Yseult

2

Je me tourne vers lui. Cette voix. Cette main. Non, pas maintenant. Pas là.

- ... Oui ?
Je peux me faire passer pour quelqu'un d'autre, enfin j'aurais pu. Mais il sait que c'est moi. Et il est surpris que je réagisse comme ça. Putain. Il aurait pu m'ignorer. Il aurait pu ne pas faire attention à moi, et me laisser passer comme si de rien n'était. Ça aurait été mieux. Bien mieux.
- Tu ...
- Lache-moi Grey.
Il me tient le bras depuis tout à l'heure. Il me lâche, sans savoir quoi répondre. Je lui ai coupé la parole. Je n'ai pas envie de lui parler. Je n'en ai plus envie.

Il baisse le regard, sans savoir quoi dire. Je soupire, et lui retire sa cigarette de la bouche, avant de l'écraser par terre.
- C'est mauvais de fumer.
Je m'éloigne et enfile mes écouteurs. Ca y est, c'est fini. Je ne sais plus ce que je viens de faire. Quoi ? J'ai croisé quelqu'un ? Ah bon ? Je m'en rappelle pas.

- Attends !
Quoi ? Il y a quelqu'un derrière moi ? Non. Il n'y a personne.

Brusquement, des bras m'entourent, et je suis ramenée sur le trottoir. Une voiture est passée à toute vitesse, manquant de m'écraser. Je suis choquée. Tout s'est passé très vite, je n'ai même pas eu le temps de voir tout, mais je sais que j'ai frôlé un accident.
- Fais attention quand tu traverses !
Grey est en train de m'engueuler. Il vient.. De me sauver ? Possible. Woah. Je ne sais même pas quoi dire. J'ai le souffle coupé, mon cœur bat vite. Grey me retourne vers lui.
- Tu aurais pu mourir ! Il est tard, les gens ont bu et font pas attention à ce qu'ils font !
- De.. Désolée.
Il soupire. Je m'en veux un peu... Je pars en faisant la belle pour qu'il me rattrape quelque mètres plus loin parce que je n'étais pas attentive à ce qui m'entourait. C'est sa faute aussi... Pourquoi il ressurgit d'un coup comme ça ?
- T'en fais pas. Le principal c'est que tu ailles bien.
Il sourit discrètement. Je lève les yeux vers lui. Il a relevé ses cheveux, ce qui laisse donc parfaitement voir sa cicatrice sur le front. Il paraît plus grand, plus imposant.

- Merci, Grey.
- Attends Lucy, on peut parler un peu ?
Non. Je ne veux pas parler. Il va me poser des questions sur moi, pourquoi je suis partie, qu'est-ce que j'ai fait pendant tout ce temps, et bien d'autres.
- Non. Je dois rentrer. Je suis fatiguée.
- Alors je te raccompagne.
- Non. Je vais rentrer, seule.
J'insiste sur le seule. Je n'ai pas besoin de lui. Je peux me débrouiller. Là il m'a sauvé, mais c'était un simple moment de faiblesse. Rien de plus.

- Tu es sûre ?
- Oui. Mon appartement n'est pas très loin, c'est plutôt bien fréquenté, je ne risque rien.
- D'accord.
Il reste là, immobile, à me regarder.
- Quoi ? J'ai une tâche quelque part ?
- Non.
- Alors quoi ?
- Je ne veux pas te laisser partir. Je te retrouve enfin.
Je soupire. Merde. C'est pas bon. Je dois lui faire comprendre qu'il ne m'a pas retrouvé vraiment : on s'est croisés par hasard (ce hasard !) et rien de plus. On a rien dit. Rien fait. C'était le hasard.

- Tu considères que tu m'as retrouvé là ? Au point de ne pas vouloir me laisser partir ?
Je sens que ça l'énerve.
- Tu ne sais pas ce que j'ai fait pour te retrouver Lucy ! Je ...
- Toi non plus tu ne sais pas. Tu ne sais rien. Alors ne fais pas comme si tu savais, et que tout était acquis entre nous. Il n'y a plus rien, tu es juste un souvenir, un bon moment. Mais tu fais parti du passé.
Ok c'était un peu violent, mais je ne veux pas qu'il se passe à nouveau quelque chose entre nous. Impossible. Ce n'est pas une bonne idée.
- Si tu m'avais laissé finir ma phrase, tu aurais su que je ne veux pas laisser partir ma petite sœur.
Inceste.
- Petite sœur ou ex, ça ne change rien. Tu appartiens au passé.
C'est faux, ça change beaucoup de choses. Mais je ne peux pas lui dire. Je suis grande et réfléchie, j'ai arrêté de rougir tout le temps sans raison particulière (enfin j'essaye), et je sais prendre les bonnes décisions. Enfin je crois.
- De toutes façons, j'aimais la Lucy qui souriait bêtement quand on était ensemble.
Qu'est-ce qu'il me fait là ?
- J'aimais le Grey qui ne fumait pas.
- J'aimais la Lucy qui rougissait sans arrêt.