Jevred
En débarquant dans mon bureau ce matin, je ne m'attendais pas à trouver cette pile de dossiers non traités et qui réclamaient mon attention immédiate. Après avoir poussé un profond soupir et m'être passé une main dans les cheveux, je m'en étais approché rapidement. En m'asseyant dans mon fauteuil avant d'attraper le premier dossier, j'avais jeté un bref coup d'œil à l'horloge devant moi. 8h06. J'avais alors pensé que quatre heures plus tard, j'aurais à peine lu la moitié des dossiers en question.
Et je ne m'étais pas trompé. Il est maintenant midi passé, et j'ai l'impression que la pile n'a pas tellement diminué depuis tout à l'heure.
J'étouffe un juron en lisant un nouveau paragraphe tout aussi insipide que les précédents. Ma matinée vient de s'écouler, et, pour moi, je viens de la gâcher bêtement en étudiant toutes ces candidatures insignifiantes. Je n'ai absolument rien à me mettre sous la dent avec ça...
Mon assistant se montre un peu trop zélé parfois. Il veut bien faire et aider un maximum d'artistes possible, sauf que ça ne marche pas vraiment comme ça. Etre agent artistique ne nous permet pas de prendre sous notre aile toute personne faisant preuve de talent dans son domaine ; la dure réalité fait que nous devons faire rentrer de l'argent rapidement, et nous créer une publicité par la même occasion, qui attire l'attention de la presse, des interviewers sur nous... et donc des artistes déjà populaires. Clairement, notre survie et notre réputation dépendent des célébrités prêtes à nous prendre comme agent et à en parler autour d'elles afin de nous faire connaître. C'est ainsi que fonctionne le monde des affaires auquel nous appartenons indéniablement.
En me lançant dans ce travail, je savais à quoi m'attendre, je savais ce dans quoi je mettais les pieds. J'avais même hâte de commencer. Mais ce à quoi je ne m'attendais pas, par contre, c'est cette forme de mépris et de lassitude que je ressens aujourd'hui à participer à ce mode de fonctionnement. Mon assistant, Thomas, et moi nous ressemblons sur au moins un point : si je m'écoutais, moi aussi je serais prêt à représenter tous ces jeunes talents qui frappent à notre porte, ou qui, au contraire, n'ont jamais pensé qu'ils pouvaient être représentés. Mais tant que je travaille au service de cette boîte, je ne peux pas me permettre de faire tout ce que je veux. L'argent doit rentrer...
Je me montre un peu trop cynique avec cette agence. Elle n'est pas si horrible que ça, c'est même l'une des rares qui fasse encore preuve d'un peu d'humanité et d'humilité quand on y réfléchit bien. Malgré sa popularité grandissante, l'agence ne travaille pas seulement avec les privilégiés de la vie. Mes collaborateurs de travail et moi-même suivons également plusieurs jeunes talents très prometteurs, issus du milieu artistique, aussi bien des chanteurs, des musiciens, que des danseurs. Les contrats qu'ils ont passés avec nous leur permettent de gagner en notoriété et de trouver leur place dans l'univers complexe et changeant qu'est l'Art.
Les journaux dépeignent le portrait « altruiste et charitable » de notre travail, comme si nous étions une sorte d'organisme caritatif prêt à tout pour – je cite – « sauver ces personnes désœuvrées et abîmées par la vie ». Quelle connerie...
Ce que semblent oublier tous ces ramassis de niaiseries c'est que toutes les agences fonctionnent en travaillant avec « le prolétaire moyen » à la base. Si certains gros bonnets passent outre ce fait par la suite une fois qu'ils ont connu la gloire, c'est leur problème. Les gens font preuve de beaucoup de stupidité dès qu'il est question d'argent et de pouvoir.
Alors oui, c'est vrai, je prône l'ouverture d'esprit et le je-m'en-foutisme des simples et humbles origines de certains artistes, mais là j'ai un sérieux problème avec les candidatures que l'on me propose. Il n'y a rien qui sort du lot, rien ne se dégage de ces candidats potentiels. Je ne suis pas si difficile d'habitude mais aujourd'hui ça coince...
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Compulsion - Tome 2
RomanceSUITE DE "EXCEPTION", IL FAUT LIRE LE TOME 1 AVANT CELUI CI. Alyssa Gates. En quatre ans de séparation, Jevred s'était bien gardé de repenser à cette femme, et à la seule et unique nuit qu'ils ont partagée dans un lit. Même s'il n'a jamais pu comp...