Chapitre 58

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Mon dimanche a été désastreux. Je suis passée en mode déprime et remise en question. J'ai fait la totale. Journée en pyjama, accompagnée de pots de glace, d'alcool et de films romantiques. J'ai chialé comme une madeleine. J'avais les yeux bouffis et le nez qui coulait. J'étais au summum de la beauté. Mais arrivée le soir, j'avais tellement pleuré que mon cœur était vide. J'avais enfin pu évacuer tout ce que j'avais contenu depuis la fameuse soirée de Maxine. La frustration, le dégoût de moi, la rage, la tristesse, l'incompréhension. Tout ce méli-mélo de sentiments enfin sortis de ma tête. Je pouvais maintenant y voir plus clair.

Je dois regarder les choses en face. Je l'aime. Je suis devenue accro. Mais il n'est pas l'homme parfait et inaccessible que je croyais. Lui aussi a ses faiblesses et sa part d'ombre. C'est elle d'ailleurs qui est en train de me faire dérailler car je ne sais plus sur quel pied danser. A-t-il envie de moi ou joue-t-il avec mon cœur ? A-t-il peur de me dire toute la vérité ou s'amuse-t-il à mes dépens ? Toutes ces questions continuent à tourner dans ma tête.

Lundi, retour au boulot avec une tête de panda. Tout le monde me regarde bizarrement. Oui, je sais, j'ai une sale gueule, mais avoir le cœur à l'est et le cerveau à l'ouest n'aide pas à trouver le repos. Je tente tant bien que mal de me plonger dans le boulot pour oublier le tourbillon qu'est devenue ma vie sentimentale.

Nous arrivons à mercredi et toujours pas de nouvelles de Christian. Est-ce qu'il va bien ? devrais-je l'appeler ? Revoir Jared l'a bouleversé. Sans doute aurait-il besoin de soutien ? J'ai essayé de l'appeler. En vain. Il ne répond ni à mes coups de fils, ni à mes messages. Je suis franchement inquiète.

Vendredi pointe son nez et toujours rien. La colère a pris le pas sur l'angoisse. Je suis passée le voir, j'ai sonné et pas de réponse. Je sais qu'il était là. Sa voiture était garée un peu plus loin. Je suis restée bien un quart d'heure à tambouriner, à l'appeler, mais il a refusé d'ouvrir. Je me sens rejetée, mise à l'écart, sans savoir pourquoi. Les paroles de l'autre taré tournent en boucle dans ma tête. J'ai besoin de comprendre. Suis-je en train de participer, malgré moi à un petit jeu sadique qu'ils ont inventé ? le doute est en train de me ronger de l'intérieur.

A bout, je décide d'aller faire un tour à l'Exhibition Room le soir même. Si Christian refuse de me parler, je vais m'adresser à une autre source. Quitte à me prendre la vérité en face, autant le faire maintenant. Je suis fatiguée d'attendre que quelque chose se passe. Je crois que je suis arrivée à un point où j'ai besoin de savoir quelle direction prend notre relation. Pour l'instant, elle est au point mort. Et ça rend folle. Alors je veux crever l'abcès. Je veux savoir ce qu'il me cache.

Vêtue d'une robe pour la circonstance, je me retrouve une nouvelle fois devant l'entrée du bar. J'hésite un moment à en franchir les portes. Suis-je prête à rencontrer le passé de Christian dans sa totalité ? Pas que la mort de ses parents et ses habitudes de connard du lycée ne soient pas déjà du lourd, mais je crois que le tableau risque de se noircir un peu plus. J'entre timidement à l'intérieur, jetant des regards indécis autour de moi. Le bar est moins bondé que samedi, mais il y a quand même pas mal de monde. Les secondes défilent et le doute m'assaillit de plus en plus. Pourquoi je suis là ? qu'est-ce qui me prend ? Si Christian veut me parler de ça, il le fera. Je ne peux pas l'obliger à tout me dire. Je ne peux pas le contraindre à s'intéresser à moi. Il ne me doit rien. Je tourne aussitôt les talons mais, dans ma précipitation, entre en collision avec quelqu'un.

Quand je lève les yeux, je tombe nez à nez avec le grand brun qui discutait avec Christian, la semaine dernière, au bar. Il me dévisage, les sourcils froncés.

- On se connait ? Je vous ai déjà vu ici, non ?

Merde. Je suis démasquée. Il va finir par faire le rapprochement. Je pourrais bluffer et lui faire croire que je suis une fille anonyme qu'il a croisée ici, un soir. Sauf qu'il y a une chance qu'il puisse m'aider à mettre la main sur Jared.

- J'étais là samedi, avec Christian.

Son visage s'illumine d'un sourire franc.

- Bien sûr. Je me souviens maintenant. C'est Michelle, c'est ça ?

Là, j'avoue que je suis surprise qu'il connaisse mon nom.

- Comment savez-vous comment je m'appelle ?

- C'est Chris qui me l'a dit. Il me parle de vous régulièrement.

Je me sens fébrile tout à coup. Il parle de moi ! J'ai envie de savoir ce qu'il peut bien raconter à mon sujet.

- En bien j'espère.

- Evidemment. Je me présente James Browning. Je peux vous offrir un verre ?

J'hésite mais l'occasion est trop belle d'en apprendre plus sur ce que Christian me cache et pourquoi il m'ignore depuis presque une semaine. Je décide d'accepter. Je pense qu'il sera plus facile à aborder que Jared. Christian m'a confié que c'est quelqu'un de bien et il semble l'être en effet. Je hoche la tête poliment et il me tend le bras pour que je m'y accroche. D'un geste de la main, il appelle un serveur, tout en se dirigeant vers une table à l'écart. Pas de pancarte de réservation. Pourtant, il s'y installe sans plus de cérémonie.

A peine assis, un jeune homme prend nos commandes et s'éclipse aussi vite qu'il est arrivé.

- Vous connaissez bien les lieux, noté-je, en le voyant si à l'aise.

- Il vaudrait mieux, répond-il en souriant. C'est mon bar.

Je manque de m'étouffer devant ma bêtise. La spécialiste pour faire des bourdes, c'est moi.

- Bien sûr. Suis-je bête, bafouillé-je pour m'excuser.

Il pose son bras sur la tranche du canapé et s'enfonce dans l'assise.

- Alors ? vous êtes revenue ici toute seule. Pourtant, la dernière fois, vous êtes partis assez vite, il me semble.

J'essaie de camoufler une grimace, mais je ne suis vraiment pas douée pour cacher mes sentiments. D'ailleurs, il fronce les sourcils en voyant mon visage se déformer.

- Hé bien. On a eu, comme qui dirait, un petit problème. Christian est tombé sur une personne qu'il ne voulait, semble-t-il, pas croisée.

- Qui donc ? s'inquiète-t-il.

- Jared.

Son bras quitte aussitôt le canapé. Il se penche en avant, pose les coudes sur ses genoux et croise ses doigts devant sa bouche. De toute évidence, cette information ne lui plait pas.

- La poisse ! Et ça n'a pas fini dans un bain de sang ?

Comment ça ? ils se détestent à ce point ? je secoue vigoureusement la tête.

- Non, mais Christian l'a envoyé se faire voir.

- Eh bien, il s'est drôlement calmé.

Je vais de surprise en surprise. Christian, quelqu'un de violent ? Non mais c'est quoi ce délire ?

- Vous vous attendiez à quoi ? A ce qu'il lui foute son poing à la figure ?

- Il y a quelques années, ça ne m'aurait pas étonné. Mais depuis qu'on se revoit, c'est vrai qu'il m'a paru différent. Plus posé, plus calme. Mais avec lui, on ne sait jamais.

Je suis interdite. J'ai l'impression qu'on me parle de quelqu'un d'autre. Cette conversation va être des plus instructives, il semblerait.    

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