Love Therapy

Chapitre 86

Quand j'arrive à mon box, je lâche bruyamment mes affaires et allume machinalement mon ordinateur. Max se redresse et affiche un sourire compatissant.

- Le dragon est déjà arrivé et tourne en rond dans son bureau. Elle t'attend.

Je laisse un long soupir exprimer mon état d'esprit, avant de me lever pour aller à sa rencontre. Quand tout va mal, c'est vraiment jusqu'au bout. Ne pourrais-je pas avoir une seconde de répit ? je frappe à la porte et entends sa voix stridente me répondre. Quand je pénètre dans l'antre de la bête, elle est assise à son bureau en train de scruter son écran, les sourcils froncés.

- Mademoiselle Madden, vous vouliez me voir ?

- Fermez la porte derrière vous et asseyez-vous.

Sa voix est devenue étonnamment calme. Je n'aime pas ça. Elle finit par lever les yeux vers moi. Deux perles noires me scrutent avec insistance. J'essaie de ne pas cligner des yeux ou de me détourner, mais c'est foutrement difficile quand on a l'impression qu'elle essaie de lire en vous.

- J'ai lu avec attention vos propositions d'aménagement. Et je dois dire que...

Elle se redresse et me toise tout en plissant le nez. Merde ! Elle va me virer. Mon travail est à jeter.

- Vous m'avez agréablement surprise. Je savais que vous pouviez faire un travail remarquable en peu de temps. Mais en plus de cela, vous êtes capables de proposer des idées pertinentes. Même si certaines doivent être améliorées. Un peu trop minimaliste à mon goût. Mais il semblerait que le client est plus qu'emballé. Il a même déjà choisi le projet qu'il souhaite mettre en œuvre, alors que vous n'avez pas encore fait la présentation 3D.

Je crois bien que ma mâchoire s'est décrochée. Il va me falloir un cric pour la remettre en place. Mademoiselle Madden aime mon travail. Je veux dire qu'elle aime les idées que j'ai proposées. Même si je vois bien que ça lui coûte un max de l'avouer, je crois que serait prête à l'embrasser tellement je suis heureuse.

- Monsieur Patton a opté pour cette proposition, dit-elle en me tendant un feuillet.

Je l'attrape, sans même y jeter un coup d'œil. Je suis carrément en train de planer.

- Etant donné qu'il parait évident que votre travail est de qualité, je vous cède donc ce chantier. Vous allez commencer par préparer la version 3D pour demain afin de la présenter au client. Ensuite, vous préparez les plans et contacter les artisans. Rapprochez-vous de Monsieur Higgins pour les coordonnées.

J'ouvre la bouche en grand pour objecter, mais les mots se bloquent. C'est la chance de ma vie. Je vais pouvoir travailler en tant qu'architecte d'intérieur, et non en tant qu'exécutante lambda. Je ne peux pas laisser passer cette opportunité, même si pour cela je dois affronter Jared. Je dois trouver un moyen de le tenir à distance. Du moins concernant son histoire avec Christian. Je me lève et sers contre moi le dossier.

- Je vous remercie de me donner l'opportunité de faire mes preuves. Je ne vous décevrai pas.

- Il y a intérêt. Monsieur Patton est un gros client et son fils représente la relève. Alors, ne mettez pas en danger l'avenir de l'entreprise.

J'acquiesce d'un hochement de tête joyeux et m'apprête à sortir.

- Michelle... Gardez-vous bien de flirter avec le client. Cet homme est très doué pour jouer de ses charmes. Si vous tombez dans ses filets, il y aura un grave problème entre nous. Me suis-je bien fait comprendre ?

Une sueur froide dégringole dans mon dos.

- C'est parfaitement clair, Mademoiselle Madden.

Mon excitation retombe comme un soufflé sorti trop tôt du four. Forcément, il y allait avoir un couac. Mais je me reprends. C'est une chance pour moi d'avancer dans ma carrière alors je ne dois pas me laisser abattre.

Arrivée à mon bureau, j'attrape mon portable et compose le numéro de Josie à la hâte. Max se penche alors par-dessus la cloison pour prendre de mes nouvelles. Je lui fais signe que tout va bien et il retourne travailler, un grand sourire aux lèvres.

- Jo, j'ai une grande nouvelle.

- Tu as réussi à faire remonter les couilles de Jared jusque dans sa gorge ?

Je lève les yeux au ciel.

- Mais non ! j'ai eu le marché.

- Le marché ? quel marché ?

- La rénovation du restaurant. C'est moi qui vais m'en occuper de A à Z.

Un cri strident provenant de l'autre côté du combiné m'oblige à le décoller de mon oreille.

- Non ce n'est pas vrai, continue à crier Josie. Tu veux dire les plans, le chantier, tout ?

- Oui, tout. Comme un vrai architecte d'intérieur.

- Mais comment ?... La harpie a dû voir rouge. Comment as-tu réussi à faire en sorte qu'elle te cède la place ?

- C'est le client qui a exigé que je prenne le chantier en mains. Il a adoré mon travail.

- Le client ? quel client ? c'est un beau mâle ? Tu n'as pas peur que ton petit surfeur fasse une crise de jalousie.

Je fais une grimace en pensant à l'explication que je vais devoir lui fournir.

- Ecoute, déjeunons ensemble et je te raconterais tout.

- Evidemment, ma chérie. Où et à quelle heure ?

- Au resto végétarien, pour midi. Ça te va ?

- Je pense pouvoir m'arranger.

Je me dis qu'il faudrait que je raccroche pour me mettre au travail mais j'ai besoin de savoir qu'elle est toujours de mon côté.

- Jo, je sais que tu doutes de ma relation avec Christian. Tu ne me l'as pas dit clairement mais je te connais, tu t'inquiètes. Mais j'ai besoin que tu sois de mon côté. Tout à l'heure, je te parlerais de certaines choses qui le concernent. Et j'ai besoin que tu sois neutre. Tu comprends ?

Elle hésite un instant, mais finit par dire d'une voix douce.

- Evidemment que je suis de ton côté. Je te promets de ne pas m'emballer. Si tu as besoin de conseils, je suis là.

- Merci, Jo. Il faut que je te laisse. J'ai beaucoup de travail avant de pouvoir te rejoindre.

- A plus, Mademoiselle l'architecte.

Je ris de bon cœur en raccrochant. Je suis contente de savoir que je vais pouvoir tout lui dire. Je suis tellement pris dans l'imbroglio qu'est la vie de Christian que je n'arrive plus à voir clair. Josie saura me montrer le droit chemin.Celui qui gardera mon cœur sauf. J'espère juste qu'il passera pour un beau blond au corps de rêve.