Chapitre 28

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Je relève les yeux vers lui. Il me fixe, inquiet. Il semble tellement vouloir que je lui pardonne et lui donne mon amitié. Mais ça équivaut pour moi à l'échafaud et il ne s'en rend même pas compte.

- Je ne t'en veux pas.

Je le vois relâcher un soupir. Et moi, j'ai juste envie de me barrer et d'aller chialer dans les bras de ma meilleure amie.

- Tu ne peux pas savoir comme je suis soulagé. Ce qui s'est passé ce jour-là n'a pas arrêté de tourner dans ma tête...

Moi aussi, mais on n'en a pas tiré les mêmes conclusions, de toute évidence.

- Tu n'as pas à te prendre la tête avec ça, continué-je. Ça arrive à tout le monde.

Son doux sourire est à la fois une récompense et une torture. Je suis la fille la plus conne de la planète. Je vais me laisser convaincre et lui accorder ce qu'il souhaite. Une amie. J'essaie de reprendre un peu de contenance et lui sourit.

- Alors, fan de chocolat, si je comprends bien. Et quoi d'autres ? parce que, si on doit être amis, il faudrait commencer à se raconter nos petits secrets. Promis, je ne dévoilerai rien à Josie.

Il se met à rire et mon cœur fond. Pitoyable, je me sens pitoyable à quémander un peu d'attention de sa part. Mais il semblerait que mon cœur ne laissera pas ma raison prendre les commandes. Il s'est attaché à Christian et ne compte pas s'en défaire. Ma libido, quant à elle, a avalé la clé de son antre, pour ne plus jamais être dérangée.

- Par quoi commencer ?

- Tu m'as dit que tu as fait un long voyage. Raconte-moi. Je veux tout savoir de toi.

Il passe ses phalanges sur sa barbe naissante et laisse un sourire en coin dévoiler une petite fossette qui me fait encore plus craquer.

- J'ai passé trois ans en Inde à arpenter les plages à la recherche de la vague parfaite. Pas d'attache, pas de responsabilités. Juste moi et l'océan. Le soir, je dormais chez l'habitant qui voulait bien m'accueillir ou sur la plage. J'y ai rencontré des gens formidables, heureux avec peu de choses. Cela m'a permis de remettre les choses en perspective.

- Et pourquoi l'Inde ? Pourquoi ce voyage ?

Il dépose sa cuillère et s'adosse à sa chaise. Il est devenu soudain très sérieux.

- Tu sais, ce n'est pas une histoire très drôle. Je ne sais pas si pour un premier rendez-vous, elle serait très appropriée.

Ma gorge se serre, me renvoyant à mes espoirs perdus, mais j'essaie de l'ignorer.

- Etre amis, c'est surtout pouvoir se raconter les parties les moins drôles de nos vies en sachant que l'autre sera là pour écouter. Alors tu peux y aller. Je pense que je saurais encaisser.

Son sourire réapparait.

- Tu as tout à fait raison.

Christian se lance dans le récit de sa vie. Je bois chacune de ses paroles, absorbe chacune de ses émotions, bonnes comme mauvaises. Et étrangement, cette douleur qui me tordait le bide s'estompe petit à petit. Il me laisse apercevoir ce qu'il est en réalité. Et de toute évidence, ça n'a rien à voir avec l'image sereine qu'il laisse toujours transparaitre.

- Comme je te l'ai dit, j'étais un mec peu recommandable quand j'étais ado. J'en ai fait voir de toutes les couleurs à ceux qui m'aimaient. En fait, je m'en foutais de tout ça. Tout ce que je voulais, c'était du plaisir immédiat, et qu'importe les conséquences. Je couchais avec n'importe qui, faisais la fête en permanence et je t'épargne les conneries d'ado en rut que j'ai faites. Bref, je brûlais la vie par les deux bouts et j'en étais ravi.

Il s'est mis à tripoter sa cuillère. De toute évidence, parler de ça le met mal à l'aise. Je m'apprête à lui dire de laisser tomber, mais il reprend son récit.

- Un jour, alors que j'étais allé à une fête, et que j'étais encore une nouvelle fois bourré, je me suis engueulé avec mon père parce qu'il refusait de venir me chercher. Il voulait que j'assume mes décisions. Il essayait juste de m'ouvrir les yeux. Mais moi, tout ce que j'ai retenu, c'est qu'il me faisait chier. Alors je lui ai dit que s'il ne venait pas me prendre, j'allais prendre le volant pour rentrer. Et il a cédé. Cette nuit-là, en venant me chercher, mon père et ma mère ont eu un accident. Ils sont morts sur le coup.

Ses poings se sont serrés et je ne peux m'empêcher de les couvrir de mes mains.

- Je suis sincèrement désolée.

- Moi aussi...

Même si son ton est incroyablement calme, je suis persuadée qu'il s'en veut énormément. On ne se remet pas d'un tel événement sans en garder des traces indélébiles.

- Je me suis retrouvé orphelin du jour en lendemain. Je n'étais pas encore majeur et je n'avais plus de famille vivante qui voulait s'occuper de moi. Alors on m'a placé en foyer. Et là, j'ai dérouillé. Fini le mec populaire qui avait tout. J'étais devenu le dernier petit con arrivé sur lequel les petits caïds, les vrais, pouvaient se défouler. Mais au lieu de me calmer, ça n'a fait qu'attiser ma soif de vivre à cent à l'heure. Pour moi, la vie était trop courte pour me fatiguer à étudier, à trouver un job. Alors, quand j'ai eu 18 ans, j'ai pris un billet d'avion pour l'Inde. Tu connais la suite.

En voyant son beau visage si triste, j'ai une envie irrésistible de le prendre dans mes bras et de le consoler. Mais une amie n'est pas censée faire cela. Alors je me contente de lui parler, le plus positivement possible. Remonter le moral, tirer le meilleur de la pire situation, c'est ce que font les amis.

- Malgré tout ce qui s'est passé, moi je ne vois que la bonne personne que tu es aujourd'hui. Qu'importe ce que tu as fait, à présent, tu es quelqu'un de bien qui essaie d'apporter du bonheur aux autres. Et c'est tout ce qui compte.    

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