Chapitre 106

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J'ai eu un nombre incalculable de cartes de visites et des conversations plus intéressantes les unes que les autres, dont la plupart tournait autour de l'architecture. Alors je dois reconnaître que cette soirée se passe agréablement bien. Jared n'est pas intervenu et ça m'a plu qu'il me laisse un peu respirer. Mon cœur et mon cerveau sont lentement en train de prendre la pente inverse le concernant. Sans doute n'est-il pas un cas si désespéré ? Peut-être que l'image de connard qu'il se donne est liée essentiellement à la querelle avec Christian ? Je suis assaillie de doutes à présent. Pourtant, je me répète qu'il ne faut pas que je déroge au plan initial. Trouver de quoi le faire chanter pour qu'il nous libère de sa vendetta.

- Puis-je vous emprunter cette charmante demoiselle un instant, Cooper ?

Jared vient de sortir de nulle part pour m'intercepter alors que j'ai un échange passionnant avec un fournisseur d'ardoises d'importation. Ce dernier hoche gentiment la tête avant de laisser le maître des lieux m'entrainer plus loin. Il glisse son bras sur ma taille et commence à danser. Bon d'accord, il y a de la musique, mais nous sommes les seuls à effectuer quelques pas. Je reste un peu tendue entre ses bras, bien qu'il ne tente aucun rapprochement. Il met même une certaine distance respectueuse. Franchement, cette soirée est pleine de surprises.

- Alors ? Comment ça se passe ?

- Plutôt bien.

Un sourire satisfait vient éclairer son visage.

- Tant mieux. J'espère que ça te fera réfléchir sur ton avenir.

Il continue à me balancer sur un air de bossa nova, tout en me fixant avec intérêt.

- Honnêtement, tu y gagnes quoi ?

- A part la satisfaction de permettre à une jolie fille de prendre son envol ? Eh bien, emmerder un peu plus Christian en faisant de toi une femme indépendante. Il les aime plutôt docile et à ses pieds normalement.

Je lâche un long soupir.

- Ok, j'arrête avec ça pour ce soir.

- Et donc, je ne suis plus la fille à abattre au même titre que ton ex meilleur ami ?

J'ai besoin de sonder son esprit pour savoir ce qu'il mijote.

- Je préférerais t'épargner. Je commence à... t'apprécier.

Okay ! Changement de stratégie pour lui. Il veut me mettre dans sa poche en me flattant. Je ne vais pas m'en plaindre. C'est mieux que les sous-entendus graveleux et les menaces à peine déguisées.

- Et tu t'attends à ce que je fasse la même chose ?

- Tu veux dire m'apprécier ? Mais je sais que tu m'aimes déjà. Sauf que tu refuses de te l'avouer.

- Surtout quand tu te comportes comme un parfait connard.

Oups ! ça m'a échappé. Je m'attends à une réaction violente, mais elle ne vient pas.

- Ok, je l'ai bien cherché. Je m'excuse encore pour mon comportement à l'Exhibition Room. J'étais bourré et j'avais pris des trucs pas très légaux. Et puis ta réaction un peu trop sanguine m'a fait péter les plombs. Ce n'est pas une raison, je sais, mais c'est la réalité.

J'accueille ses aveux avec des pincettes. Le Jared trop gentil et honnête, je n'y crois pas trop. Mais je le laisse penser que ça marche. Après tout, il croit que je suis une pauvre fille naïve et influençable. Autant entrer dans son jeu.

- Très bien, je t'accorde mon pardon.

Un sourire doux apparait sur son visage. Je pourrais presque croire en sa bonne foi. Il ne dit plus rien. Moi non plus. Il se contente de me faire bouger, au gré de la musique. Notre relation devient un peu trop paisible. Je suis presque mal à l'aise d'être là avec lui. Tout ça me donne une impression étrange et malsaine. Je ne peux m'empêcher de penser à Christian et je me dis soudain que ce n'est pas approprié de devenir aussi intime avec lui. Même pour obtenir ces fichus papiers. Je mets fin à cet instant de paix et me racle la gorge pour retirer cette gêne soudaine.

- Je suis éreintée. Si ça ne te dérange pas, je vais appeler un taxi et rentrer.

- Non, je te raccompagne.

D'un geste, il salue ses hôtes en leur promettant de revenir sous peu et m'entraine à sa suite. Avec lui, la discussion tourne toujours court. Je me laisse guider, en pestant pour le principe. Arrivés en bas de chez moi, il me laisse sortir sans insister pour me retenir d'une manière ou d'une autre.

- Passe une bonne nuit, Princesse. On se voit lundi.

Il me balance un clin d'œil de dragueur avant de partir en trombe. Je ne peux retenir un petit sourire. Vraiment n'importe quoi ce mec ! En rentrant dans mon appartement, je sens une grande fatigue s'abattre sur moi. La journée a été longue et la fin particulièrement éprouvante. J'ai un petit pincement au cœur en me demandant si je dois en parler à Christian et surtout comment il le prendrait. A coup sûr, il me dirait que c'est encore une stratégie de la part de Jared. Ce qui est sans doute vrai. Mais pourtant, ses paroles ont réussi à me toucher. Et j'ai envie de croire que je suis capable de faire autre chose qu'un travail de bureau pour un dragon comme Mademoiselle Madden. J'envisage sérieusement de quitter M Designs. Je sais que c'est risqué, que c'est même un pari sur l'avenir qui risque de me péter à la figure. Pourtant, pour la première fois, je me dis qu'il est temps de faire les choses pour moi, sans demander la permission à qui que ce soit.

C'est décidé. Demain, j'en parle à Christian et ensuite à Josie. Tony et elle reviennent dans la journée. Difficile de la tenir à distance bien longtemps. Autant lui qu'elle sont des accros au travail et une semaine loin d'ici est déjà beaucoup.

Je retire avec plaisir mes chaussures, ma robe et me laisse tomber sur le lit en croix. Tant pis si je m'endors comme ça. Il n'y aura personne pour venir me mater. Les rideaux sont tirés et il est bien trop tard pour tenter de sortir de ce cocon douillet. Alors je me laisse sombrer, l'esprit étrangement serein.    

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