Chapitre 92

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Je me suis recroquevillée sur le canapé, la tête entre les genoux. J'ai envie de pleurer. C'est trop, vraiment trop. Qu'est-ce que je leur ai fait pour qu'ils malmènent mon cœur comme ça ? Christian, Maxine et Jared, chacun à leur tour, ils détruisent une partie de mon âme. Lentement mais sûrement. Je suis épuisée par toute cette histoire. J'ai l'impression d'être une ridicule petite feuille ballottée par les vents, au milieu de leur tempête.

- Michelle...

La voix de Christian est douce. Sa main se pose sur mon épaule, mais je ne relève pas la tête. Je ne sais plus qui croire, qui blâmer.

- Ce sera toujours comme ça ? finis-je par articuler avec beaucoup de difficulté.

- Que veux-tu dire ?

Je pose mes yeux sur son visage peiné.

- Après chaque moment avec toi, j'aurais droit à une épreuve. Parce que c'est si le cas, je ne sais pas si je pourrais le supporter longtemps.

Son pouce vient caresser ma joue et récolte une larme. Je ne m'étais pas rendue compte que je pleurais.

- Tu ne peux savoir à quel point ça me fait mal de te faire pleurer. Dès notre premier baiser, je savais que j'allais te faire souffrir.

Son regard me quitte. Ses épaules s'affaissent.

- Peut-être que...

Il se racle la gorge, serre les poings posés sur ses cuisses. Je me rends compte alors qu'il n'est vêtu que d'une serviette. Il a dû se précipiter hors de la salle de bains en nous entendant crier.

- On devrait arrêter là, avant que je te fasse trop souffrir. Si ce n'est pas déjà trop tard.

Mon cœur s'arrête à la seconde où il a prononcé ces mots. Cette fois, je perds vraiment pied. Il ne peut pas me faire ça. Non. Pas après tout ce que j'ai traversé pour lui. Ma respiration s'accélère. La peur m'envahit. Je me redresse, l'attrape les mains et les serre aussi fort que mon corps le permet encore.

- Non !

Mon ton est implorant.

- Je ne peux pas. C'est trop tard. Je...

Je secoue la tête. Je refuse de le perdre. Je n'y survivrai pas.

- Je t'aime.

J'aurais aimé prononcer ces mots dans une autre situation. Là, cela sonne comme une supplique, un cri de désespoir. Les larmes dévalent sur mes joues. Christian a relevé vers moi des yeux écarquillés. Il ne dit plus rien. Il ne fait que me regarder et je me sens mourir. S'il te plait, ne me laisse pas. Soudain, il comble la distance entre nous et écrase ses lèvres sur les miennes. Ses bras m'enferment dans un cocon réconfortant. Je l'emprisonne dans les miens pour qu'il ne parte pas, jamais.

- J'ai cru que... j'ai pensé que tu voulais me quitter parce que c'était trop difficile pour toi, dit-il de manière hachée, tout en m'embrassant.

- Mais sans toi, je ne tiendrai pas. J'ai besoin de toi.

Son front se colle au mien.

- Je ne veux pas te laisser... Je t'aime.

Mon cœur voudrait exploser mais j'ai eu tellement mal en si peu de temps que la seule chose qui pourra m'aider à retrouver mon souffle est d'être dans ses bras. Alors je me glisse sur ses genoux et me blottit tout contre lui. Juste là, cœur contre cœur, peau contre peau, sans personne d'autre que nous. Ses bras m'entourent d'amour. Sa joue se pose sur le sommet de mon crâne et je ferme les yeux. Je pleure encore, mais pour une toute autre raison. Parce que malgré cette douleur pernicieuse, il a réussi à me redonner confiance. Il m'aime. Trois petits mots si simples mais représentant tellement. Je veux m'y accrocher de toutes mes forces, les graver en moi pour pouvoir les ressortir quand je devrais affronter d'autres épreuves. Car je sais que nous n'avons pas encore atteint le bout du tunnel. Il faut que je ne les oublie pas. Jamais. Ils seront mon ancrage.

- Redis-le-moi.

Christian prend une grande inspiration avant de les murmurer.

- Je ne partirai pas. Je t'aime.

J'enfouis mon nez dans son cou et le respire. Mon cœur s'allège un peu plus.

- Encore.

Sa bouche se pose sur le sommet de mon crâne.

- Je t'aime.

Ses lèvres s'étirent.

- Moi aussi je veux les entendre, dit-il d'une voix douce.

Je relève les yeux vers lui. Il me sourit. Ça y est. Il a réussi à balayer mes doutes. Alors je l'embrasse tendrement avant de prononcer les mots qu'il attend.

- Je t'aime.

- Maintenant que tu me l'as dit, je vais te les faire répéter tous les matins quand tu te lèveras et tous les soirs quand on se couchera.

- Je le ferais. Même si tu ne le demandes pas.

Je ferme les yeux et pose ma tête dans le creux de son épaule. Nous restons ainsi un moment, à apprécier la présence l'un de l'autre. C'est seulement quand Christian bouge légèrement sous moi que je me rends compte qu'il est encore à moitié nu.

- Tu ferais mieux d'aller t'habiller ou tu vas prendre froid.

- Ou sinon je risque de profiter de la situation, rétorque-t-il, en haussant les sourcils de manière suggestive.

Je lui sors une moue réprobatrice et m'écarte de lui. Il se lève et rejoint la chambre en rigolant. Quelques minutes plus tard, nous sommes assis à même le sol, la boite de sushis à moitié entamée et les yeux fixés sur une émission documentaire. Même si le calme est réapparu, une question reste accrochée à mon esprit.

- Tu crois que Maxine nous laissera tranquille ? osé-je demander sans quitter la télé des yeux.

- Je ne sais pas. Difficile à dire. C'est une fille qui ne lâche pas facilement. La caractéristique des Patton.

- C'est bien ce qui me fait peur.

Je reprends un maki pour me laisser le temps de la réflexion. Malheureusement pour nous, elle n'est pas le seul problème sur notre chemin. Un certain brun aux prunelles de glace m'attend de pieds fermes demain et je ne vais pas pouvoir l'éviter. Lui et ses sous-entendus qui essaient de me faire douter. Mais il faut que je sois forte et que je ne laisse pas entrer dans ma tête. Pour moi, pour Christian. Il est pris dans les tirs croisés de la fratrie Patton qui ne lui laisse aucune chance d'être heureux. Alors je vais devoir trouver un moyen de mettre fin à ce cercle vicieux.

- Tu as pu contacter le père de Jared ?

Christian soupire, tout en triturant un morceau de gingembre.

- Non.

Je tique devant sa réponse un peu trop courte.

- Tu as au moins essayé ?

Il se tourne vers moi et me fixe d'un air contrit.

- Je n'ai pas envie de me prendre un refus dans la tête.

C'est à mon tour de soupirer.

- Christian, tu m'as dit que tu es revenu en Californie pour arranger les choses. Ne penses-tu pas que ça en fait partie ?

Il baisse les yeux et ne dit plus rien. Mais je le comprends. Affronter ce qui nous blesse n'est jamais simple. Je crois que le rejet de cet homme lui a fait bien plus de mal qu'il veut bien l'admettre. Il va devoir refermer ses plaies, une à une, et je serais là pour l'aider.    

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