Chapitre 10

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Mais pourquoi j'ai dit ça ? je suis en train de virer schizophrène ou quoi ! Ma tête dit non et ma bouche répond oui. Je crois que c'est de sa faute. Ce mec réussit à me perturber au point où les connexions cerveau-bouche ne fonctionnent plus correctement. Et me voilà, raide comme un piquet, le doigt en suspens devant la sonnette de sa porte.

Une abrutie, je suis une abrutie aux hormones un peu trop réactives. Mais c'est trop tard, je ne peux plus me défiler. Alors je prends une grande inspiration et pose mon doigt sur le bouton. La même tonalité stridente qui hante mes rêves depuis ce jour-là retentit. Deux minutes plus tard, le bel apollon ouvre la porte, tout sourire. J'en oublierai presque mon appréhension. Il m'invite à entrer, je me déchausse et m'assois sagement sur le canapé. Cette fois-ci, j'ai opté pour des sandales ouvertes. Le piège des chaussettes qui puent, une fois ça m'a suffi.

- Comment vas-tu aujourd'hui, Michelle ?

Dans sa bouche, mon prénom prend une connotation sexuelle incroyable.

- Ça va.

Enfin, c'est un bien grand mot. Je suis tétanisée, complètement bloquée sur la partie câlins avec options. Et mon esprit refuse de passer à autre chose. On est là, tranquillement assis à discuter, dans le salon, et moi je me fais des films sur ce qui va se passer dans la chambre à coucher.

- Avant tout, je voulais savoir comment tu t'es sentie en sortant de la séance précédente. On n'a pas vraiment eu le temps d'en parler. Tu as filé à toute vitesse.

Frustrée, extrêmement frustrée. Parce que je m'attendais à autre chose. Parce que je ne savais pas ce que je faisais là. Il faut que je lui avoue. Ne serait-ce que par honnêteté.

- En fait... pour être tout à fait honnête... ce n'était pas à ça que je m'attendais. En fait, je ne m'attendais à rien, vu que je ne savais pas ce qu'il allait se passer. C'est Josie qui a pris le rendez-vous et jusqu'à la dernière minute, elle ne m'avait rien dit.

- Oh.

Son oh ne sonne pas bien du tout à mon oreille. Et d'ailleurs, en regardant sa tête, je me rends compte que j'aurais dû le dire dès le départ. Mais, fière comme je suis, j'ai préféré taire mon ignorance.

- Je comprends mieux ta réticence.

Ses sourcils se sont froncés et il a pris appui sur ses genoux. Je crois que je l'ai un peu contrarié.

- Une telle thérapie ne se fait pas sur un coup de tête. D'ailleurs, j'ai un questionnaire assez détaillé que je fais passer à mes éventuelles clientes avant de prendre rendez-vous.

Je hoche vigoureusement la tête. Je comprends qu'il ait une telle démarche. On ne sait jamais. De telles pratiques pourraient attirer des cinglés ou même des nymphomanes. Un peu du genre moi en ce moment.

- Si j'avais su, jamais je n'aurais procédé de cette manière.

Je déglutis avec peine. Il est en train de m'envoyer paître. C'est évident. Je le mets en difficulté et en bon professionnel, il préfère se retirer.

- Si tu ne veux pas que je reste, je comprendrai, dis-je tout en me levant.

- Non, ce n'est pas la question. Je me sens juste mal de t'avoir imposé ça, alors que tu ne savais rien.

Il se frotte nerveusement la nuque et ses yeux prennent une teinte mélancolique. Merde, il est encore plus beau quand il est triste.

- Ne t'inquiète pas. Je ne me suis pas sentie obligée à quoi que ce soit. D'ailleurs, ça m'a même un peu aidé.

Son faible sourire répond au mien.

- C'est pour ça que tu es revenue ?

Je pique un fard. Oui, ça et imaginer ton corps de rêve onduler contre le mien. Je suis un être faible qui est en train de succomber à ses pulsions. Mes yeux se rivent au sol.

- Pourquoi te sens-tu aussi embarrassée de parler de ça avec moi ?

Impossible de lui avouer que je rêve de lui arracher ses vêtements.

- Disons que je n'ai pas l'habitude de parler de ce genre de choses avec un inconnu.

- Dans ce cas, remédions à ça, dit-il en se levant.

Nous voilà debout, face à face, et je sens mon cœur partir en vrille.

- Tu voudrais qu'on commence la séance ?

Ce n'était pas ce qu'il fallait dire pour me calmer. Mes mains deviennent moites.

- Je te propose de faire les choses autrement aujourd'hui. Prenons le temps de parler. Je te parlerai de moi et tu me raconteras qui est Michelle Muller. Ça te va ?

Je hoche la tête, un peu mal à l'aise à l'idée de devoir raconter ma vie. Il me prend la main et me tire derrière lui vers la chambre. Ok, d'accord, ça va le faire. Juste une petite discussion. Comme la dernière fois, il allume l'encens, fait sa prière et revient me chercher. Il m'attire avec lui sur le lit, s'adosse contre le mur et m'enferme dans ses bras. Ma tête vient se reposer contre son torse. Ses bras m'entourent d'une douce chaleur. Je suis calée entre ses jambes repliées et j'ai du mal à me décrisper.

- Tu veux que je commence ?

- Oui, réponds-je d'une voix éraillée.

- Très bien. Qu'est-ce que tu veux savoir ?

Est-ce que tu as une petite amie ? tu fais ça seulement avec des femmes ? t'es gay ?

- Tu es croyant ?

Quoi ? c'est quoi cette question à la con ? je sens son rire se répercuter dans ma cage thoracique.

- C'est bien la première fois qu'on me pose ce genre de questions ! Mais oui, je le suis. Mais pas comme l'entend la plupart des gens. Je crois en l'humanité, en la rédemption. Je pense que tout le monde peut avoir une seconde chance dans la vie et qu'être heureux ne dépend jamais des autres mais toujours de nous.

Là, j'avoue que je suis perdue.

- En fait, je m'interrogeais par rapport au cérémonial que tu effectues en entrant ici.

- Disons que c'est lié à ma philosophie de vie, une manière de se mettre en condition, de préparer le corps et l'esprit à ce qui va suivre.

J'imagine !

- Et tu as appris tout ça comment ?

- Avec des maîtres en la matière, directement sur place. J'ai eu la chance de pouvoir découvrir les différentes cultures asiatiques lors d'un voyage de plusieurs années. Ils m'ont ouvert l'esprit et j'ai changé totalement.

Je suis impressionnée. Jamais je n'aurais cru que cet homme était aussi profond. J'ai toujours connu des mecs assez terre à terre. Je dirais même machos sur les bords. Même Nathan n'était pas du genre spirituel. Ce qui comptait pour lui, c'était les études, son avenir, avoir de l'argent pour pouvoir faire ce qu'il lui plait. Mais jamais nous n'avons parlé de spiritualité ensemble.

- A ton tour. Parle-moi de toi.

- Oh, il n'y a pas grand-chose à dire. Je suis née ici, j'ai grandi ici et maintenant je travaille ici. Fin de l'histoire.

Encore une fois, son doux rire me fait vibrer délicieusement de l'intérieur.

- Je suis sûr qu'il y a plus que ça à dire. Parle-moi de ce qui est important pour toi, de ce qui te passionne dans la vie.

Jusqu'à présent, tout ce qui avait de l'importance dans ma vie, c'était Nathan. On s'est connu au collège, on est tombé amoureux et on ne s'est plus lâchés. Enfin jusqu'à il y a deux ans.

- Allez, Michelle. Lâche-toi. Raconte-moi. Je suis là pour ça.    

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