Chapitre 13

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J'avale d'une traite le shooter. L'alcool me brûle la gorge et l'estomac. Je grimace. Je me sens pitoyable à me saouler à cette heure-ci. Il est à peine vingt-deux heures. Les basses de la musique commencent à jouer au marteau-piqueur dans mon crâne. Il faut dire que sauter le repas et s'enfiler des shooter n'est pas la meilleure des thérapies pour les migraines, mais pour le moral je n'ai pas trouvé mieux.

Josie me scrute de son air suspicieux. J'ai l'impression d'être un insecte sous la loupe d'un entomologiste qui attend le bon moment pour l'épingler sur sa planche.

- Bon ! Tu craches le morceau ou tu comptes avaler encore une série de shooter ?

Je serais bien tentée de lui répondre qu'il faudrait que j'avale la bouteille entière pour digérer tout ça, mais je crois que j'ai déjà assez abusé de sa patience très limitée. Le seul souci, c'est qu'elle s'est ramenée avec Tony. Et déballer ma vie sexuelle devant lui, ce n'est pas ce que j'avais espéré. Josie commence à tapoter nerveusement la table du bout de ses ongles manucurés. Ça m'agace tellement que je lâche un soupir d'exaspération avant de me lancer.

- Je suis retournée le voir.

- Qui ? ton thérapeute ? s'étonne-t-elle.

C'est vrai qu'avec tout le cinéma que j'avais fait pour ne pas y retourner, il y a de quoi s'interroger.

- Michelle voit un thérapeute ?

Je lève les yeux au ciel. Et voilà ! Tony va vouloir mettre son grain de sel.

- Oui, elle en va un. Mais ne la coupe pas, sinon elle va se braquer et ne dira plus rien. Tu la connais.

Non mais je vous en prie, critiquez-moi ouvertement, comme si je n'étais pas là. Pas de problème.

- Vas-y, ma chérie, continue, reprend Josie.

- Je l'ai recroisé lors d'un footing. Il donnait un cours de yoga. Il m'a demandé de rester. Comme une conne, je me suis laissé convaincre et quand c'était fini, il m'a proposé un autre rendez-vous.

- Eh bien, cet homme a plein de cordes à son arc, ricane-t-elle, me lançant un regard entendu.

J'attrape un autre verre et le vide d'une traite.

- Mais vu ta tête, ça ne s'est pas bien passé, on dirait.

- Bien au contraire.

Josie éclate de rire tellement fort que les gens de la table d'à côté se retournent. Je m'enfonce un peu plus dans mon fauteuil. Pourquoi m'a-t-elle donné rendez-vous dans ce bar branché ? ça n'aura pas été plus simple dans un lieu plus intime comme chez elle ou chez moi ?

- Non mais là, je veux tout savoir.

Je la fusille du regard. Si elle croit que je vais tout déballer devant son homme, elle se fourre le doigt dans l'œil. Comprenant le malaise, elle se retourne vers lui, toute mielleuse.

- Mon ange, tu veux bien aller nous chercher de quoi boire. Michelle a fini tous ses verres et je meurs d'envie de boire un mojito.

Tony nous regarde tour à tour, en fronçant les sourcils.

- Vous voulez que je me tire pour pouvoir causer, c'est ça ?

- Ouais, tu seras gentil, marmonné-je.

C'est ça le problème avec Tony, il est beaucoup trop perspicace. Même en parlant en langage codé, il comprendrait tout. D'ailleurs, je me suis toujours demandé comment il pouvait se laisser mener par le bout du nez à ce point. Enfin, le bout du nez... j'imagine bien que c'est par autre chose que Josie le tient.

- S'il te plait, mon amour. Tu veux bien faire ça pour moi, dit Jo en battant exagérément des cils.

Tony secoue la tête, amusé, et lui dépose un baiser sur le front.

- Je vous donne dix minutes. Faites-en bonne usage. Je reviens avec des recharges.

Je le regarde s'éloigner, rêveuse.

- Comme tu fais pour garder un mec pareil ?

- Ça, c'est bien trop privé et sexuel pour que je t'en parle. Tony ne me pardonnerait jamais, dit-elle, en faisant un clin d'œil. Bon, alors tu racontes ?

- Pour faire court, je n'ai jamais pris mon pied comme ça, sous retirer le moindre vêtement.

- Mais c'est super ça, s'exclame-t-elle. Oh, ma chérie, je commençais à désespérer. Je devrais aller lui embrasser les pieds à ton thérapeute.

Je plisse des yeux tout en lui faisant une grimace, pour lui faire comprendre que si elle met les pieds chez lui, je l'éventre et la pend avec ses tripes. Mais, comme elle me connait, Jo n'en tient même compte. Je suis une piètre psychopathe. Même pas crédible.

- Et alors où est le problème ?

- Le problème est que j'étais la seule à prendre mon pied et ça, c'est dur à avaler.

- Tu veux dire qu'il n'a eu aucune réaction dans le pantalon ?

Je me prends la tête entre les mains.

- Non, rien, nada, que dalle. Je me sens tellement nulle.

- Mais il ne faut pas, ma chérie, dit-elle en me caressant amicalement l'épaule. Après tout, c'est son job. Il doit faire ça tout le temps.

C'est bien là le problème. Pour moi, le sexe va de pair avec l'attirance et me rendre compte qu'il soit capable de faire la différence, c'est juste... putain, je veux mourir. Je m'étale sur la table et cache mon visage entre mes bras.

- Je suis qu'une pauvre loque, même pas capable d'exciter un mec.

- Ne prends les choses comme ça, Mickie. Je t'ai déjà dit que tu es une femme superbe qui se cache derrière des fringues immondes pour ne pas qu'on la remarque.

- Oui, c'est pour ça que le seul mec que je n'ai jamais aimé s'est tiré, et que celui qui a réussi à me faire prendre mon pied depuis des lustres n'avait même pas le début d'une érection.

- Nathan était un connard. Il faut que tu le rentres dans ta petite tête, s'énerve-t-elle. Et pour ce qui est de ton thérapeute, je te l'ai dit, c'est son job. Heureusement qu'il ne bande pas avec ses clientes, sinon il aurait l'air de quoi.

J'avoue que l'argument se tient. Mais il n'empêche que je me sens mal.

- La seule chose qui faut retenir, c'est qu'il a réussi à te débloquer. Maintenant, à toi d'en tirer partie. Il y a un nouveau monde qui s'ouvre à toi, peuplé de beaux mecs prêts à te sauter quand tu veux et où tu veux. Alors à la chasse, Miss Grumpy.

Je ne peux m'empêcher de rire. C'est pour ça que c'est ma meilleure amie depuis le lycée. Josie sait toujours quoi dire et quoi faire pour me remonter le moral.Elle n'a pas tort. Il n'y a pas que Christian et Nathan sur cette fichue planète. Il faut que j'ouvre les yeux et que j'en profite. 

Love TherapyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant