Chapitre 110

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Jared a disparu de la circulation après notre aparté. Je suis retardée au maximum le retour au bureau, me sentant étrangement plus à l'aise au restaurant que là où je sais que Mlle Madden m'attend de pieds fermes. Je finis partir pointer le bout de mon nez à dix heures du matin. Dès les portes de l'ascenseur ouvertes, je me faufile jusqu'à mon bureau, le plus discrètement possible. Je me glisse sur mon fauteuil, allume l'ordinateur et commence à éplucher mes mails professionnels. Quand je jette un coup d'œil à mon bureau, j'ai la désagréable surprise de constater que mes dossiers en cours ont disparu. Je me lève lentement pour me pencher par-dessus la cloison.

- Max !

Ce dernier, concentré, sursaute en m'entendant.

- Bordel, Michelle ! ça ne va pas de me foutre la trouille comme ça !

Je lui fais la moue. Là, tout de suite, je n'en ai pas grand-chose à faire de lui faire peur ou pas.

- Tu sais où sont passés mes dossiers ?

- C'est la patronne qui est passée les récupérer tout à l'heure. Pourquoi ?

Il a l'air vraiment surpris. Elle n'a pas dû expliquer le pourquoi de ce docnapping.

- Il y a un souci ? me demande-t-il devant mon air sombre.

- J'ai bien peur que oui. Je vais devoir aller l'affronter. Je risque de devoir faire mes cartons très bientôt.

- Quoi ? mais pourquoi ? Tu es une super collègue, qui bosse super bien. Pourquoi crois-tu qu'elle va te virer ?

- Une intuition.

Je quitte mon poste de travail pour me diriger vers son bureau. Je prends une grande inspiration. Je me fais peut-être des idées. Ce n'est pas parce qu'elle s'est disputée avec Jared qu'elle va me foutre à la porte. J'espère que c'est quelqu'un de plus professionnel que ça, tout de même. Mais la disparition de mes dossiers n'augure rien de bon. Je toque doucement avant d'ouvrir. Mlle Madden a, comme d'habitude, le nez dans son travail. Quand elle lève les yeux vers moi, elle arrête ce qu'elle fait. Son regard est glacial et je me rends aussitôt compte que je suis finie.

- Mademoiselle Muller ! Enfin de retour ! Votre travail avec Monsieur Patton prend vraiment beaucoup de votre temps.

Son ton sarcastique me tend comme un élastique. J'essaie de rester neutre, de ne pas montrer que j'en sais plus qu'il ne faudrait.

- La réunion a duré plus longtemps que prévue aujourd'hui, en effet.

- J'imagine...

Pourquoi ai-je l'impression que sa petite phrase assassine veut dire tout autre chose.

- Vous avez besoin de quelque chose ? me demande-t-elle sur un ton faussement innocent.

- En fait... Max m'a dit que vous avez récupéré tous mes dossiers donc je venais vous voir pour comprendre.

- Oh mais c'est très simple. Il semblerait que vous soyez incapable de mener le suivi de chantier et l'avancé des autres affaires en cours. Alors, j'ai décidé d'alléger votre emploi du temps.

La garce ! Une manière détournée de me faire passer pour une incompétente et me virer dès le travail fini.

- Je ne comprends pas. Jusqu'à présent, vous n'avez rien eu à redire sur ma façon de gérer.

- Jusqu'à présent, comme vous le dites si bien. Votre travail ici a baissé en qualité. C'est indéniable. Alors, il vaut mieux limiter la casse... Et puis, Mr Patton semble tellement tenir à votre présence. Vous serez toute à lui à partir d'aujourd'hui.

Je retiens de lui balancer une pique. Ce serait lui donner de quoi me foutre dehors dès aujourd'hui pour faute grave. Pour ça, même le contrat portant mon nom ne serait d'aucun recours.

- Je suis désolée que vous le preniez comme ça, Mlle Madden. Je ferais en sorte de ne pas vous décevoir sur le chantier. Je vais m'y investir à deux cents pour cent.

Elle laisse échapper un ricanement.

- Ça ne m'étonne pas de vous. Mr Patton en sera content. J'en suis certaine.

Cette fois-ci, je préfère m'éclipser que de supporter une seconde de plus son hypocrisie. C'est décidé, quand on aura posé la dernière touche au restaurant, je lui balance ma lettre de démission et tout ce que je pense d'elle par la même occasion. Je fais demi-tour sans demander mon reste et fonce rejoindre mon poste. Max passe la tête et m'interroge du regard.

- Cette garce va sous-entend que je suis une incapable. Elle a juste la haine que Jared l'est envoyée voir ailleurs et elle me le fait payer.

- Jared ?

- Oui, le propriétaire du restaurant. Mr Patton.

- Tiens, tiens, tu l'appelles par son prénom maintenant ?

Le regard lourd de sens de mon collègue ne m'aide pas.

- Oui, mais ce n'est pas ce que tu crois. Entre lui, Christian et moi, c'est une histoire compliquée.

- Carrément ! Les deux ! Hé bien, je n'aurais jamais pensé ça de toi.

Je lève les yeux au ciel. Mais ce n'est pas vrai !

- Mais tu vas t'imaginer quoi encore ? C'est juste que... il y a une histoire entre Christian et Jared et je me retrouve au beau milieu.

Cette fois, il pouffe franchement. J'abandonne ! Qu'il imagine ce qu'il veut. De toute façon, je suis grillée ici. J'aurais beau me justifier, Mlle Madden va me faire passer pour une trainée qui s'est tapé un client pour avoir le marché à sa place. Reste à espérer que mes futurs clients ne tiendront pas compte des rumeurs qu'elle va sûrement faire courir sur moi.

Ce qui me fait le plus peur, c'est la réaction de Christian. Comment va-t-il prendre le fait que je vais perdre mon job à cause de Jared ? Je n'ai pas envie qu'ils aient un nouveau motif pour se disputer. C'est déjà bien assez compliqué comme ça. En me penchant sur mon écran, je me masse la nuque. Punaise, je suis en train de me bloquer tous les muscles. Ma séance de sport de ce soir tombe à pic. Ça me fera un le plus grand bien. J'ai besoin d'évacuer cette tension nouvelle. Dire qu'hier, j'étais au paradis. Le retour à la réalité est rude.

Je me secoue un peu et me reconcentre. Allez, un peu de nerfs, Michelle. Tu vas déchirer sur ce chantier. L'autre connasse va s'en mordre les doigts et toi tu auras un CV du tonnerre. Grâce à Jared, tu as même déjà une liste de clients potentiels longue comme le bras. A toi, de préparer le terrain en leur faisant comprendre que ce qu'elle va répandre sur toi n'est que foutaises et pure jalousie à cause de ton travail plus qu'excellent. Ouais, auto persuasion, il n'y a que ça de vrai. Si seulement... Difficile de rester optimiste quand tu sais quel genre de garce elle peut être dans les affaires. Je ne peux même pas compter sur l'appui de Jared. Pas avec ce que je m'apprête à lui faire. Mon moral baisse à vue d'œil. Vivement que la journée se termine.    

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