vous.

Le Seigneur a reçu tes salutations mais a difficilement toléré le retard – un mois tout de même- que tu avais. Il te déconseille de renouveler ton geste à l'avenir.

Tu devras être au rapport avant le trente de chaque mois.

Quant à ta mère, elle est morte. Elle a été trouvée dans son lit. La maladie aura eu raison d'elle. Je l'ai fait enterrer dans un cimetière.

L.M
»


« Le 30.11.97

Père,

La mission progresse lentement et il n'est pas rare que Blaise et Granger se donnent des rendez-vous pour discuter.

Il semblerait qu'elle ait développé une passion pour le Quidditch, un sujet sur lequel nous conversons tous quatre, Pansy nous rejoignant aléatoirement.

Elle a l'air de prendre confiance en Zabini et des liens se nouent – mais du bon côté, je vous rassure- et réclame souvent sa présence.

Elle reste sur ses gardes et n'est pas naïve.

Vous aurez la présence d'esprit de déposer des fleurs sur la tombe de mère.

D.M
»



« Le 5.12.97

Fils,


Ton compte-rendu a été transmis au Lord. Il vous demande de vous dépêcher un peu.

En effet, quand il a la générosité de vous offrir neuf mois pour accomplir votre mission, vous entrez fortement dans ses grâces si vous l'accomplissez un peu avant, et non le dernier jour, fils.

La tombe de ta mère a été sauvagement saccagée. Je l'arrangerai en temps voulu.

Ne fais rien de compromettant, je ne voudrais pas que tu sois dévoilé et que Dumbledore te renvoie – ce serait extrêmement fâcheux pour "tes Aspics".


PS : Le week-end du 17 décembre, au lieu de te rendre à Près-au-Lard, peut-être que toi, Pansy et Blaise devriez rester à l'intérieur du château, j'ai entendu parler de chûtes de grêles.


L.M
»

HHHH


Léger déhancher, une main baladeuse dans les cheveux et une poudre qui s'échappe doucement d'entre les doigts, telle de la poussière d'étoile, pour atterrir dans le chaudron encore vide de Nott.

Granger passa sans se retourner, sachant pertinemment que la poudre de corne d'Eruptif, explosif interdit à la vente mais que le marché noir commercialise pour un prix tout à fait raisonnable, avait atteint le récipient.

Elle s'assit aux côtés de Drago avec qui elle devait travailler. C'était un arrangement de Rogue, les préfets en chef, et toute la classe avait subi un mix, dès le début de l’année.

Blaise travaillait avec Weasley, Pansy avec Potter et Londubat avec Nott. C'était suffisant pour se divertir. Toutefois, Potiron était une catastrophe en potions, et il n’avait pas fallu longtemps pour que Pansy s’énerve. Severus avait résolu le problème en plaçant Weasley aux côtés de Pansy, et, depuis, elle n’avait que très peu élevé la voix.

Depuis quelques temps, Granger paraissait vouloir se divertir. Alors, elle entreprenait quelques plaisanteries, mais si astucieuses, que personne ne remontait jamais jusqu'à elle.

Drago ne demanda aucun rapport à Granger. Les plaisanteries ne concernaient qu’elle et Blaise. Drago n'était pas son ami, c'était suffisant. Toutefois, lorsque cela concernait Théodore Nott, cela valait toujours la chandelle d’apprécier les répercussions.

Rogue débuta son cours assez froidement ; il semblait encore plus de mauvaise humeur qu'à l'accoutumée, ce qui était intriguant.

- Aujourd'hui, nous allons étudier une potion, tellement laborieuse pour vos cerveaux de moldus dégénérés que je ne m'étonnerai pas de vos airs niais à sa lecture.

Drago haussa ses sourcils, amusé. Une telle potion existait, vraiment ?

- L'Acidoularpe.

La main de Granger fusa, indétrônable.

- Tu fais un concours de celui lèvera le plus vite sa main ? persifla Drago.

- Je l'ai emporté depuis longtemps, la fouine.

Rogue observa attentivement la classe, et lorsqu'il l'eut fait, à l'endroit et à l'envers, en diagonale, dans l'ordre alphabétique des élèves, puis inversement et qu'il l'eut fait selon les dates de naissance, de façon croissante puis décroissante, esquivant soigneusement Granger, il se résigna à poser ses yeux sur… sur le tableau qu'il tapa d'un geste sec de la baguette.

- Etant donné qu'aucun d'entre vous n'est capable de me fournir d'explications, vous me donnerez les ingrédients, la préparation, les effets voulus et secondaires indésirables, et le contre-actif pour demain sur parchemin. En précisant ce que fait chaque ingrédient, bien sûr.

Ce fut la première fois en sept ans que la classe entière regretta que Granger ait été ignorée.

- Professeur, mais Hermione avait levé le bras… ? risqua Dean Thomas.

C’était une des premières fois qu’un étudiant de Gryffondor paraissait se rappeler la présence d’Hermione/.
La plupart des élèves acquiescèrent vivement de la tête à sa phrase, Serpentard compris.

- Thomas, vous rajouterez à votre copie les caractéristiques que cette potion engendra selon trois modèles humains différents. Vous prendrez un homme mince par exemple, des yeux verts sournois et une cicatrice qu'il ne peut s'empêcher de nous exposer.

Tous les regards se posèrent instantanément vers Potiron, qui, les yeux fermés sous la douleur, appuyait ses doigts sur sa cicatrice.

- Cinq points en moins pour Gryffondor, Potter ; lorsque vous aurez arrêté de vouloir attirer toute l'attention vers vous, alors, peut-être saurez-vous que je vous donne le même travail supplémentaire qu'à Thomas. Bien, vous avez deux heures pour concocter cette potion.

Drago laissa jeta un coup d’œil vers Granger, qui, les bras croisés, observait le tableau d'un air vague.

- Tu te lèves !

- A toi l'honneur, Malefoy.

- C'est ton tour.

- Non, je l'ai fait la dernière fois.

Drago grinça des dents, sortit sa baguette et d'un accio, fit venir à eux tous les ingrédients nécessaires. Il se retourna vers elle, hautain et le regard fier.

Granger lui détournait le dos et commençait déjà à couper les langues de vipères en fines lamelles. Elle les lança grossièrement dans le chaudron où bouillait une cuillère à soupe de sang de dragon. Drago, mécontent, se tourna vers sa planche et fit le travail qui lui salirait le moins les mains : lire le tableau et dicter à Granger.

- Tu remues quatre fois à gauche, dit-il d'une voix trainante, car il savait pertinemment que cela l'agaçait plus que tout.

- A gauche, ça veut dire dans le sens contraire aux aiguilles d'une montre ? s'enquit-elle d'une voix perçante.

- Je te donne ton insigne de miss-je-sais-tout !

Elle siffla furieusement avant d'entreprendre ce qu'il lui avait demandé.

- Tu vides les escargots de leurs charmants et visqueux locataires, lut Drago.

- Fais-le toi-même, je dois m'occuper de l'asphodèle.

- On inverse.

- Non.

Il lui jeta un regard méprisant, mais ils n'eurent pas le temps de se disputer, derrière eux, retentissait une explosion caractéristique à la corne d'Eruptif.

« Bon, Granger avait peut-être prévu un peu trop de poudre… »


La totalité de la classe se retrouva propulsée vers l'avant de la classe et la plupart des élèves avaient atterri dans des positions hors normes.

Brown avait ses jambes collées au mur, sa jupe remontée jusqu'aux hanches ; Finnigan était à moitié allongé sur elle. Potter était assis, dos aux étagères, Pansy à genoux, légèrement égratignée. Blaise était plaqué contre le mur dans une étrange position d'étoile de mer et Weasley semblait dormir, immobile.

D'autres élèves, recouverts de suie, étaient méconnaissables dans la pénombre des cachots.

Drago, assis sur le sol était un des moins atteints avec Granger qui s'époussetait en mordant ses lèvres, retenant ses esclaffements.

Finalement, il n'y avait pas que du mauvais à être au premier rang.

Par contre, Londubat et Nott étaient salement amochés. Drago venait juste de les discerner.

Les cheveux en pétard, remplis de cendres, hérissés sur leurs crânes, les épaules croulant sous la poussière, et l'uniforme déchiré laissaient transparaitre qu'ils avaient vécu l'explosion.

- Espèce de crétin ! lança Nott à Neville

- Mais c'est pas moi ! J'ai juste mis le sang de dragon et …

Rogue apparut de sous les décombres, les cheveux gras répugnants, les yeux lançant des éclairs.

- Messieurs Nott et Londubat ! Vous êtes en retenues tous les jours du mois de décembre et vous me rendrez le même travail que Thomas. Vous ferez la même chose sur les potions des trois chapitres de votre manuel pour le vingt décembre, siffla Rogue, furieux. Vous êtes des verracrasses incapables tels que Merlin n’en a jamais connu et n’aurait jamais souhaité voir ! Etre confiné avec de tels abrutis risque fort de me voir me convertir à votre QI si bas, bandes d’écervelés !

Puis, il s'approcha de leur chaudron d’un pas furibond et l'examina ; il huma l'air en fronçant son nez. Il tourna son regard avec lenteur vers la classe encore immobile.

- Qui a mis de la corne d'Eruptif dans leur chaudron ?

Personne ne cilla. Drago jeta un large coup d'œil dans la classe avec une moue réprobatrice qui heureusement, cachait oh, combien il était amusé !

Il vit aussi Granger, décontractée, scruter les élèves avec attention comme ils le faisaient tous entre eux. Bonne actrice.

- Personne ne se dénonce ?

- Je sais qui c'est ! s'exclama Nott en s'avançant d'un pas, l'air dramatique.

« Il se croit vraiment au théâtre, ce con », songea sarcastiquement Drago.

- C'est…elle ! annonça-t-il en pointant Granger du doigt.

Drago arqua un sourcil empreint de doutes et un sourire narquois se peignit sur ses lèvres, sans même qu'il n'ait pu le contrôler.

- Granger était à mes côtés tout au long du cours, claqua Drago. Cela tourne à la paranoïa Théo. Tu sais comment j'appelle ça moi ? La schizophrénie.

Nott eut l'air profondément choqué alors que Blaise appuyait ses paroles en enroulant un bras autour des épaules de la Gryffondor, la maison de laquelle lui envoya des regards assassins en désignant son bras.

Drago n'avait pas pour habitude de faire ce genre de chose, mais sachant que Blaise avait acheté au marché noir un produit illégal, il ne voulait pas que l'on remonte jusqu'à lui.

- Miss Granger ne serait donc pas contre une goutte de Veritaserum ?

- Aucunement.

Elle se dégagea de l'étreinte de Blaise et s'avança vers son professeur, le pas souple.

Drago pâlit légèrement. A quoi jouait-elle ? Ils ne pourraient plus la couvrir après. Blaise semblait penser exactement pareil car il se grattait le nez.

Le professeur tendit une fiole dont le liquide était transparent ; elle déglutit l’intégralité de la fiole, et se permit un sourire.

- Avez-vous ne serait-ce que touché, vous ou quelqu'un de classe, au chaudron de Londubat et de Nott ? demanda Rogue en se penchant vers elle.

- Non, professeur, je n'y ai jamais touché, assura tranquillement Granger en le regardant dans le blanc de l'œil.

La descente en enfer d'Hermione GrangerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant