Chapitre 73

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Je dévale les escaliers d'un pas rageur. Ce que je peux être bête ! Comme si du jour au lendemain, il passerait du mec inaccessible à l'amoureux transi. J'avais oublié que dans sa tête, il y avait des barrières invisibles auxquelles je ne cesse de me heurter. Les fantômes de son passé semblent vouloir se dresser entre nous. Et l'un d'eux se tient à quelques mètres d'ici. Aurais-je un jour autant d'importance à ses yeux ?

- Michelle, attends.

Christian a réussi à me rattraper. Sa main s'est refermée sur mon poignet pour tenter de me stopper. Je suis obligée de prendre sur moi pour ne pas exploser.

- Qu'est-ce que tu veux ? Si c'est pour m'expliquer que je dois me la jouer incognito pour ménager l'égo de Maxine, c'est bon, j'ai pigé.

Il me dévisage un instant avant de murmurer.

- Ne le prends pas comme ça.

- Et comment veux-tu que je le prenne ? commencé-je à hausser le ton.

Le groupe de filles s'est penché dans notre direction. Christian, s'en rendant compte, me tire un peu à l'écart.

- Ecoute, je sais que ce que je te demande, c'est beaucoup, mais Maxine est une personne fragile, contrairement aux apparences.

Je croise les bras sur la poitrine et réprime un ricanement.

- Non sans rire.

Christian soupire devant mon entêtement. Ça l'énerve. Mais pour moi, c'est bien pire.

- Laissons passer le cours et je t'expliquerai tout ça après.

Pourquoi ai-je la désagréable impression que cet homme recèle plus de secrets que la CIA ? je tourne les talons en lâchant un grognement. Christian n'insiste pas et nous rejoignons le groupe sous les regards interrogateurs. Je croise celui de Maxine et mon poil se hérisse. Elle affiche un air satisfait qui me donne envie de la frapper. Il faudrait peut-être que je demande à Mike de me donner des cours de self-défense pour me défendre contre la fratrie Patton.

Je prends ma place en tendant de faire abstraction de Maxine et de Christian. Tous les deux ne cessent de me regarder et ça ne m'aide vraiment pas à me détendre. Je suis même tout l'inverse. Tendue comme un arc. Enchainer les positions me fait mal. Au bout d'une demi-heure, je renonce et range mes affaires. Christian me lance un regard affolé et me rejoint à grandes enjambées.

- Tu t'en vas ?

- Je n'arrive à rien. Je crois que tout ce qui s'est passé depuis hier a laissé des traces. Je vais rentrer chez moi pour prendre une bonne douche et peut-être dormir.

Il semble hésiter un instant, regardant à droite et à gauche. Il doit craindre que les autres nous entendent, mais moi j'en ai ma claque.

- Je passe te voir après, chuchote-t-il pour que je sois la seule à entendre.

Je hausse les épaules et fais volte-face. Je n'ai pas vraiment envie de répondre. Je veux juste me barrer d'ici. Il m'intercepte une dernière fois avant que je ne parte.

- Prends un taxi s'il te plait.

Son ton se fait suppliant, ses yeux pleins d'inquiétude. Il me fatigue à me surprotéger comme ça. On n'est pas dans Esprits Criminels non plus ! Mais je n'ai pas la force de le contredire alors j'acquiesce d'un hochement de tête et m'éloigne. Je remonte rapidement jusqu'au trottoir. Mon cœur hésite entre la colère, la tristesse et la fatigue. Trop de révélations, trop d'événements en si peu de temps, je n'arrive plus à suivre. Il faut vraiment que j'aille me reposer. Je marche le long de la rue. En fin de compte, prendre un taxi ne me tente pas du tout. J'ai besoin de faire le vide, d'entendre l'océan. Une idée germe dans ma tête.

Je fixe bien mon sac de sport sur mon dos et commence à courir. Mes foulées se font régulières. Mon souffle se cale sur le rythme adéquat. Juste moi, la mer et l'asphalte. Un moment pour vider mon esprit. Un moment pour faire le point sur toute cette histoire. Le bitume laisse bientôt place aux planches craquantes de la jetée. Cette même jetée où Christian et moi étions venus discuter, il y a quelques semaines. Ça me parait tellement loin. Il s'est passé tellement de choses. Je m'assois sur le rebord et laisse mes jambes pendre dans le vide. Je vois les vagues venir et repartir sous mes pieds. Ce mouvement hypnotique m'apaise.

Je pose le sac derrière moi et m'allonge. Ma tête vient reposer sur lui. Le soleil est fort à cette heure, alors je place mon bras sur mon visage pour me protéger.

Privée de la vue, je laisse mon ouïe me guider. Je me laisse bercer par le bruit de la houle s'écrasant sur les poteaux en bois, par le clapotis des quelques gouttes retombant dans l'eau. J'écoute avec attention le cri des oiseaux de mer qui passent et repassent au-dessus de moi, les voix des passants, leur conversation, le cri des enfants qui courent. J'écoute juste la vie. Je l'écoute s'écouler paisiblement en espérant que cette paix apparente s'insinue en moi et calme la tempête qui agite mon cerveau.

C'est le rire suraiguë d'un enfant me frôlant avec sa trottinette qui me sort de ma sieste improvisée. Merde ! Je me suis endormie. Je me relève précipitamment. De manière automatique, je fouille mon sac à la recherche de mon téléphone avant de me rappeler que je l'ai perdu. Quelle heure peut-il être ? Pas le temps de me poser plus de questions, je saute sur mes deux pieds et fonce à l'appartement. Si Christian arrive avant moi, il va se faire un sang d'encre. Quand je parviens à la porte d'entrée, j'ai les poumons en feu. Je prends un moment pour reprendre mon souffle. Mes joues me brûlent. Quand mon cœur décide de se calmer un peu, j'entreprends de pousser la lourde porte, mais je manque de m'étaler car quelqu'un l'a tirée d'un coup sec. Je me retrouve blotti contre un torse puissant.

- Michelle ? Bordel ! Mais tu étais où ?

Deux yeux vert jungle me fixent avec intensité. Merde, il va se foutre en colère. Je mords ma lèvre sans vraiment y réfléchir.

- Désolé. Je suis allée à la jetée et je me suis assoupie.

Il scrute de la tête aux pieds avant de lâcher un soupir de soulagement.

- Bon sang, tu m'as foutu la trouille. Ça fait une demi-heure que je frappe à ta porte et que j'appelle ton portable. Tu n'as rien entendu ?

Je grimace car je vais devoir encore lui mentir.

- En fait, je l'ai oublié chez moi. Je suis une vraie tête en l'air.

Ses yeux me fixent intensément. Il tente de savoir si je lui dis la vérité. Je prie intérieurement pour que, pour une fois, mes mensonges ne se voient pas comme le nez au milieu de la figure. Tout doucement, son visage se détend. Ses lèvres s'étirent dans un sourire timide.

- Ce n'est pas grave. Du moment que tu vas bien.

Soudain, je me rappelle pourquoi j'étais en train de me faire cuire au soleil sur la jetée. Mes sourcils se froncent et je mets de la distance entre nous.

- Arrête de t'inquiéter. Je suis une grande fille. Si tu tiens à te faire du mauvais sang pour quelqu'un, il y a une grande blonde qui n'attend que ça.

Ses traits se crispent aussitôt.

- C'est donc ça. C'était ta façon de me punir.

J'ai presque envie de rire. Le punir ? Il croit que je suis une folle qui veut l'accaparer juste pour elle, comme Maxine ? il croit que je suis jalouse ? ce constat me coupe tout envie de ricaner. Et merde. Je suis jalouse. De cette poufiasse en plus. En guise de réponse, je hausse les épaules et fixe mes pieds comme une gamine prise sur le fait. Putain, Michelle, grandis un peu.

- N'importe quoi, marmonné-je. J'avais juste besoin de prendre l'air.

- Et le soleil à ce que je vois.

Son pouce caresse délicatement mon front rougi. Me voilà bonne pour un coup de soleil carabiné.    

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