Chapitre 16

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Attablée devant un dal de lentilles corail au curry, les lunettes solaires vissées sur les yeux, je tourne paresseusement ma cuillère dans mon bol, tout en fixant la mine patibulaire de ma meilleure amie. Je sens venir le sermon à la Josie et en général, ce n'est jamais agréable à entendre.

- Inutile de me faire la morale. Je me sens déjà assez mal comme ça.

- Justement. Tu as besoin d'un bon coup de pied au cul.

- Laisse mon cul tranquille. Il va très bien.

- Je ne crois pas non. Et c'est bien là le problème. Il faut que tu arrêtes de t'auto-flageller tout le temps. D'accord Nathan t'a laissée tomber. D'accord le seul mec avec qui tu ne peux pas coucher a réussi à te remettre dans les rails d'une vie sexuelle inerte depuis des lustres. Et d'accord tu as joué de malchance hier soir en tombant sur un connard de première. Et alors ? est-ce que pour autant tu ne vaux rien ? tu ne mérites pas de trouver le mec parfait pour toi ? mais ouvre les yeux, bon sang, Michelle ! Tu es une fille magnifique avec un esprit drôle, caustique à souhait et intelligente de surcroit. Il n'y a aucune raison pour que tu ne trouves pas l'âme sœur un jour ou l'autre.

- Je l'avais déjà trouvé, marmonné-je.

Josie me balance une claque sur le côté du crâne.

- Aïe !

- Et tu en recevras d'autres si tu n'arrêtes pas ça.

- Ça quoi ? grommelé-je.

- Ce pessimiste permanent. Je l'ai supporté pendant deux ans. Ça y est, j'ai ma dose.

Elle croise les bras et se met à bouder. Je soupire d'exaspération. Je comprends qu'elle en ait marre de moi, mais difficile de passer outre son tempérament. Je ne me suis jamais sentie assez bien pour quoi que ce soit. Il n'y avait qu'entre les bras de Nathan que j'avais l'impression d'être importante pour quelqu'un. Normal d'être en petits morceaux après qu'il soit parti.

- Très bien, je vais faire des efforts.

- Non, je veux plus que ça. Tu m'as déjà sorti cette promesse à la con une fois. Je ne me ferais plus avoir.

- Et tu veux quoi alors ? commencé-je à m'énerver. Que je décroche la lune ?

- Retourne voir ton thérapeute.

J'écarquille les yeux en me demandant si elle est en train de me faire marcher. Voyant qu'elle n'en démord pas, je ne peux retenir un fou rire. Je ris en m'en faire pleurer et ça me fait un mal de chien, car mon crâne est un tambour ambulant.

- Il n'y a rien de drôle là-dedans. Il faut que tu retournes le voir.

- Non, mais tu as viré folle depuis hier soir ?

- Au contraire, je suis lucide, moi ! J'ai vu ce qu'il a fait pour toi. Il a réussi là où j'ai lamentablement échoué, alors que les autres mecs n'ont pas su éveiller ta curiosité. Il t'a changé et en mieux.

- Mais...

- Pas de mais, me coupe-t-elle. Tu reprends un rendez-vous ou c'est moi qui le fais. Je ne me priverai pas de tout lui balancer et tu le sais.

Ma bouche s'ouvre et se referme aussitôt, sans que rien n'en sort, à part un râle d'agacement.

- Putain, tu me fais chier, Jo. Ok, j'irais. Mais une seule et unique fois. Je dois aller à son cours de yoga samedi prochain. Je prendrais rendez-vous à ce moment-là. Laisse-moi d'abord me remettre de tout ça.

Josie me scrute une dernière fois pour être sûre que je dis la vérité. Puis son visage s'éclaircit et un sourire franc me signifie qu'elle est satisfaite.

- Deal ! lâche-t-elle fièrement, tout en me tendant la main.

Je la serre à contre-cœur. Au moins je sais qu'elle me fichera la paix jusqu'à samedi. Reste à savoir comment je vais pouvoir affronter cette nouvelle épreuve.

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