Chapitre 31 : Changement de cap

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Chapitre 31 : Changement de cap



Pansy consulta son réveil avec un regard vaseux. Six heures. Qu'est-ce qui avait pu la réveiller si tôt ?

Elle capitula dans sa recherche en entendant les ronflements bruyants de Bullstrode. Le doute n'était plus. Elle enfouit sa tête dans l'oreille mais l'intensité des vrombissements ne diminua pas et elle se cogna à un livre, ce qui eut le don de profondément l'irriter.

L'œil mauvais, elle se saisit de l'ouvrage, s'apprêtant à le jeter sur sa chère et si discrète camarade de chambre. Alors qu'il lui glissait d'entre les mains, elle le rattrapa au vol, usant de ses réflexes de gardienne pour le ramener près d'elle.

- Tu fous quoi ? grogna Tracey en remontant sa couverture jusqu'à son front - visiblement, Millicent l'avait elle aussi réveillée.

- Rien, dors.

- Si tu veux la tuer, je connais un endroit pour cacher son corps, marmonna Davis en se rendormant.

- Je prends note...

Le dit document était en réalité le journal intime de Narcissa et Pansy le plaqua contre elle, le cœur battant rapidement. Finalement, elle s'était vite désengourdie. Désormais, il lui était impossible de se recoucher.

Elle se leva aussi silencieusement que possible, sans se séparer du bien. Elle gagna la salle de bain et après avoir verrouillé la porte, s'installa dos à elle, les yeux perdus dans la reliure sombre du journal.

Elle l'ouvrit, ne se lassant pas de le feuilleter. A chaque fois, il persistait l'idée que les émotions étaient encore plus à nue, qu'elle les saisissait avec plus de finesse, de compréhension. A se remémorer ainsi les soucis de Narcissa Black Malefoy, c'était comme si leur teneur l'atteignait plus amplement.

Il y avait toutefois un passage qu'elle préférait éviter : sa mise à mort. Cette page la prenait aux tripes, faisant monter en elle, une tension inimaginable.

Aujourd'hui, pourtant, une envie insatiable montait en elle à la vision du livre. Pansy, en le consultant, avait réellement l'impression de ne pas tout savoir. Comme si quelque chose demeurait flou. Pourtant, toute la vie de Narcissa était étalée là, et rien n'était laissé au hasard. Elle savait, qu'en sa connaissance, si elle se remémorait tout ce qu'on lui avait dit, quelque chose clochait, et cela coïncidait avec le trépas de la Black.

Elle feuilleta le journal et atteignit l'avant-dernière page ; elle reprit sa lecture là où, l'autre jour, elle l'avait arrêtée, horrifiée. Et s'aperçut qu'il y avait encore quelques lignes écrites.

« (...)A nouveau, je t'offre en gage de mon amour, la seule chose qui m'ait été autorisée quand je n'avais le droit de t'afficher mon amour maternel : l'argent. L'argent, si empreint, de liberté fugace. Qu'elle soit aussi longue que tu en auras besoin.



A Severus, l'unique homme dont j'aurais voulu un enfant, et, que j'ai aimé du plus profond de mon être. Je sais que j'ai été la deuxième, après Lily... Mais je t'aime.





En hommage à toi, mon beau journal, je te révèlerai une ultime chose.

Lucius et Voldemort m'ont soumise à un dernier sort : lorsque Drago saura ce qui m'a tuée, je mourrai sur le champ. S'ils lui en parlent, je mourrai. S'il le devine, je mourrai.

Je ne sais si je dois en être énervée ou apaisée. Je ne suis plus beaucoup de choses à présent. Ce que, en revanche, je reconnais, est, qu'étant donné ma lâcheté innommable, je sais que je n'aurai pas le courage de mettre fin à mes jours en agissant moi-même. Si, je venais à trop souffrir de mes affres, je contacterai Drago afin qu'il est connaissance de ma désobligeante situation..



Merci de m'avoir soutenue.

Narcissa Black Rogue
»



Ainsi, c'était pour cela qu'elle était morte devant Drago. Elle savait qu'elle avait encore deux semaines de souffrance et ne pouvait tenir à cette idée... Elle avait préféré mettre fin de manière plus directe et rapide à ses jours.

Pansy aurait bien tergiversé plus longtemps sur un sujet si passionnant mais en entendant la cloche sonner un coup, elle en déduisit qu'il était six heures trente et qu'Hermione préfèrerait qu'elle soit à l'heure.

Il valait mieux éviter de mettre la Gryffondor en colère en ce moment. Surtout avec toute la magie noire qu'elle ingurgitait.



HHHH



Drago ouvrit péniblement un œil en s'étirant. Le soleil n'était pas encore levé, de faibles rayons transparaissaient à peine derrière les rideaux satinés.

Il en déduisit qu'il était très tôt et s'étonna des raisons pour lesquelles il était réveillé.

Le Serpentard tenta de bouger son épaule, mais un poids chaud l'en empêcha. De plus, elle était complètement engourdie et une douleur poignante demeurait là. En y jetant un coup d'œil, il s'aperçut que c'était le chat noir, endormi contre lui, qui était la cause de tout cela.

Il huma doucement à nouveau l'odeur de vanille, s'emplissant les narines de l'effluve.

C'était certainement la dernière fois qu'il sentait ce si doux parfum.

A cette pensée, ses idées se troublèrent. Il le percevait : Granger était partie.

Son cœur battait avec une lenteur exagérée et dans la pièce, il pesait une atmosphère synonyme d'une quiétude qu'il ne ressentait pas. Il était nauséeux et des vagues de chaleur le parcouraient.

Elle n'était plus là. Le filtre avait fait effet. Elle s'en était allée sans même le saluer. Etait-ce par qu'il la trouvait bizarre, que le chat était venu se réfugier avec lui ?

Avec horreur, il constata qu'une migraine l'assaillait et que ses yeux le piquaient atrocement.

Il passa une main dans ses cheveux et soupira. Non, il n'allait pas pleurer pour quelqu'un. Une fille de surcroit ! Une simple née moldue...

Mais malgré tout le temps passé, il ne pouvait que s'avouer qu'il ne s'agissait plus seulement d'une misérable née moldue. Elle était bien plus. Et il l'avait perdue.

L'avait-il réellement perdue ? Mais pour l'avoir perdue, n'aurait-il pas fallu un jour l'avoir eue ?

Il balança ses jambes hors des couvertures et se leva en titubant. Il se faisait l'effet d'une sacrée et très molle guimauve fondante.

Drago jeta un coup d'œil au dehors, en écartant doucement le rideau d'un index tremblant. Du givre avait recouvert la quasi-totalité des carreaux et, là où il était absent, une brume opaque s'était immiscée.

Il posa doucement son front contre le carreau glacé. Une larme froide perla sur sa joue et elle coula lentement, dévalant la pente de sa pommette, arrachant un frisson d'amertume à son corps raidi, dévastant un peu plus ses pensées embrouillées et amourachées de l'image d'une fille qu'il n'aurait jamais.

Il avait l'impression de voir, au loin, des creux sombres dans la neige dure, un peu comme les empreintes des pieds d'Hermione qui partait, avec sur son épaule son sac lourd de bouquins obscures et les yeux remplis d'amour feint.

En se retournant, on put constater que le chat était parti. Même lui, l'avait quitté.

Le Serpentard gagna dans un état de dépression avancée, la salle de bain et entra dans la cabine de douche. Il resta longtemps sous le jet d'eau chaude, tentant d'y puiser la chaleur que dégageaient les mains de Granger quand elles le touchaient. Tout résonnait creux.

Il s'enroula de ses bras, pourtant, ils n'étaient pas ceux qu'il voulait. Le vide n'en fut plus qu'intense.

Drago se sécha aléatoirement et s'habilla de sa veste et de son pantalon. Il consulta brièvement sa montre et soupira.

Il sortit de la pièce, le torse comprimé par des mœurs intenses, des peines qui l'accablaient autant qu'elles le satisfaisaient. Ah le bougre ! c'était bien lui, de n'avoir rien osé avant, il était bien lâche. A présent que les regrets l'assaillaient et le rongeaient, il trouvait tout de même le temps et la nécessité de pleurer sur lui.

Il arrivait presque à se plaire de cette souffrance et cette tourmente mentales, essayant de croire lui-même au plaisir qu'il en tirait.

Il n'eut pas plus le temps de songer plus et de se mentir davantage, il fut expulsé contre un mur. Le blond se redressa tant bien que mal en titubant, la cape s'étant retournée sur son visage. Il s'en débarrassa et tenta de s'emparer de sa baguette ; elle avait dû glisser dans sa chute car elle n'était plus dans sa poche.

Quand il leva ses yeux, tétanisé de crainte, il se sentit raidir à la vue d'Hermione, exaspérée et contente également. Elle lui tendait le bout de bois, les lèvres serrées en un sourire moqueur et satisfait, semblable à celui d'un chat devant une coupelle de lait.

Derrière, Pansy paraissait particulièrement intéressée par un morceau de pudding qu'elle grignotait d'une main, l'autre empoignant fermement sa propre baguette.

Il supposa, avec un brouillard confus, qu'il avait dû interrompre leur entrainement.

- Tu bouges ? s'impatienta la Gryffondor et il bondit sur ses pieds en lui arrachant son dû des mains.

- Je croyais que tu serais partie.

- Et où ? demanda-t-elle, l'air méfiant.

- Avec Blaise, comme il n'est plus là, se reprit Drago.

- Parti manger.

Ses jambes tremblaient et il vacilla légèrement. Il se rattrapa au dossier du fauteuil, les pensées vagues, n'arrivant plus à décrocher ses yeux du visage fin de la Granger. Il n'avait qu'à avancer, se pencher et poser ses lèvres sur les siennes...

- Ca va ? s'enquit-elle. T'es sacrément pâle. Je t'ai fait peur, avoue.

- Non, laisse tomber, marmonna Drago en fronçant ses sourcils.

Elle le perturbait. C'était... impensable.

Mais pourquoi le philtre n'avait-il pas fait effet ?



HHHH



Le week-end s'achevait dans une torpeur mortelle. Le vent froid fouettait le château et de temps à autre, complétant le morne ciel gris, une pluie fine s'abattait sur le peu d'étudiants sortis. Les nuages avaient stagné, masquant complètement le soleil et la neige n'avait que très peu fondu. Le lac n'avait pas dégelé et certains s'aventuraient, à l'aide de patins, sur des zones réduites, craintifs de voir la glace se briser sous leur poids.

La journée du dimanche avait défilé péniblement, avec soulagement et accablement pour Drago. Il se rongeait les sangs, ne sachant comment justifier le manque de réaction de Granger. Ne l'accuserait-on pas d'avoir triché ? D'autres parts, il ne tirait qu'une grande félicité de cette impuissance : y avait-il une chance pour qu'il puisse oser, ne serait-ce, que l'embrasser ?

Le mois de Février était composé de vingt-huit jour et le lundi fut le dernier de ce mois - d'ailleurs Pansy avait décrété qu'il valait mieux qu'elle et Granger étudient plutôt que de faire la farce à Théodore. Ainsi, à vingt-trois heures, lorsque Drago et Blaise furent rendus seuls dans la chambre du préfet, face à un parchemin blanc sur lequel ils ne savaient quoi écrire, ils ne cessaient de jeter des coups d'œil à la pendule. Le compte-rendu devait partir dans l'heure.

Ils avaient eu beau renouvelé les dons du philtre, rien n'avait fonctionné. Ils avaient usé de la quasi-totalité du flacon sans le résultat escompté.

- Ce n'est pas possible, se plaignit Blaise. On s'est fait avoir.

- Il faut réfléchir logiquement, Zab, répliqua Drago.

Il éprouvait de puissantes difficultés à se concentrer sur les raisons pour lesquelles la potion n'avait pas agi. En vérité, sa tête était attaquée par des profils de Granger qui défilaient rapidement.

Il la revoyait, quand elle lisait, si concentrée, qu'elle ne sentait pas le regard des autres.

Quand elle mangeait et que, distraitement, elle observait ses anciens amis, les yeux froids.

Quand elle se liait à lui pour taquiner quelqu'un, cette complicité qui faisait briller ses prunelles ambrées...

- Putain, Drago ! Dis-moi que t'as compris le truc ! supplia Blaise.

- Tais-toi un peu, grogna le Serpentard, furieux, alors qu'il se l'était rappelée dans son rêve érotique de l'avant-veille.

- On récapitule, lança Blaise, en s'entortillant les doigts. Personne n'était au courant, et le courrier n'a pas pu être intercepté. Seuls nous, ici, et pas même Rogue, savons que...

- Tu oses insinuer que mon parrain aurait pu nous trahir ? gronda Drago, sortant éphémèrement de sa torpeur.

- Mais non, mais juste, à Poudlard, personne n'est au courant.

Il y eut un silence où Blaise se tracassa encore plus, et où Drago se laissa tracasser par les idées entêtantes de ce qu'il pourrait faire avec Granger dans un couloir sombre, pendant leur ronde, le lendemain. L'avantage considérable de ces moments-là, était la solitude justifiée qu'il avait avec Granger. En général, Pansy se l'accaparait assez ces derniers temps... Afin de pratiquer de la magie noire. Quel intérêt y avait-il ? Le maitre serait plus amplement satisfait, certes...

- Peut-être que c'est la magie noire qui a tout court-circuité, lâcha Drago, songeur et perplexe.

- C'est possible, tu crois ?

- Elle n'en a jamais autant pratiqué. Selon la magie que l'on use, les hormones qui y correspondent dans notre sang se décuplent et sont plus importantes. Elle doit avoir beaucoup d'hormones actives correspondant à la magie noire et peut-être que celles-ci empêchent le fonctionnement d'un ressenti amoureux magique - je veux dire qu'elles bloquent les autres hormones pour avoir un champ d'action plus large.

- Et dire qu'on a vidé le flacon de philtre. On ne pourrait même pas lui en redonner après lui avoir fait arrêter c'te magie, gémit Blaise.

- Je me demande juste comment on va expliquer au Maitre que nous sommes allés à l'encontre de ses projets.

Après maints essais, plus ou moins ridicules et inutiles, ils en vinrent à composer une épître, légèrement plaisante, bien qu'ils ne se leurrassent pas sur les réactions qu'elle engendrerait. Ils se demandaient si le Seigneur interpréterait cela pour une annonce officielle de leur défection et de leur trahison, malgré leur inertie à son encontre.

Ce fut avec un soulagement incommensurable que Drago s'enfonça sous ses couvertures, ce soir-là. Une plénitude l'envahissait qui enrayait jusqu'à la peur qui aurait dû lui broyer les entrailles cette nuit-ci.

Il dormit d'un sommeil si profond, que lorsqu'il se réveillait le lendemain, il se trouvait empli d'une vitalité et d'une tonicité qu'il n'avait pas ressenties depuis longtemps.



HHHH



Elle était là.

Si proche que le fugace et constant frôlement de leurs capes le faisait frémir, créant en lui une langueur d'attouchements plus sincères qu'il en venait à être totalement hermétique aux bruits extérieurs, tels que les chuchotis que la Gryffondor remarquait sans cesse.

Ils étaient si nombreux, que l'espace d'un instant, il se demanda si elle ne les imaginait pas, afin de s'éloigner de lui, perturbée par leur proximité.

Si silencieuse, que seul mugissait à ses tympans, le vrombissement ininterrompu des battements acharnés de son cœur.

Il lui suffisait de poser sa main sur son épaule, de la retourner et de l'embrasser. De poser ses lèvres sur les siennes. Un geste rapide et sûr.

Il toussa afin de s'éclaircir la voix. Elle lui jeta un rapide coup d'œil et lui en adressa un autre, plus long, s'attendant à ce qu'il prenne la parole.

Désormais, Drago était obligé d'assumer son acte irréfléchi. Il pourrait aussi... En vérité, il avait peur qu'elle ne le repousse. L'idée d'essuyer un râteau lui était fatale. Pourtant, elle avait bien accepté Nott, la banalité et la mocheté par excellence. Lui, était un Malefoy, plein de grâce et de raffinements.

- Tu sais, il y a des moments où je désespère, avoua Hermione à mi-voix, en s'arrêtant.

Il stoppa sa déambulation à son tour, étourdi. Quelle était la chose qui pouvait la rendre grave, ainsi ?

- Je me rends compte, chaque jour, avec des preuves de plus en plus incontestables, qu'en plus de devoir réviser avec acharnement, d'agir en tant que préfète modèle, de lire afin de m'instruire, de suivre tous ces cours qui me forgeront un avenir certain, de pratiquer la magie noire afin de pouvoir vivre, il faut aussi, que j'agisse comme un garçon.

- Comme un garçon ? s'étonna Drago.

- Comme un garçon, répéta-t-elle en le poussant. Ne crois-tu pas que j'ai assez de travail avec tout cela ? Non, non, monsieur attend. Tu n'es même pas foutu de m'embrasser !

Elle lâcha le dernier mot dans un soupir, ayant, succinctement, posé ses mains sur ses épaules, penché son visage et posé ses lèvres sur les siennes, avec une facilité déconcertante.

Raidi par l'effet bombe de sa phrase et de ses lèvres si agréables, Drago prit quelques instants avant de réagir. Il enlaça aussitôt sa taille de ses bras, la plaquant contre lui, n'arrivant pas à croire à la facilité de l'action ; il avait l'impression d'embrasser pour la première fois.

Et seule cette impression, à elle seule, le convainquait qu'il ne rêvait pas.

Il voulut introduire sa langue dans sa bouche ; mais elle la garda close, souriant doucement.

Soudain, elle se décolla légèrement de lui. Il perçut nettement ses pensées qui s'éclaircissaient et s'emmêlaient, exacerbées par ce parfum divin qui ornait la jeune femme.

- Alors ?

- On devrait recommencer, proposa aussitôt Drago, et il se maudit pour l'avoir avoué et ne pas l'avoir fait.

- On doit faire notre ronde, annonça-t-elle en se détachant.

Il foudroya son dos du regard car elle s'était déjà détournée et repartait à une allure rapide, souhaitant certainement rattraper leur retard de dix secondes.

En quelques enjambées souples, il fut à ses côtés, une main enroulée autour de sa hanche.

Elle lui sourit subtilement en retour, passant sa main dans ses cheveux blonds, avant de la blottir sur son épaule et de poser sa tête contre.

S'il avait pu flotter de bonheur, il aurait déjà dépassé des hauteurs inaccessibles en balai.



HHHH



Le Lord leur avait répondu. La lettre n'était pas aussi mauvaise qu'ils l'avaient craint. Elle témoignait juste de son agacement croissant. Il était amplement résolu à obtenir la jeune femme, préférant finalement qu'elle vînt d'elle-même que sous influence d'un quelconque philtre à effet écourté.

Il leur ordonnait d'agir au plus vite, tout bonnement exaspéré. D'un autre côté, le délai n'était pas encore passé. Et puis de l'autre, l'attente en vaudrait la baguette.



HHHH



- Et tu l'as embrassé ? répéta Pansy, en tentant tant bien que mal de masquer son excitation.

- Oui, répondit Hermione d'un air ennuyé, démenti par un léger sourire.

Elle était réellement sur le chemin de la réussite et Pansy sentit son souffle s'accélérer, un vent de félicité la parcourant ainsi que d'agréables frissons.

Elle avait difficilement travaillé, laissant tout de côté pour la jeune femme assise face à elle, à une table de la bibliothèque.

Il avait fallu la faire étudier d'arrache-pied la magie noire, afin d'empêcher le fonctionnement du philtre, qu'elle restât assez de temps pour que Drago en soit amoureux et se l'avoue. Puis, la magie noire attirerait aussi plus facilement la sympathie du Prince des Serpentards, ce qui semblait avoir joué en sa faveur.

Et en face d'elle, c'était la personne escomptée. Le but était atteint.

Elle riait intérieurement aux éclats d'imaginer la tête qu'il avait dû faire d'être embrassé, comme une fille ! Le grand Drago et sa Modestie avaient dû en pâtir.

Pansy devait aussi s'avouer certains points qui ne lui plaisaient guère ; mais elle les affichait clairement dans sa tête, mettant le mot juste sur chaque chose afin de gagner du temps, de ne pas en perdre inutilement à se faire croire des mensonges car la vérité était difficile à accepter. Si elle voulait les dominer tous, avoir un temps d'avance, elle devait tout voir, et tout noter.

Il y avait quelque chose de fort qui liait Drago et Hermione. Ce n'était pas tout à fait de l'amour mais plutôt une amitié qui penchait sur une grande attirance.

- Il ne t'avait rien dit ?

- Pourquoi l'aurait-il fait ? répliqua Pansy.

La Gryffondor haussa ses épaules en rassemblant ses affaires qu'elle rangea soigneusement dans son sac.

- Et vous vous voyez souvent ?

- On vit un peu ensemble.

- Vous allez à Près-au-Lard ensemble demain ? Avant notre entrainement de Quidditch, je veux dire.

- Je n'en sais rien. On verra, répondit-elle. Tu passes demain vers vingt-heures pour qu'on s'entraine ?

- Le temps de prendre une douche et de manger..., exigea Pansy. On finit à dix-neuf heures et Drago fait exprès de nous laisser dans la boue. En plus c'est très sympa avec la neige.

- Bon, très bien, je t'attends à vingt-et-une heure, grinça Hermione.

- Après, si tu veux t'arranger, ou plutôt soudoyer le capitaine pour qu'il m'en fasse moins pâtir, je pourrai toujours venir plus tôt...

- Soudoyer comment ? releva Granger en masquant difficilement son rire alors que ses joues rougissaient.

- Oh, je pense que tu sais t'y prendre, répondit Pansy en s'enfuyant en courant, pouffant comme une gamine.

Avant de partir, Hermione s'arrêta un instant à quelques pas de la réserve. Elle pinça un instant ses lèvres de déception, se demandant comment elle pourrait y mettre les pieds. Le lieu regorgeait de documents fabuleux et elle souhaitait par-dessus tout en acquérir quelques-uns.

Pouvait-elle... soudoyer Drago pour qu'il lui obtienne une autorisation ?

Ce fut sur cette pensée amusante qu'elle gagna la salle commune des préfets-en-chef.

Le jeune homme n'était pas là et elle se retrouva seule, à s'étaler devant le feu de cheminée.

Le froid s'était encore accentué et les vitres opaques ne laissaient apparaître aucun rayon du soleil descendant. En revanche, la fraicheur filtrait en permanence et les habitants du château, s'ils n'avaient eu de rideaux à leurs baldaquins, ainsi qu'une bouillote disposée par lit, ne pourrait dormir de la nuit.

Elle bailla allègrement, posant sur le tableau un œil scrutateur. Quand donc reviendrait-il ?! Elle détestait avoir à attendre et elle gagna la salle de bain.

Elle ouvrit les robinets et se glissa dans la baignoire, appréciant le flux de l'eau qui l'entourait peu à peu avant d'atteindre le niveau de ses épaules. D'un coup de baguette, le jet saccada avant de définitivement s'arrêter et la jeune femme se laissa aller en fermant les yeux.



HHHH



- De toute façon, c'est la guerre et on est tous foutu, répliqua mollement Drago en s'allongeant dans la pelouse.

- C'est une blague, mec ? Dis-moi que tu déconnes, exigea aussitôt Blaise, les bras croisés, debout face à lui.

- Ca ne sert à rien de se mentir, on n'a qu'à profiter des derniers moments de paix qu'il nous reste, le temps que ça dure, soupira le blond qui désormais s'étendait plus confortablement, le regard fuyant. La mission, on laisse tomber.

- Mais... je pensais qu'on était d'accord. Moi aussi, faire cette mission, ça ne m'enchante pas, avoua Blaise. Mais on le doit, pour vivre.

- Bah voilà. On s'en fout. Profite de ta Luna et moi je profite de ce que je trouve.

- De Hermione surtout.

- Et d'autres ; il n'y a pas qu'elle, non plus.

- Tu dis ça pour te donner des airs ; je te vois, tu en es dingue.

- Ce n'est pas parce que tu es dingue de Lulu que tout le monde est dingue des personnes qu'il fréquente.

Un silence pesant suivit les paroles du Prince des Serpentard. Leurs dernières phrases n'avaient eu aucune attention ; en vérité, leur dialogue s'était arrêté quand il avait donné sa défection à la mission. A quoi tout cela servait-il, franchement ? Elle n'avançait pas, et Granger ne voudrait jamais.

Qu'ils y arrivent ou pas, ils seraient tués en premier car ils auraient joué - ou pas, ce qui leur vaudrait dans ce cas l'assassinat de la main du Maître- une des plus grande partie de la guerre.

Si l'Ordre gagnait, pour tout ce qu'ils avaient fait, on les tuerait avant tout. Si le Maitre gagnait, vu qu'ils allaient échouer, ils mourraient aussi...

Il leur restait moins de trois mois de repos et il valait mieux les vivre à fond que de les avoir en crainte et de finir, dans les deux cas, dans une tombe.

- Je ne sais pas ce qu'il t'arrive Drago. Mais la vie... putain mais c'est notre vie, mec ! On ne peut pas abandonner comme ça ! On devait faire encore plein de choses. Et Pansy, on peut pas la laisser !

- T'inquiète, j'ai déjà dépassé le cap du moment où « on n'arrive pas à assumer l'ampleur de la chose ». Ca passera, va.

- Mais t'as fumé ou quoi ? T'es sous l'effet d'une potion calmante ? s'énerva Blaise en se redressant.

- Non, je n'ai jamais été aussi conscient du néant et de l'échec total qui régissent notre mission et nos vies.

- Je ne sais pas si c'est le fait d'être avec Hermione qui te rend aussi con, mais moi j'me casse. Quand tu seras à nouveau lucide, tu me sonneras. Et quand tu ne t'y attendras pas j'irai voir Grangie et je lui dirai ce pour quoi elle est destinée.

Sur ces mots, il prit la fuite, quittant le terrain de Quidditch sans un regard en arrière.

Drago ne bougea pas d'un cil et n'esquissa pas un mouvement à l'entente de cette menace à peine voilée. A quoi bon, c'était la fin de tout, non ?

En faisant le point, que lui restait-il ? Sa mère n'était plus. Son père ne l'aimait pas. Et il devait participer à une lutte dont les buts et les attentes lui échappaient.

Il aurait voulu rester là, toute sa vie, à fixer d'un œil morne le défilement des nuages rosés qui se heurtaient aux collines comme ses rêves se heurtaient aux bords de son crâne sans pouvoir en sortir pour prendre vie.

La descente en enfer d'Hermione GrangerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant