Chapitre 37 : Le revers de la médaille

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Chapitre 37 : Le revers de la médaille


Le Poudlard Express lâcha un long panache de fumée blanche. Il fut vivement accueilli par les cris enthousiastes et peinés de ses passagers. Il commença à ralentir, à mesure que le quai se distinguait.

C’était la fin de l’année scolaire et il raccompagnait les élèves auprès de leur famille.

Le jeune Serpentard se leva, tendu, l’esprit alerte. Sans saluer ni Hermione, ni Pansy, il bondit dans le couloir, chaloupa à cause du virage qu’arpentait le train.

Il se rattrapa à une paroi, poursuivit sa course effrénée. Il se rua contre la porte du wagon et l’ouvrit. L’air le frappa de plein fouet, et il se jeta dans le sol caillouteux.

Sans un regard en arrière, il se rua dans la direction opposée, le cœur battant à cent à l’heure. Il savait que le Lord était tout prêt, qu’il allait venir le chercher.

Horrifié, les yeux furetant, il dégaina sa baguette. Où transplaner ? Où aller ? Où ne pas aller ?

Son cerveau bouillonnait et l’horreur le crispait comme une corde d’arc. Puis la voix retentit :

- Reviens ici, traître ! La fuite ne te mènera nulle part, tu vas payer ! Tu devais m’apporter Hermione Granger et tu as failli !

Il se retourna et la silhouette sombre était déjà là. Dressée devant lui, comme un serpent. Elle sortit sa baguette de bois et la fit tournoyer dans les airs…

- AVADA KEDAVRA !

L’éclair vert inonde son champ de vision. Il ne voit plus rien.


Dans le château, ils sont éloignés de plusieurs centaines de mètres, pourtant, deux étudiants partagent la même peur, la même crainte.

Elle vient de les saisir dans le plus intime de leurs rêves, et ce fléau se démarque des autres, par sa gravité. Ils vont mourir et ils le savent. Lord Voldemort aime laisser les gens le redouter, puis finalement les achever.

Ce sont deux étudiants qui partagent la même peur. Depuis près d’une semaine, ils ressassent ces pensées. Ils savent que le compte-à-rebours est lancé.

Et ni Drago, ni Blaise, ne parvient à se rendormir après cela.


HHHH


- Vous avez une mine affreuse ! lança Pansy, d’un ton affectueux. Vous devriez prendre plus de temps pour dormir, les garçons. Moi par exemple, avec Milly qui ronfle, j’ai mis un sortilège d’insonorisation.

Blaise et Drago approuvèrent d’un bref hochement de tête, sans grande motivation. Ils étaient exténués, mais que pouvaient-ils y faire ?

Hermione prit place à côté d’eux, sans un bruit. Ses traits étaient également tirés et elle ne leur accorda pas une parole.

- Allez, on se motive, c’est le dernier match de Quidditch de la saison ! De l’année ! De Poudlard ! scanda Nott en s’affaissant.
- C’est vrai, ça, c’est l’ultime, marmonna Butcher. Ca fait tout drôle…
- J’en ai des frissons, wahoo ! cria Ham.
- Blaise ! Oh tu es là ! s’exclama Luna en le rejoignant.
- Oui, ma Luna, tu brilles plus que la lune, et tout me…
- Merci beaucoup, je venais te souhaiter bonne chance.
- Ah ah, les Serdaigle déclarent forfait ! se moqua Tracey.
- Je sais que tu feras un magnifique match, précisa Luna sans l’écouter. Je conjurerai le mauvais sort pour que ni le Ronfluks, ni le Bourkus ne s’en prenne à toi. Tiens, porte ça.

Elle lui avait tendu un collier au bout duquel pendait une tête d’ail. Blaise l’enfila aussitôt, reconnaissant. Ses yeux brillaient d’émotion.

- Les vampires se tiendront aussi éloignés de toi, remarqua Pansy en masquant un sourire railleur.
- Je ne sais pas, avoua Luna. Dans tous les cas, tiens-toi toujours éloigné de Scrimgeour, si tu le croises, car c’en est un. Je dois y aller, à tout de suite !

Elle venait d’embrasser Blaise, et déjà, rejoignait les siens. Le métis s’effondra sur la table, la tête dans son bol de porridge.

- Tu es répugnant, cracha Davis.
- Je l’aime, baragouinait-il en s’essuyant.
- Dans dix minutes, dans les vestiaires, annonça Drago, alors que Ham, Butcher, Crabbe et Goyle s’éloignaient.
- Bien reçu, capitaine !

Une vague de mélancolie et d’appréhension parcourut Drago. C’était son dernier match dans cette école. Cette impression était désagréable, d’autant plus qu’elle le rapprochait de la fin de son année scolaire… et de Voldemort.

Il se remémorait parfaitement cette course-poursuite sur le gravier, le train qui détalait au loin, et la voix aigüe qui l’invectivait, et le tuait finalement… Son cœur tressaillit.

- Tu viens nous voir jouer, Hermione ? proposa amicalement Pansy.

L’humeur maussade de la Gryffondor n’avait échappé à personne. Drago n’oubliait pas non plus le mensonge qu’elle lui avait fourni afin de justifier la saoulerie du mercredi. Toutefois, il avait eu la finesse de ne pas le ramener sur le tapis, bien que cela n’ait eu cesse de le tourmenter.

- Non merci, je dois finir mes notes sur nos précédentes années de cours.

Blaise haussa ses épaules au regard interrogateur de Pansy. Ils se levèrent tous deux, suivis d’Hermione puis de Drago, et quittèrent la Grande Salle.

Les deux premiers partirent, laissant aux deux préfets-en-chef quelques instants de solitude. Mais Hermione ne l’avisait pas ainsi, car elle escaladait déjà les escaliers qui la conduiraient aux appartements préfectoraux.

Drago la rattrapa en quelques enjambées et l’entraina derrière une tapisserie. C’était un passage secret qui conduisait à un couloir parallèle. Il s’agissait surtout, dans l’heure, de partager un moment intime.

- Hermione, soupira-t-il, qu’est-ce qu’il se passe ?
- Rien Drago, tu as un match à gagner, vas-y.

Elle tenta de se défaire de son emprise mais il la rapprocha de son corps et la serra contre lui.

- Si je te demande de venir me voir, tu viendras ?
- Non, je vais être en retard sur mon planning et je…

Il l’interrompit en l’embrassant. Le contact de leurs lèvres s’était raréfié, cette semaine, depuis le soir où Blaise et Pansy les avaient interrompus.
Sa bouche se mouvait contre la sienne et il caressa sa joue, la collant à lui. Elle glissa sa main dans ses mèches blondes, profitant de cet instant.

Puis, il se recula et la contempla. Elle souffla, agacée et en même temps, un peu moins rembrunie.

- Viens, s’il te plait.

Elle approuva et il baisa le creux de son cou une dernière fois. Merlin, pourquoi ne parvenaient-ils donc jamais à concrétiser cette maudite relation ? Il n’en pouvait plus de la désirer autant, d’ailleurs, elle devait le ressentir parfaitement car désormais, la moindre étreinte déclenchait une érection douloureuse.

Depuis combien de temps n’avait-il pas… ? Elle lui dérobait tout son temps, c’était à peine croyable. Il n’y avait pas qu’elle, s’il était sincère, qui lui volait des heures… il y avait cette épée de Damoclès qui planait…


Ils arrivèrent au stade et se séparèrent. Hermione lui offrit un sourire en guise d’encouragement, avant de rejoindre les tribunes des Serpentards.

Il enfila sa combinaison dans un silence mortel, sans dénier porter d’attention aux inepties des autres joueurs. Seule Pansy semblait être dans le même état que lui.

Drago débita un rapide discours de tactique, lorsque chacun fut prêt, puis ils émergèrent sur le terrain. Le capitaine se remémorait parfaitement cette fois où il était en retard et où il était parti par la fenêtre de la salle commune. C’était un des premiers baisers d’Hermione.

C’était étrange de constater l’effet qu’elle avait eu sur lui, à partir d’un certain moment. Elle influait sur son humeur et sa seule présence bonifiait une pièce lugubre.

Il serra la main du capitaine adverse sans le remarquer, et enfourcha machinalement son balai.

Drago aperçut du coin de l’œil, Pansy foncer sur ses buts pour les protéger, Blaise, Ham et Butcher encadrer le souaffle dans un rayon de dix mètres, Crabbe et Goyle s’élancer après les cognards.

La voix de Luna résonna au micro, acclamant distraitement son équipe.

Les points défilaient, mais aucune trace du vif d’or. De toutes manières, Drago devait attendre que son équipe prenne plus de cent points d’avance, sinon, cela ne suffirait pas à remporter la coupe de Quidditch.

Il ne cessa d’effectuer des vas-et-viens sur l’ensemble du terrain, et garda son attention fixée sur l’autre attrapeur, dans le cas où celui-ci distinguerait la balle dorée.

« Point pour Serpentard, par Zabini Blaise. Très beau d’ailleurs, très fin, joué sur le côté, c’était très bien, dommage que le gardien ne l’ait pas arrêté… Sûrement aurait-il dû se munir d’une gousse d’ail également… »

Drago contempla le ciel clair. C’était une magnifique journée pour un match, surtout pour le dernier de sa vie.

Il frémit et ferma ses yeux, tentant de dégager tout le stress qui le nouait. Il s’obligea à souffler profondément mais rien de bon n’émanait de lui.

Le blond se demanda à nouveau ce qu’il devait faire. Il avait conscience de son incapacité à fuir. Il ne parvenait à s’y résoudre. Pourtant, sa mère lui avait conseillé de faire ce qu’il désirait. Mais il se sentait redevable envers Blaise et Pansy.

Ils ne pouvaient pas les abandonner, ni eux, ni Hermione. Que représentait Hermione ? Cette question le tracassait, il en venait à se la poser de plus en plus, plusieurs fois par jour. C’était par respect pour elle que sa chère vie allait être sacrifiée !

Il était donc grand temps de savoir identifier clairement ce pour quoi il allait mourir !

Un léger vent frôla sa joue et il ouvrit ses paupières. C’était le vif d’or. Hélas, son équipe devait encore marquer cinq points.

Blaise slalomait habilement et évita un puissant cognard qui aurait dû le faire tomber de son balai. Il fit une passe à Ham. Il marqua.

Plus que quatre points. Drago soupira de frustration et ses yeux cherchèrent Hermione, car le vif s’était déjà volatilisé.

Elle tenait sa tête d’une main, contemplant la pelouse sans grand intérêt. Il s’en voulut quelque peu de l’avoir ainsi trainée de force.

Drago discerna le visage d’Hermione se redresser brutalement, en même temps que Luna poussait une exclamation :

« Attaque de Bourkus ! Le professeur Dumbledore vient de s’évanouir ! Mme Pomfresh est réquisitionnée d’urgence… »

En effet, en s’approchant quelque peu, Drago vit la silhouette du directeur écroulée, retenue par le professeur McGonagall, Severus, et le professeur Flitwick. Il était fort mal au point, pâle comme un linge.

« Serpentard mène avec cent points d’avance ! » chantonna Luna, comme si elle avait déjà oublié ce qu’il venait de se passer.

Le directeur était réellement vieux, désormais, c’était… Cent points d’avance, avait-elle dit ?

Drago se courba sur son balai et sillonna rapidement les airs, à l’affût soudainement. Il repéra un éclat doré, mais c’était en réalité la montre au poignet d’un autre joueur.

Quelques minutes passèrent ainsi. Le second attrapeur était très actif aussi, sachant que si les Serpentards marquaient cinq points de plus, même le vif n’assurerait pas la victoire de sa maison.

Et enfin, il était là. Drago le capta quelques secondes, avant de foncer dans sa direction. Un faible éclat, juste dans l’anneau du milieu que protégeait Pansy. Elle se poussa quelque peu et leur laissa le passage.

Drago suivit la sphère, et enfin, tendit ses doigts. Il les referma autour de la balle et perçut avec amusement les ailes frétiller contre sa paume de main.

Il brandit son poignet vers le ciel et s’avança vers les tribunes, bien en vue.

« L’attrapeur Serpentard pense avoir attrapé le vif d’or, mais il se trompe entièrement… Ah, désolée professeur, je ne savais pas. Serpentard a gagné avec deux cents soixante-dix points à vingt ! Par conséquent, la coupe de Quidditch leur revient aussi ! »

Les sept joueurs de l’équipe verte et argent s’envolèrent vers la coupe que leur tendait Luna.

Drago la secoua en l’air, souriant sans ressentir le moindre plaisir. Dans son désintéressement, il faillit même assommer Crabbe.

Il avait gagné. Si seulement il pouvait vivre encore un peu… !


HHHH



Ce devait être extrêmement grave, pour qu’elle ne vienne même pas d’elle-même.

- Tu crois qu’elle a eu un problème ? s’enquit Blaise. Parce que je ne vois pas ce qu’elle aurait pu avoir, ici à Poudlard.
- Allez, avance plus vite ! grinça Drago, le cœur battant.

Lorsque le patronus en forme de loutre était venu le chercher, et avait réquisitionné leurs présences à Blaise et à lui, avec la voix d’Hermione, il avait nettement senti son sang ne faire qu’un tour.

Depuis trois jours où il était rentré tard des Trois Balais et l’avait vue si désespérée, il ne cessait de guetter les appels au secours qu’elle pourrait leur transmettre. Et devant le fait accompli, il craignait ce qu’il allait découvrir.

Drago laissa Blaise faire les pas devant le septième étage, incapable de se concentrer. Lorsque la porte se matérialisa, ils foncèrent dedans et la refermèrent au passage.

Ils reculèrent de stupeur. Ce n’était pas une pièce. C’était un tapis de sable qui s’étendait à perte de vue. Et lui faisant face, la mer, imposante, magnifique, qui brillait au soleil.

Blaise se retourna ; la porte était toujours là. Il l’entrouvrit et passa sa tête dans l’entrebâillement. C’était toujours le couloir du septième étage, aucun doute. Il la ferma derrière lui, choqué.

Hermione était là, allongée sur le sol, habillée, fixant le ciel azur.

Elle se redressa en position assise à leur arrivée et d’un signe de main les enjoignit à l’imiter. Ils s’exécutèrent, silencieux.

- Je suis contente que vous soyez venus aussi rapidement. Je dois vous parler.
- J’espère que c’est important, j’étais avec Luna et nous abordions les moyens de prévention contre le Bourkus, car l’ail a le désavantage de ne pas sentir très bon, expliqua posément Blaise. Et le rire de faire mal aux abdomens.
- J’ai réfléchi, et votre proposition m’intéresse.
- Pardon ? demanda Drago, horrifié de ce qu’il venait de comprendre.

Le bruit doux du reflux des vagues ne parvint pas à calmer son rythme cardiaque. C’était de pire en pire, tout paraissait s’assombrir devant ses yeux, à mesure que pulsait son sang dans sa tête. Il avait senti que quelque chose de très important se préparait mais pas cela…

- Je veux que vous contactiez votre maître et lui demandiez quand pourrons-nous nous voir afin de concrétiser son projet.
- Tu… tu es d’accord ? répéta Blaise. Je croyais que…
- J’ai changé d’avis en trois semaines. Il n’y a pas de problème ? C’est toujours d’actualité j’espère.
- On… on va le contacter et on…te transmettra sa réponse, ok ? balbutia Blaise.
- Parfait. Merci beaucoup.

Elle se leva, essuya ses jambes, couvertes de sable, et quitta la pièce. Lorsqu’elle eut poussé le battant, les deux hommes s’écroulèrent à la renverse sur le sable.

- Oh mon Dieu, murmura Blaise.

Drago était incapable de prononcer quoi que ce soit.


HHHH



La nuit était tombée depuis très longtemps, mais Drago, assis dans le parc, était incapable de pensées logiques. Il avait lâché à Blaise que l’entrainement du soir était annulé ; de toutes façons il n’y avait plus de match et ils l’avaient emporté sur les autres maisons.

Ces banalités étaient entièrement sorties de sa tête à présent.

Il recula un peu et appuya son crâne contre l’arbre. Une brise fraiche vint le caresser et frôler ses mèches blondes.

L’œil perdu dans les étoiles, il ne parvenait pas à réorganiser tous ses songes. En une phrase, Hermione avait enclenché chez lui, la plus sérieuse des contradictions, si bien que le mensonge de sa soirée de détresse, ses revirements d’humeur, tout lui paraissaient lointains, et il ne s’en souvenait presque pas.

Désormais, la question était de savoir ce que Drago comptait faire. Le maître allait être ravi et la sentence allait se retirer d’elle-même.

Drago et Blaise seraient même peut-être élevés au rang de mangemorts estimés directement. Il serait respecté et aucune mort à l’horizon. Pourtant, cela ne le soulageait pas du tout.

Car cela impliquait beaucoup. La liberté qu’il avait dessinée lors de son projet de fuite, lui était entièrement dérobée. Il serait impliqué dans la guerre comme étant celui qui avait livré Hermione. Ensuite, il serait dans les hauts rangs du Lord. Enfin, il allait servir celui que sa mère haïssait au plus haut point, et se battrait pour des idéologies qu’il ne partageait pas.

Pourtant, Severus aussi était du côté du Lord. Alors, peut-être que ce n’était pas si grave… ?

Une panique puissante noua son cœur : Hermione aurait bientôt un enfant du mage noir. Si cette idée lui avait paru totalement déjantée en août, elle se concrétisait d’heure en heure. Et cet éloignement, cette ascension pour la jeune femme lui rappelaient la dure vérité.

Hermione était la cible du maître depuis le début. Et Drago ressentait quelque chose pour elle, c’était indéniable.

La relation qu’il entretenait avec elle n’aurait bientôt plus de raisons d’être, car la Gryffondor, belle et fougueuse, appartiendrait au Lord.

C’était cet ensemble entier, de déchirements et de soulagements, qui le conduisaient vers une peur bleue, une panique féroce. Que faire ? Fuir maintenant, sans trop s’impliquer ? Mais Blaise le serait lui !

Et Hermione, Drago avait rapidement songé à lui proposer l’asile avec lui… Elle était maintenant aux côtés du Lord, et il devrait peser tous ses mots. Ne jamais mettre en doute l’autorité du mage noir, sans quoi, il risquait d’y avoir des remontées.

Il frappa l’arrière de son crâne contre l’écorce rugueuse. La douleur n’altéra pas sa juste vision de la réalité. Il était dans une impasse à double tranchant.

Tout s’avançait vers lui, imposant et omnipotent. S’il ne tentait rien, d’ici quelques semaines, il aurait une vie constituée d’une puissante antithèse.

Le négatif. D’un côté, la perte de liberté, la trahison envers sa mère, un combat pour quelque chose dont il se moquait éperdument, et l’implication qui risquait de le condamner si par une chance miraculeuse l’Ordre gagnait.

Le positif. D’un autre, le luxe, le respect, la fierté de son père, Hermione à ses côtés, Blaise honoré, Pansy protégée par leurs hauts grades.

Et, s’il le souhaitait, et qu’il agissait, la liberté, l’oubli, la fuite. Narcissa apaisée.

Devait-il se battre pour ses amis et un certain luxe dont il ne jouirait jamais pleinement lorsqu’il considèrerait la trahison envers Narcissa, ou bien tout plaquer et s’en aller ?

Drago poussa un long soupir. Il tourna son regard vers la tour qu’il partageait avec Hermione et dont il avait une bonne visibilité : elle n’était qu’au premier étage.

D’ici, il aperçut Pansy et Hermione, accoudées à la balustrade du balcon, dialoguant ensemble. La Serpentarde ne cessait d’hocher la tête.

Les bribes de leurs paroles, toutefois, lui étaient entièrement inaccessibles du parc.

Il se questionna à nouveau, se figurant qu’il ignorait dans quel camp se situait Pansy. A première vue, il répondrait celui du Lord. Mais il n’en était pas certain et, si sur un champ de bataille, elle combattait pour l’Ordre, alors il serait dans le camp opposé. Pansy, si secrète, si ténébreuse, si Serpentarde, était bien capable d’avoir rejoint l’Ordre.

Et ce n’était pas possible. Jamais il n’affronterait Pansy. Il se rangerait à son côté.

En détaillant les deux jeunes femmes, proches, il était persuadé que Pansy n’était pas encore engagée et qu’elle les suivrait, lui et Blaise.

Drago perçut soudainement le manque d’Hermione qu’il éprouvait, malgré le profond trouble dans lequel elle l’avait plongé.

Il se leva. D’un pas lent, il monta les escaliers. Il aurait pu tout aussi bien se rendre aux cachots. On y fêtait dignement la victoire des Serpentards.

Un verre ou deux, lui aurait allégé un peu le poids de ses soucis. Mais peut-être, que c’était justement le fait de tout prendre plus légèrement, qui l’avait amené dans cette impasse.

Il était certainement temps d’affronter les vérités. Et de faire face à sa destinée.

Drago croisa Pansy sur le chemin qui descendait vers l’antre vert et argent. Elle lui sourit et continua son chemin sans un mot de plus. Elle devait parfaitement imaginer les tracas du blond.

Le Chevalier du Catogan le laissa passer silencieusement, ce qui était bien agréable. Drago alla se réfugier dans un fauteuil accolé à l’âtre. Le feu, haut, susurrait des paroles vainement réconfortantes.

Il souhaitait voir Hermione, mais, en même temps, redoutait cette confrontation après l’annonce, quelques heures plus tôt. Que dirait-elle ? Serait-elle hautaine d’être la chose désirée du Lord et d’accéder à sa requête ? Drago ne serait-il pas vu qu’uniquement comme le fidèle serviteur ? Et pourquoi diable avait-elle changé d’avis ?

Le Serpentard se perdit dans sa contemplation. Les flammes léchaient le bois, et le crépitement qui en naissait, lui rappela que l’hiver était sur ses derniers jours.

Un miaulement résonna et soudain, le chat noir apparut. Il grimpa souplement sur les genoux de Drago et s’y blottit. Le blond enfouit doucement sa main dans son pelage, le caressant. Sa douceur, son museau rosé et ses yeux qui le dardaient…

Drago pressa son nez dans son cou. Il exhalait une délicate odeur féline, ainsi que le parfum vanillé et entêtant de sa maitresse.

Il soupira, les sourcils froncés. Ses yeux le piquaient lentement, à mesure qu’une migraine s’installait contre son crâne. Comment allait-il donc faire ? Se contenterait-il toute sa vie de subir ainsi ? Fuir ou demeurer, avec tout ce qui découlait de chacun de ses deux options ?

Drago ouvrit ses paupières, qu’il avait inconsciemment fermées. Ainsi près de l’animal de compagnie d’Hermione, il crut distinguer quelque chose d’étrange dans sa fourrure. Il recula son visage et, de ses doigts, écarta les longs poils noirs de son duvet.

De grandes marques zébraient sa peau. Elles étaient tout juste cicatrisées, mais rougeoyaient quelque peu à la lueur de la cheminée.

Est-ce que Granger torturait son chat ? D’où lui venaient toutes ces plaies ? Ses réflexions perdirent de l’ampleur et son fil de pensée s’embrouilla peu à peu.

Il s’assoupit ainsi, semblant se fondre dans son siège, à mesure que les secondes défilaient péniblement. Des images désagréables, des songes agaçants ne cessaient de revenir le hanter.

Il était encore nuit, lorsqu’une main chaude le réveilla : elle le secouait depuis un certain temps déjà, agrippée à son épaule.

Drago papillonna, puis ses yeux, striés de sommeil, abattus d’épuisement, se tournèrent vers Hermione.

La Gryffondor, ses iris chocolats, le fixait. Ses lèvres s’écrasèrent sur les siennes au même moment où elle grimpait sur lui, s’installant en califourchon. Elle entoura ses hanches de ses cuisses et se serra contre lui.

- Où est ton chat ? marmonna Drago pataud.
- Parti sûrement… Drago, je n’arrive pas à dormir sans toi…, avoua-t-elle finalement en calant son visage contre sa joue.

Il sourit, touché par cette remarque. Il songea que c’était la première qui, à présent, serait étrange : Hermione porterait l’enfant du Lord tout en proférant de telles choses à un autre homme.

Le bourdonnement d’idées qui avait envahi sa tête lui revint par vague à cette remarque de la vie qu’il allait mener à présent.

Des coups frappés au portrait les rendirent médusés. Qui pouvait donc se pointer ici à un tel moment de la nuit ?

- Il est deux heures passé, annonça Hermione en se redressant, se détachant de leur étreinte.

Drago reçut un coup au creux de son estomac, en percevant la chaleur de la Gryffondor s’évaporer. Il s’obligea à la suivre et à mettre de côté son envie irrépressible d’aller se coucher avec elle.

Silencieusement, ils dégainèrent leurs baguettes et ouvrirent le passage. La haute silhouette de Blaise se dessina dans les faisceaux de lumière du couloir.

- Ah, vous êtes levés, génial ! Mec, on a oublié d’envoyer la lettre au Lord, pour Hermione !

Blaise devait sûrement se figurer qu’en étant désormais entièrement transparent devant Hermione, il aurait plus de chance de récupérer sa confiance. Ce n’était pas faux car elle se décala afin de le laisser passer.

Drago referma la porte et grinça des dents. Il allait devoir rédiger une épître au vénéré Lord, en plein milieu de la nuit, afin de bien se remémorer les barrières qui se plantaient entre lui et Hermione. Voudrait-elle encore passer la nuit à ses côtés, après ce message officiel ?

Blaise avait déjà sorti un encrier, une plume et un parchemin, qu’il lui tendait. L’hibou de la famille Malefoy avait dû être alerté ; il se tenait sur le rebord de la fenêtre, son plumage coloré écrasé contre la vitre.

- Drago est meilleur que moi à la rédaction, expliqua Blaise en souriant à Hermione.
- Je n’en doute pas, sinon McGonagall serait-elle peut-être plus indulgente vis-à-vis de toi…

Drago prit place, une nausée planant au-dessus de lui.

« Maître,

Ainsi que nous vous l’avions prédit, H se range à nos côtés. Elle souhaite vous rencontrer de son plein grès. Elle n’attend que votre réponse afin de concrétiser votre proposition.

Dévoués serviteurs, fidèles au devoir et à votre main, servilement nous attendant.

M & Z
»

Hermione lisait par-dessus son épaule. Un rictus moqueur incurva ses lèvres à la lecture de la dernière phrase.

Tous trois, ils observèrent l’hibou chargé du papier s’envoler et s’enfoncer dans la nuit noire.

Blaise s’en fut presque aussitôt. Il était sûrement venu dans l’unique but de s’assurer qu’Hermione était toujours d’accord. Blaise avait dû aussi, plus que tout, craindre que Drago ne tente de faire changer Hermione d’avis.

Les deux préfets-en-chefs demeurèrent à nouveau seuls. Drago n’osait esquisser le moindre geste. Il redoutait les réactions d’Hermione. Irait-elle passer le reste de la nuit avec lui ? Ou non ? Peut-être estimait-elle, malgré l’envoi du courrier, que rien ne serait changé entre eux ? ?

Il n’eut pas le temps de tergiverser davantage. Hermione venait d’enrouler ses doigts autour de son poignet. Drago regarda sa main attentivement, et les cicatrices qui la déchiraient. Le souvenir du chat lui revint en mémoire.

Il voulut formuler sa question, mais il s’arrêta : il serait maladroit, à cette heure où déjà, la mission risquait de nuire à leur relation, s’il commençait à demander quels genres d’expériences elle pratiquait sur le félin.

Hermione le tira jusqu’à sa propre chambre. Le rouge et l’or étaient prédominants ; de lourdes tentures vermillon tombaient du plafond et encadraient le lit à baldaquin. Un bureau en chêne trônait contre le mur. Un peu au-dessus, un tableau où un portrait moqueur le dévisageait, lui remémora une soirée pas si lointaine.

C’était quelques semaines auparavant, lorsque Binns, et d’autres professeurs leur avaient donné une masse imposante de devoirs, les abrutissant de travail. Il était venu ici, afin de recopier le dur ouvrage de la belle Gryffondor. Sans succès. Il avait passé la nuit entièrement éveillé, à sillonner la Grande-Bretagne et à créer les globes qui contiendraient chaque fragment important de la contrée. Sans parvenir à achever son labeur dans les temps. Mais Hermione l’avait aidé et complété sa carte…

Combien de mains lui avait-elle tendu ? Toujours cette présence, cette aide, cette poignée secourable, subtile, qui veillait sur ses pas.

Drago se retourna, secoué de toutes ses tergiversations, de ses réalisations, et de l’arrivée inéluctable de sa destinée.

Hermione s’était allongée sous une épaisse couverture ocre, grelottant. Seuls ses iris chocolat dépassaient de l’édredon. Il se coula à ses côtés et elle frémit au contact de son corps chaud.

Il posa ses lèvres sur les siennes et noua sa main contre sa gorge. Drago ne voyait pas pourquoi il devrait attendre une seconde de plus. Depuis le temps qu’il la désirait, et qu’elle lui communiquait la même chose, ils pouvaient bien concrétiser cette relation.

Avant qu’il n’ait pu pousser plus son exploration, ou même lui transmettre son idée, elle appuya son index contre sa bouche, lui intimant le silence.

- Je sais Drago. Moi aussi, mais pas ce soir, pas maintenant. Dans quelques jours. Je te promets. Je te le ferai comprendre.

Le Serpentard se renfrogna légèrement. Qu’est-ce que cela signifiait ? Peut-être était-elle dans sa semaine de menstruation ? Et même, avec toutes les histoires qu’il avait entendues, de Nott, de Flint-Fletchey, de Blaise, ce n’était pas ça qui l’arrêtait…

C’était bien la première fois, depuis qu’elle était venue le sauver à St Mangouste, qu’elle ne répondait pas aussitôt à ses sollicitations.

Hermione l’embrassa doucement et se serra contre lui. Une infinie douceur les envahit. Lente, latente. Drago frissonna et baissa ses paupières, dérobant à la vue perçante de la brune, ses yeux qui le brûlaient. Allait-il pleurer ? Mais pourquoi ?

Une vague de sommeil, insoutenable, l’happa. L’odeur vanillée l’avait abîmé. Sa dernière pensée fut que lendemain, dimanche, lui permettrait enfin de se reposer.


HHHH


Malgré ses espoirs, Drago émergea peu avant midi, et non le lundi. Il aurait voulu hiberner durant vingt-quatre heures, mais des coups sourds, des cris et des hurlements avaient achevé de le réveiller.

Drago se leva en titubant, le cœur battant, la baguette sortie. Hermione n’était plus dans le lit, et depuis un certain temps sûrement, car sa place était froide.

Il poussa la porte de la chambre, atteignant le salon des préfets-en-chef. Hermione, Pansy et Blaise s’entrainaient, dardant des sorts en tous sens, roulant au sol, se relevant.

Drago dut se jeter à terre afin d’en éviter un qui avait ricoché contre un miroir.

- C’est quoi ce boucan ? se plaignit-il d’une voix pataude en se relevant piteusement.

Pansy et Blaise lui retournèrent des sourires narquois en voyant qu’il jaillissait de la chambre de la Gryffondor.

- Passé une bonne nuit ? se moqua Pansy.
- Une nuit courte, y a mieux, répliqua Hermione.
- Oui, moi, c’est plus long, affirma Blaise. Mais je me réserve à Luna, à présent, à…
- Blaise, vraiment, on a eu notre dose, siffla Hermione en enchainant trois sortilèges, avec des gestes amples et sans bouger ses lèvres.

Le métis les contra difficilement, mais le dernier, qu’elle avait fait apparaitre à une vitesse surprenante, venait de le renverser contre un mur.

Drago bailla et prit la direction de la salle de bain. Il se vêtit lentement, se remettant mal du réveil brutal qui lui avait été infligé.

Blaise se faufila à ses côtés, une lettre dans le poing. Il la décacheta fébrilement en lui jetant un coup d’œil alarmé. Drago réagit au quart de tour.

- C’est la réponse ? gémit-il.
- Oui, c’est le Lord.

Ils se penchèrent tous deux vers la missive rédigée de la main du Seigneur des Ténèbres.

« Serviteurs dévoués,

Il vous aura fallu des mois afin de me satisfaire. J’avais promis votre mort, mais Lord Voldemort sait être clément devant la rémission de ses mangemorts fidèles.

Je pardonne le temps que vous avez péniblement sacrifié. Je retire également cette rude sanction : j’épargne vos vies.

A présent, vous serez obligeamment mes assistants personnels. Ce haut grade est un puissant statu qui vous élève auprès de moi plus que n’importe qui n’a pu jamais l’être auprès de Lord Voldemort. Montrez-vous en dignes, car Voldemort est bon, mais il peut aussi être mauvais face aux mangemorts incompétents.

Quant à la très chère Hermione Granger, vous devez la protéger. Obéissez-lui à présent, elle vous sera supérieure en tous points. Elle n’a d’égale que moi.

A l’aboutissement de nos projets, Drago, vous lui indiquerez l’adresse du manoir Malefoy. Qu’elle y soit samedi prochain, le quatorze avril. Elle reviendra au château le lendemain, et si, l’on venait à s’apercevoir de son absence, vous trouverez un prétexte.

Lord Voldemort.
»

Drago et Blaise demeurèrent saisis à la fin de leur lecture. Immobiles, ils pensaient tous deux à la même chose : ils ne mourraient pas, ils étaient même dans les faveurs du Lord.

Aux appels d’Hermione et de Pansy, ils les rejoignirent. La Gryffondor leur prit la missive des mains, et la lut. Pansy, ne pouvant retenir sa curiosité, l’imita, posant sa tête sur son épaule.

- Une semaine, songea à haute voix Hermione. Une semaine…

Pansy hocha la tête, songeuse. Alors, tout devenait réel…

- Il faudra que tu me donnes l’adresse, annonça Hermione à Drago. Et pour ce qui est de la protection, ajouta-t-elle, cynique, dans votre cas, c’est plutôt moi qui serais apte à vous défendre, à présent.
- On te suivra quand même, le maitre a des espions partout, avoua Blaise.

Drago ne pipa mot et haussa les épaules. Hermione semblait entièrement normale, très calme. Ses iris étaient noirs, ainsi qu’à l’accoutume lorsqu’elle pratiquait de la magie noire. Il ignorait toutefois pourquoi ils viraient encore au chocolat certaines fois ; au niveau où Hermione était, ils auraient dû demeurer sombres de manière permanente.

Il se recula lentement et s’appuya au mur, les observant attentivement alors que leur entrainement reprenait.

Déjà les charmes de toutes les couleurs fusaient, décollaient, les emportaient, ondoyaient, tourbillonnaient dans la pièce. Le son des jets qui transperçaient l’air paraissait celui de fouet qui lacérait une peau.

Valait-il réellement le coup de fuir ? Cela paraissait être moins attrayant, après l’étalage des possibles et des droits dont ils jouiraient Blaise et lui. De plus, Hermione avait tout de même passé la nuit avec lui et ne changeait pas de comportement.

Elle n’avait émis aucune réflexion sur le pouvoir qu’elle avait auprès des deux Serpentards. Pourrait-elle être toujours ainsi ?

Lord Voldemort allait réduire à néant tous les sangs-de-bourbe et les sangs-mêlés dès qu’il aurait l’entier contrôle sur le Royaume-Uni. Domination qui s’affirmait jours après jours, si l’on excluait l’échec pour le ministère de la magie.

Mais selon plusieurs sources sûres que Drago avait ouïes, La Gazette du Sorcier allait tomber entre leurs mains sous peu.

Toutefois, toujours revenait ce problème. Il était une époque, où les sangs impurs le répugnaient profondément. Or, Hermione en était une et elle ne déclenchait en lui rien qui puisse s’apparenter à du dégoût. La mort de sa mère avait également révélé les penchants de sa génitrice, le convertissant finalement en une personne sans prédilection.

Drago n’accordait plus aucune importance aux sangs, mais comptait-il réellement s’impliquer dans cette lutte ? Il y avait toujours cette infime chance que Potiron parvienne à renverser Voldemort, si instable qu’il puisse être, avec ses horcruxes.

Après tout, Narcissa souhaitait seulement qu’il soit courageux. Il pouvait être courageux et choisir la facilité. N’avait-il pas eu des difficultés à se rapprocher d’Hermione pour la mission ? Souhait-il réellement se prendre davantage la tête avec cette guerre ?

Potiron et Dumbledore ne seraient jamais à la hauteur. Les horcruxes seraient tus, tout le monde ignorait leur existence.

Drago retint un soupir. C’était bien beau, d’être le toutou d’un homme puissant, l’amant de la partenaire du maitre… quel avenir clandestin s’annonçait…

Hermione, d’un signe, mit en suspens leurs travaux pratiques et alluma une cigarette. Pansy en tira une également du paquet.

- On avance bien ! se réjouit Pansy. Tu as vu à la page trente-quatre du manuel ?

Hermione attira à elle le nouveau livre de magie noire que la Serpentarde lui avait offert. Elle le feuilleta jusqu’à atteindre ce que lui avait conseillé son amie. Elle porta la cigarette à ses lèvres et forma un filet de fumée dans le coin de sa commissure.

- Je vais le tester. Mais on reprendra plus tard, je dois réviser pour les ASPICS. Vous aussi, vous devriez vous y mettre, claqua-t-elle aux trois autres.
- Je reste avec toi pour étudier, tu as raison, enchaina Pansy.
- Peut-être que le week-end prochain, je profiterai de la sortie pour passer au Chemin de Traverse et acheter quelques ouvrages. Je n’ai plus rien, grinça Hermione.

Drago haussa ses épaules, un peu coupable. Blaise s’installait avec les filles, comptant soit réellement se mettre à la tache avec elle, soit veiller sur Hermione.

Le blond sortit des appartements préfectoraux et se dirigea vers la Grande Salle où le déjeuner ne tarderait pas à être servi.

Après s’être dignement sustenté, il gagna le par cet profita des premiers rayons de soleil du printemps. Les rais étaient encore timides et ne luttaient pas tout à fait contre le vent frais qui s’était levé.

Assis au bord de l’eau, Drago tentait une fois de plus d’éclaircir ses futurs objectifs. Mais plus il essayait de démêler ses pensées, plus de nouveaux paramètres les embrouillaient.

Est-ce que l’état dans lequel il avait trouvé Hermione, l’autre soir, après le tour aux Trois Balais, signifiait quelque chose dans tout ce charabia ?

- Salut ! s’exclama une voix.

Une Serdaigle de seize ans, de grands yeux bleus, ses longs cheveux noirs noués en un chignon élégant, prenait place à ses côtés. Elle lui sourit et se redressa.

- Je m’appelle Mathilde.
- Ouais.

Il percevait d’avance les désagréments qu’elle allait lui causer.

- Tu as l’air très bavard, constata-t-elle.

Mais elle était vraiment mignonne. Peu de maquillage recouvrait son visage fin et clair, juste assez afin de souligner son regard marquant.
Depuis combien de temps Drago n’avait-il pas seulement dragué ? Ce moment où il approchait la cible, testait, devinait ses failles et ses réactions, la tension électrique…
Drago grogna en se rendant compte, qu’en vérité, dans ce château, il avait passé plus de temps à draguer qu’à passer réellement le cap. Il y avait eu Millicent, Davis, Kathlins, Astoria, une Serdaigle, encore deux Poufsouffle, et peut-être Brown, il n’en était plus certain…

- J’ai entendu dire que le beau Drago Malefoy était au régime, alors je voulais voir de quoi il en retournait réellement…

Il lui jeta un coup d’œil, et ses prunelles grises la sondèrent un bref instant. Mathilde rougit et rit d’un rire de gorge prononcé, d’une incroyable sensualité. Le contact féminin manquait réellement à Drago.

- Je n’ai pas besoin de te dire que tu es beau, hein, tu le sais bien ? Dis, c’est vrai que tu ne touches plus de femmes ?
- C’est vrai, avoua-t-il sombrement.

Elle se pencha vers lui, les paupières plissées, ses iris azur rayonnant à la lueur de l’astre qu’ils recevaient.

Dans son dos, courbée sur la balustrade d’une tourelle, une silhouette fumait une cigarette. Drago l’aperçut. Hermione le fixait sourdement de la terrasse de leur appartement.

Elle était promise au Lord, pourquoi l’épiait-elle ? Ce n’était pas comme si lui allait se pointer le samedi prochain et protestait qu’Hermione et Voldemort soient ensemble !

Agacé, et en même temps irrité contre lui-même d’avoir presque cédé en quelques secondes, Drago se leva brutalement. Il se retourna et partit d’un bon pas vers le château. Mathilde ne le rappela pas, pas plus qu’elle ne fut sur ses talons.

Hermione était l’égale du Lord. Si elle souhaitait lui interdire des rapports, il devrait lui obéir ! Une haine déforma sa bouche, la contorsionnant en un rictus méprisant.

Il grimpa silencieusement plusieurs étages, voulant juste se vider la tête de toutes ses pensées importunes.

Ce fut au détour d’un couloir, qu’il saisit leur conversation. Les voix de Potiron et de la Belette étaient d’une telle précision, qu’il aurait pu être tout aussi bien à quelques centimètres d’eux.

- J’en ai assez, c’est encore pire qu’Ombrage ! ronchonnait Potter.
- Ne t’inquiète pas Harry, dans un mois, tes retenues seront terminées.
- Je ne sais pas si j’aurai le courage de supporter ça encore un mois.
- Il le faut, Harry.
- Ron, je n’en peux plus, on l’a perdue, c’est fini. Jamais nous n’aurions dû la laisser toucher aux livres de Sirius, murmura Potter d’une voix rauque.

Un silence suivit ses mots.

- Si j’avais su qu’Hermione tournerait ainsi… elle nous a provoqués, et en plus je me coltine ça par-dessus !
- Je sais que c’est dur, affirma Ron. Mais je suis sûr qu’un jour, elle comprendra qu’elle a fait fausse route. Laissons-la vivre sa vie.
- J’espère que tu as raison. Mais après tout ça… même si elle revenait, je ne sais même pas si je pourrais lui pardonner… les insultes envers mes parents, envers l’argent de ta famille, tout…

Leurs pas commencèrent à marteler le sol. Ils s’éloignaient de Drago.

- Au fait, comment ça avance, ta quête ? s’enquit Ron, au loin.
- Mal. Très mal, on cafouille. Tu ne saurais pas où j’ai mis ma cape d’invisibilité ? Elle a disparu…
- Non…

Les voix s’éteignirent. L’espoir de Drago aussi. L’Ordre ne vaincrait jamais Voldemort si Harry Potter ne détruisait pas les horcruxes.


HHHH


Alors que Drago atteignait son appartement et que la nuit était tombée, Blaise apparut, courant dans sa direction.

- Je t’ai cherché partout ! geignit-il en se tenant le flanc. J’ai même un point de côté ! J’ai passé l’aprèm avec Luna, c’était extra, on a fait plein de trucs géniaux. On a…
- Pourquoi voulais-tu me voir ? rappela Drago.
- Les filles s’entrainent encore, alors j’en ai profité pour te rejoindre.

A son air suspicieux, et d’une frénésie étrange, Drago devina qu’il ne voulait pas être entendu. Ils s’enfermèrent dans une salle de classe vide et y apposèrent un sortilège d’insonorisation.

- Déjà, Hermione n’est plus en colère contre moi, pour le fait que je lui ai annoncé la mission moi-même, c’est un bon point.

Drago approuva d’un hochement de tête.

- Mec… on ne va pas mourir ! s’écria le métis, les yeux déjantés. Tu te rends compte ?

Drago donna un nouveau coup de menton, afin de montrer qu’il était conscient de leur chance.

- Tu sais que j’avais peur ? Désormais, je pourrai protéger Luna.
- C’est une traitre à son sang, Zab, souffla Drago. Elle sera une des premières à être exterminée. Tu le sais bien.
- Mais non, je serai là pour…

La moutarde monta au nez de Drago. Se rendre compte que Blaise était dans la même impasse que lui, lui recrachait à la figure tous ses rêves, ses illusions, et la panique qu’il tentait vainement de dompter.

- Comment vas-tu justifier que tu en sortes une du lot et que les autres partent à l’abattoir ? Blaise, merde quoi ! Ou t’es d’accord avec tout le système dans son ensemble ou non !
- Ah… je vois, susurra le brun. La véritable raison n’est pas que tu ne croyais plus en la mission… c’est que tu ne veux plus de cette mission. Je m’en doutais depuis le début.

Drago se détourna, furieux. Où en était-il ? Il reprochait exactement à Blaise là où lui-même faillait.

- Je-je ne sais plus ! Zab, où va-t-on ? Est-on sûrs qu’on marche dans la bonne voie ? Je fréquente une sang-de-bourbe et toi une traitre à son sang ! Niveau mangemort, il y a plus crédible, non ?
- J’ignorais que cela devenait si sérieux, avec Hermione, releva Blaise d’un air goguenard. Faut dire que la Granger, elle est grandement sympathique. Ah, si…
- ZAB ! hurla Drago en se jetant sur lui.

Drago attrapa son col de chemise à pleines mains et le plaqua contre un mur.

- DRAGO ! cria Blaise à son tour, horrifié. Ne me viole pas, je n’aime pas les hommes ! beugla-t-il. Je veux Luna, je veux Luna, Luna, Luna !
- ABRUTI ! On risque nos vies, et tu me parles d’Hermione ?!

Les deux Serpentards se poignardèrent du regard, puis Drago lâcha Blaise et fit un pas en arrière.

- Je… je deviens cinglé Zab. Je crois que… je ne sais rien, je ne sais pas. Je suis totalement perdu, d’un côté, tous les possibles, de l’autre, la liberté…
- Hein ? quoi, la liberté ? répéta Blaise, livide.
- Rien, oublie. J’y vais.

Drago décampa, haletant. Il ne devait pas se prononcer en présence de Blaise. Celui-ci était totalement à la masse et risquait de révéler quelque chose, à Pansy, au Lord, ou à Hermione par simple inadvertance.

Tous les sons s’amortirent autour de lui, l’atteignant moins, comme si une paroi de verre le séparait des voix, des cris, des étudiants qui riaient entre eux.

Drago atteignit la salle commune des préfets-en-chefs, le cœur battant à toute vitesse. Ses jambes étaient su le point de lâcher prise à n’importe quel instant, tant elles tremblaient.

- Tu viens de rater Pansy, elle est partie diner, annonça Hermione alors qu’il fouillait le salon des yeux, fiévreux. Tu vas bien, Drago ?

Il marmonna un vague « oui ». Puis, tout tourna autour de lui. Il voulut se rattraper au canapé, il s’écroula au sol. Le bruit de l’impact, lorsque son corps heurta le sol glacé fut le dernier qu’il perçut.


HHHH


La voix répétait « Drago » avec insistance depuis un certain temps à présent. Il entrouvrit ses paupières.

Hermione était penchée au-dessus de lui, les sourcils froncés. Il avait une vue plongeante dans son décolleté de là où il se tenait.

D’une main flageolante, elle rafraîchissait son front à l’aide d’un gant humide.

- Comment tu te sens ? murmura-t-elle.
- Mieux, dit Drago, las.
- Tu m’as vraiment terrorisée, ajouta-t-elle.

Ses yeux chocolat le vrillaient, et un éclat anxieux y résidait.

- On doit faire notre ronde dans dix minutes, amorça Hermione. Tu te sens ou tu veux que je demande à Pansy et à un autre préfet ?

Il balbutia une réponse inintelligible. La brunette grimaça et se rapprocha de lui. Avant qu’il n’ait pu faire quoi que ce soit, il sentit le liquide chaud couler contre sa gorge. Elle pleurait.

Drago releva le visage d’Hermione en tenant sa joue en coupe. Des larmes roulaient sur ses joues ternes, et, ses yeux fermés, elle paraissait exsangue.

- Tu t’es fait mal ? demanda-t-il, stupidement.
- Non…

Pouvait-elle avoir eu aussi peur que cela pour lui ? Il s’installa en tailleur et la pressa contre lui, humant son effluve mélangé à l’odeur de sa peau. Drago promena sa bouche le long de sa mâchoire, puis l’embrassa, un peu à tâtons.

Hermione répondit à son étreinte et, se serrant contre lui, elle gémit. Drago enroula ses bras autour de sa taille.

- Oui, Hermione, je vais faire la ronde avec toi…

Il ne voulait pas l’inquiéter davantage. De plus, son étourdissement l’avait apaisé. Beaucoup de ses pensées s’étaient résorbées d’elles-mêmes.

Ils quittèrent le sofa sans se désenlacer.

- Tu sais que, commença Hermione en reniflant, j’ai eu du mal à te soulever. Tu étais vraiment lourd.

Drago baisa délicatement le haut du crâne de sa miss-je-sais-tout. Tout tournoyait beaucoup moins, la vision d’Hermione aussi angoissée, l’avait entièrement remis sur pieds.

- Dis aussi que je mange trop, rétorqua-t-il en souriant en coin.

La Gryffondor fit mine de ne pas l’avoir entendu, et Drago glissa sa main dans sa nuque, caressant le début de sa crinière. Elle se calma par palier, et lorsque ses yeux furent moins rouges, et qu’elle put s’exprimer convenablement, sans cette voix enrouée, ils quittèrent l’appartement et entreprirent leur ronde.

- McGonagall m’a dit qu’à partir de demain, on changeait les horaires de la ronde, commença Hermione, dialoguant sur un nouveau sujet, comme pour se redonner contenance.
- Comme si nous n’étions pas suffisamment leurs esclaves, en donnant neuf heures par semaine de notre temps pour tourner dans ce château fantôme ! grinça Drago, épuisé.
- Je suis bien d’accord avec toi, c’est l’équivalent d’une nuit entière de repos…
- Tu m’étonnes qu’on soit sur les rotules, entre ces maudites rondes, les entrainements de Quidditch, les sorties à Près-au-Lard, parce que Rusard ne s’en sort plus, les élèves à sanctionner, tous ces maudits bals qu’ils organisent ! Il n’y en avait pas l’année dernière, ça les a pris d’un coup de nous les mettre sur le dos !

Hermione pouffa de rire, reprenant peu à peu une attitude décontractée. En la voyant lâcher prise, il poursuivit, plus pour elle que pour lui. D’ailleurs, juste à son rire, si agréable, si captivant, il sentit sa précédente faiblesse s’en aller peu à peu.

- Non mais c’est vrai, trois soirs par semaine, où on fait trois heures de ronde ! Tu sais que je me pose des questions, Hermione, murmura-t-il. Même l’appartement c’est nouveau. L’année dernière, celle d’avant, et toutes les autres, il n’y a jamais été question que les préfets-en-chef partagent un appartement.
- Oui, c’est vrai, dans l’Histoire de Poudlard, il y est mention que nous aurions seulement dû avoir une chambre individuelle dans nos dortoirs respectifs.
- Tu as lu l’Histoire de Poudlard ? releva Drago, scandalisé. Mais c’est un horrible bouquin. Je n’arrive pas à croire que je n’ai pas assez de temps et que toi, tu parviens à en trouver pour emmagasiner des détails aussi inintéressants !
- Justement, en parlant de temps, poursuivit Hermione, un peu cassante, McGo m’a dit qu’avec les horaires d’été, les élèves auraient le droit à un peu plus de liberté, et que nous, avec les révisions des ASPICS verrions le planning s’alléger. Du coup, les rondes seront changées. Nous commencerons…
- Et les bals Hermione ! Il n’y a jamais eu autant de bals dans ce maudit château que depuis que nous sommes en…
- Oui, je sais, écoute, pour les rondes, on…
- Les bals, l’appartement, le travail des préfets et…
- MALEFOY ! cria-t-elle, furieuse.

Drago sursauta violemment et se tourna vers elle, autant choqué de son hurlement, que de l’emploi de son nom de famille.

- Inutile de me rendre sourd ! siffla-t-il en massant son front et ses oreilles.
- Je sais très bien qu’il n’y avait pas de bals avant mais seulement des fêtes. Ou juste un repas un peu axé sur les évènements. Pour en revenir aux rondes, monsieur Malefoy, si vous voulez bien vous donner la peine de m’écouter…
- Vas-y, rétorqua-t-il, froissé.
- On démarre à vingt-et-une heure trente et on terminera à vingt-trois heures trente désormais. Le directeur sera plus présent et McGonagall a conscience que la préparation des ASPICS est très laborieuse.
- On gagne une heure ? C’est ça que tu appelles une avancée ? Neuf heures et demie au lieu de huit heures et demie ?
- Nous faisons trois rondes par semaine. Donc, cela fait trois heures en plus et pour toi, tu peux y cumuler tes nouveaux moments de creux, vu que tu n’as plus entrainement de Quidditch ! Cela remonte vite la pendule, hein ? Moi, en revanche, c’est beaucoup plus mesquin, tu remarqueras.

Elle paraissait réellement agacée et Drago se morigéna d’avoir entièrement cassé l’agréable ambiance dans laquelle ils avaient baigné.

- Je suis désolé Hermione, c’est vrai que tu travailles beaucoup et que je peux me comporter un peu de manière égoïste des fois. Mais pourquoi as-tu pris autant de matières, aussi ?
- J’aime étudier, répondit-elle, radoucie.

Drago tira une moue ; il n’ignorait rien des passions d’Hermione Granger pour ses livres.

- C’est vrai, que lorsque l’on prend ton agenda, songea-t-il à haute voix. Les cours, les devoirs, la magie noire, les devoirs de préfets-en-chef, tes révisions pour les ASPICS, les notes que tu dois refaire, la lecture de l’Histoire de Poudlard…
- Idiot ! rit-elle en tapant sur son crâne. J’admets que d’avoir fait flamber mes cours n’était pas la plus judicieuse des idées que tu as eues, souffla Hermione.

C’était vrai qu’il aurait pu être plus repentant et l’aider. Mais sincèrement, ni l’attaque des Géants au douzième siècle sur la partie Est du Pays, ni la composition exacte de la potion d’Eternuement, ne l’intéressaient.

Drago posa sa main sur sa taille et l’attira contre lui. Il observa ses yeux marron, une couleur chaude, presque mielleuse, et fut content qu’ils soient entièrement secs, exempts des larmes dont ils étaient emplis, auparavant.

Elle posa sa tête sur son épaule et il l’entendit inspirer profondément. Se sentait-elle mal ou… appréciait-elle son parfum ? Cette idée le rendit presque interdit.

Les doigts d’Hermione accrochèrent un pan de la veste de Drago, dans son dos, et s’y agrippèrent tout le long de leur déambulation.

- Est-ce que tu as peur, des fois, Hermione ?

Sa question n’avait pas été plus forte qu’une brise. Pourtant, la jolie Gryffondor l’entendit très bien.

- Et toi Drago ? éluda-t-elle.

Il fixa ses iris gris droit devant lui.

- Des fois, je suis mort de peur.

Hermione approuva et planta un baiser contre sa gorge.

- Je crois qu’on a tous peur, susurra-t-elle.

La descente en enfer d'Hermione GrangerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant