Chapitre 94

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Je ne sais pas si je dois considérer ça comme une bonne nouvelle ou une catastrophe. De toute évidence, je l'ai mis en pétard. Ce qui n'est pas bon signe. J'ai bien vu ce que ça donne quand on le pousse à bout. Mais s'il décide d'arrêter de me harceler, j'avoue que ça m'enlève un poids. Il va me falloir en informer Christian. Encore une nouvelle qui va bouleverser notre bonheur si précaire.

Quand je suis sortie de la salle de conférence, Mademoiselle Madden m'attendait de pieds fermes. Notre petite scène n'a pas dû passer inaperçue mais je feins l'innocence en prétextant un coup de téléphone qui l'a mis en colère. Elle a semblé me croire. Tant mieux, il ne manquerait plus qu'elle s'en mêle. Je suis donc retournée travailler sur le dossier et ai commencé à contacter les fournisseurs ainsi que les entreprises avec lesquelles nous avons l'habitude de travailler.

A la pause déjeuner, je n'avais toujours pas pu appeler Christian. Je profite donc d'être seule pour prendre mon téléphone.

- Salut.

Sa voix chaude me file direct le sourire.

- Salut. Tu vas bien ?

- Je me sens un peu seul sans toi.

Mon cœur fond dans la seconde.

- Toi aussi tu me manques, minaudé-je. Mais ce n'est pas pour ça que je t'appelle malheureusement. C'est Jared.

- Qu'est-ce qu'il a encore fait ?

Son ton s'est durci. Evidemment, il sent les ennuis arriver.

- Je crois que j'ai aggravé la situation.

- Comment ça ?

- Je t'ai expliqué qu'il n'arrêtait pas de me harceler depuis qu'il a débarqué au bureau. Alors, aujourd'hui, je lui ai dit ce que j'en pensais en lui faisant bien comprendre qu'il perdait son temps. Il s'est foutu de moi et a continué son petit manège. Mais il a pété un câble quand j'ai insisté en lui disant qu'il n'obtiendrait jamais ce qu'il veut parce que je suis amoureuse de toi.

- Il t'a touchée ?

- Non, ne t'inquiète pas. Il est juste passé aux menaces. Mais je ne sais pas si ça fait partie de son jeu ou s'il le pensait vraiment.

Je l'entends pester à l'autre bout du fil. Il semblerait que lui, le prenne très au sérieux.

- Ecoute, Michelle. Plus question que tu restes seule. On va trouver une manière de s'organiser. Je viendrai dormir chez toi et tu viendras dormir chez moi. Et je jouerais le taxi.

- Oh là ! On se calme ! Je ne vais pas bouleverser ma vie parce que Jared fait sa petite crise.

- Ne prends pas les choses de façon aussi légère, soupire-t-il. Ce mec est vraiment dangereux.

- Pourquoi ? Tu crois qu'il va essayer de me tuer ? plaisanté-je.

Le long silence qui s'en suit ne me plait pas du tout.

- Je ne sais pas, Michelle, et je n'ai pas envie de le savoir.

J'accuse le coup.

- Ok... dans ce cas, passe me chercher ce soir. Je pense finir à dix-huit heures. On fera un détour par chez moi pour récupérer mes affaires et ensuite on ira chez toi. Enfin, si ça te va.

Dans le combiné, je l'entends reprendre son souffle. C'est qu'il est vraiment inquiet.

- Très bien. Et surtout, sois prudente. Je ne m'en remettrais pas s'il t'arrivait malheur.

- Tout va bien, Christian.

- Pour l'instant.

Encore un long silence.

- Il faut que j'y aille. Ma pause est terminée. On se voit ce soir.

- Ok... tu travailles toujours sur son projet ?

- Oui. On m'a confié le dossier donc c'est moi qui m'occupe de tout.

- Ah.

Je sens bien qu'il n'est pas très heureux de cette nouvelle.

- Mais je ferais très attention. Jamais je ne resterai toute seule avec lui. Ne te fais pas de soucis pour ça.

- Je me fais toujours du souci pour toi, mon ange. Je tiens bien trop à toi.

Malgré son côté surprotecteur, j'avoue que sa sollicitude réussit à me tirer un sourire.

- J'aime bien que tu m'appelles mon ange.

- Parce que tu l'es. C'est toi qui me sors la tête de l'eau. Même si c'est pour affronter mes démons.

- Tu inverses les rôles. Ce n'est pas toi le thérapeute normalement ?

- Il faut croire que l'élève a dépassé le maître.

Je pouffe comme une idiote. Je suis contente qu'on arrive à dédramatiser tout ça. J'avais peur qu'il parte dans les tours et que ça finisse en dispute.

- Je dois vraiment y aller. Je t'aime.

C'est sorti tout seul avec un tel naturel que je suis surprise moi-même.

- Moi aussi, mon ange. A ce soir.

Il raccroche et je sers mon téléphone contre ma poitrine comme si c'était lui. Je me trouve vraiment nunuche parfois. Mais qui ne l'est pas quand il tombe amoureux ?

Je reprends donc mon travail avec l'âme plus légère. Jared ne se rend même pas compte qu'au lieu de nous éloigner, ses menaces nous ont poussé à nous rapprocher encore plus. Nous voilà à dormir chez l'un l'autre. Si ça continue comme ça, on va se retrouver à devoir partager le placard et le lavabo. J'avoue que ça me fait plaisir, même si je trouve ça un peu bizarre après avoir vécu toute seule. Retrouver une certaine intimité avec un homme me réjouit et m'effraie un peu aussi, parce que, inévitablement, je repense à Nathan et l'échec de notre relation. Je chasse ces vilaines pensées pour me concentrer sur les coups de fil que je dois passer. Inutile de faire des plans sur la comète, avec Christian, je navigue à vue.

Alors que j'ai le nez plongé dans les chiffres des commandes à faire, mon téléphone se met à sonner. Je décroche sans même regarder le correspondant.

- Oui ?

- Michelle, il faut qu'on se parle.

Je reste, quelques secondes, interloquée. Pourquoi m'appelle-t-il ? Je n'ai pas le temps de le lui demander, il enchaine d'une voix monocorde.

- Rendez-vous au bar où on s'est rencontré la première fois. Dix-sept heures. N'en parle à personne.

Il raccroche sans que je n'aie le temps de lui répondre. Me voilà bien ! Je vais devoir me rendre dans un lieu éloigné, toute seule, par mes propres moyens, sans pouvoir informer qui que ce soit. Il va me falloir mentir à Christian et ça me plait moyen. Mais s'il me demande ça, c'est qu'il doit avoir une très bonne raison. Il n'agit jamais à la légère. Alors je vais me rendre à ce rendez-vous en espérant que rien de fâcheux m'arrive.    

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