🌟24. Odieux personnage

8.2K 887 94
                                    



~ Point de vue de Sara ~


— S'il te plaît, dis-moi que tu ne m'en voudras pas si je lèche l'écran ! fit Corine en remuant la langue d'une façon trop comique qui me fit éclater de rire.
Elle plaisantait bien sûr. Elle n'irait pas vraiment lécher la télé, accrochée au mur en face du lit. C'était juste sa façon de dire que mon... mari, était à tomber.
Corine Simms avait toujours été une marrante. Je l'avais constaté dès notre première rencontre au concert de clôture de Fantasy tour. Le courant était immédiatement passé entre nous, et on ne s'était plus lâchée depuis.
Un an plus tard, vie différente, nouveau concert, ville différente. On ne pouvait pas aller à celui-là, mais heureusement que pour une raison que j'ignorais, l'équipe de Rick avait choisi de le diffuser en live. De notre lit, on n'allait pas en perdre une miette...
Le commentaire de Corine sur Rick ne me dérangeait pas le moins du monde. D'ailleurs, si je n'en voulais pas à ce point au rockeur, moi aussi je serais tentée de lécher l'écran.
Une journaliste couvrait l'évènement depuis les coulisses du Madison Square Garden. Les musiciens allaient bientôt monter sur scène et Rick venait de sortir de sa loge. Et Dieu, qu'il était... parfait !
Un micro-barbell noir ornait désormais son arcade gauche, ajoutant encore plus de mystère à son regard. Il avait dû se faire percer dans la journée, car la veille encore, dans les photos de lui prises par les paparazzi à cette soirée VIP, il n'avait que son labret à la lèvre inférieure.
Ses yeux clairs quant à eux étaient cerclés de noir. Mais ce qui achevait de le rendre sublime, était l'effet mouillé sur ses cheveux, courts au niveau de la nuque et des côtés, tandis que de longues mèches noires caressaient ses joues et ses yeux. Je savais qu'on l'avait subtilement maquillé, car sa mâchoire carrée et ses traits ciselés étaient encore plus parfaits que d'habitude. C'était injuste de posséder une telle beauté ! À croire que Rick était né dans le but de complexer son entourage.
Et ce n'était même pas tout ! Son corps sculpté risquait de rendre béat plus d'un ce soir-là. Ses stylistes savaient vraiment tirer parti de tous ses atouts : il portait uniquement une veste en cuir cloutée, ouverte sur son magnifique torse et ses abdos en tablette de chocolat. De plus, son slim destroy accompagné de Dr Martens, était tellement moulant qu'il frôlait l'indécence. Je n'avais jamais vu quelqu'un d'aussi sexy de toute ma vie !
Il répondait depuis un moment, avec bonne humeur aux questions de la présentatrice. Et celle-ci finit par lui demander :
— Tes textes sont connus pour être souvent érotiques et c'est ce qui te vaut la majorité de ton fandom. Ma question est : la passion que tu décris dans ces chansons ; ce désir brut, cette luxure ? Sont-ils inspirés de ta vie ?
Rick lui adressa mon sourire préféré : une commissure des lèvres légèrement soulevée, en même temps qu'un sourcil. Ce rictus qui rendait mes membres tous mous, même derrière mon masque d'impassibilité. Celui qu'il sortait quand il s'apprêtait à dire quelque chose de tordu. Et bien sûr, comme je m'y attendais, sa réplique fut tout sauf innocente :
— Êtes-vous en train de me demander si je baise comme une bête ?
Le visage de la quadragénaire se colora légèrement tandis que Rick lui faisait un clin d'œil coquin qui termina de la rendre pivoine.
— La réponse est oui, souffla-t-il d'une voix basse avant de tourner les talons sous le regard de la présentatrice qui peinait à retrouver son état normal.
Oh ma pauvre, qu'est-ce que je te comprends !
C'était ça le phénomène Rick Rivera ! Ce mec dégageait quelque chose ; quelque chose contre laquelle il était quasi-impossible de lutter. Je savais que c'était ce que les rrivers considéraient comme son « aura de bad boy ». Et j'avais fait connaissance avec, à mon grand dam.
La présentatrice avait de la chance de n'être qu'au premier des trois stades de l'effet du phénomène. Moi par contre, j'étais déjà foutue. J'imaginais que toutes celles à me précéder, elles aussi avaient expérimenté les trois. En commençant par le premier : celui où tu le voyais, puis son assurance, sa beauté, sa complexité, et même son petit air arrogant te faisait dire : « Je veux ce mec ! ».
En second lieu, il y avait celui où tu apprenais à le connaître, et que tu découvrais peu à peu son côté angélique. Ce qui t'amenait à ce point où tu te dis que tu avais enfin trouvé l'homme qu'il te fallait.
Puis finalement, il y avait le dernier stade où il te sortait le connard. Ça faisait mal, mais malheureusement, il était déjà trop tard. Tu avais déjà rejoint la longue liste d'idiotes à être tombées amoureuses de lui en espérant qu'il te rende ton affection.
À chaque fois que j'étais avec lui, mon alarme jalousie se déclenchait, genre, trente fois par minute. Il était rare qu'on ne tourne pas les yeux sur son passage. Ça me rendait malade, mais en même temps, je les comprenais. Qui pouvait rester insensible à Rick Rivera ?
— C'est pas juste ! soupira Corine avec une moue boudeuse. Il ne peut pas...
Elle s'interrompit et se braqua tandis que le blond tatoué avec sa basse en bandoulière passait devant la présentatrice qui essayait en vain d'avoir son attention. Il était presque habillé comme Rick. Sauf que lui, à la place d'une veste, il portait un gilet clouté qui laissait une vue imprenable sur ses muscles et les tatouages sur ses bras et son torse.
Jason McGraal était un bougre ! C'était connu de la terre entière. Un bougre sexy. Ça, je devais l'admettre malgré notre haine réciproque. Je crois même que c'était l'une des raisons pour lesquelles Corine était tombée amoureuse de lui.
— Ça va aller, soufflai-je à mon amie en déposant ma main dans la sienne sur les draps blancs du lit à baldaquin.
Elle m'adressa un faible sourire, mais je voyais bien que celui-ci était forcé.
Je savais que revoir Jason avait toujours un effet dévastateur sur elle.
En un instant, ses magnifiques yeux bruns avaient perdu de leur éclat. Par la suite, elle porta un regard triste sur ses jambes immobiles, allongées sous le drap. Je me rapprochai d'elle, appuyai mon dos contre les multiples coussins du lit et la pris dans mes bras. Ses cheveux bouclés se retrouvèrent sous mon menton et elle passa ses bras autour de ma taille.
On resta dans cette position pour regarder le reste des musiciens défiler. Sam, le batteur, portait un bandeau noir autour de ses cheveux blonds polaires en plus de la même tenue que Jason. Il répondit à quelques questions, mais sans entrain, avant de s'éclipser rapidement.
Ty, le guitariste avec les écarteurs aux oreilles, fut le suivant. Et à son tour, il ignora la journaliste. Sauf que contrairement à Jason, il daigna faire un petit coucou à la caméra. Je remarquai que la seule différence de sa tenue avec celle de Rick était que sa veste à lui était zippée.
Leurs yeux à tous étaient cerclés de noir. À croire que Lucas avait contaminé tout le monde ce soir-là.
D'ailleurs, celui-là sortit en dernier. C'était la première fois que je le voyais sans son éternel sourire narquois. Il était habillé comme Jason, le jean dévoré en plus.
Rick était le seul à donner l'impression que ça allait.
C'était quoi ces têtes d'enterrement ?
Qu'est-ce qu'ils devaient bien avoir ? Ou alors, ça faisait partie du show ?
— Lucas ne fait pas l'idiot ? s'exclama Corine dont le comportement du pianiste parut bizarre à elle aussi.
Tout le monde connaissait le tempérament du musicien aux longs cheveux châtains. Corine encore plus que les autres, car elle était sortie avec le meilleur pote de celui-ci pendant à peu près trois mois.
La magnifique brune à la peau café au lait, originaire de Chicago, était la fille d'un riche entrepreneur qui avait fait fortune dans l'immobilier. Rriver jusqu'aux os, c'était d'ailleurs à cause de Rick qu'elle avait atterri à L.A.. Elle était censée être de passage, mais son départ avait été retardé par Jason, puis finalement renvoyé à jamais.
Je me rappellerais toujours de ce soir où on s'était croisée : c'était le jour du dernier concert de la tournée mondiale de Rick. La nuit même où elle avait rencontré le bassiste aux yeux verts.
Corine avait trouvé un moyen de parvenir backstage, en faisant jouer ses relations de fille de. Comme elle était venue seule, elle m'avait convaincue de l'accompagner. C'était elle la vraie fangirl, pas moi. Je ne m'intéressais trop au personnage dont la réputation de trouduc n'était plus à refaire, juste à sa musique. Mais qui refuserait de voir d'un peu plus près le fameux Rick Rivera, hein ? Musicien accompli, briseur de cœurs professionnel et connard à temps complet...
Ce jour-là, cependant, je ne retins que le dernier point. À la grande déception de Corine, on était arrivée au moment où Rick faisait une crise de colère. Les gardes du corps à la con avaient laissé une petite salope — pour répéter après lui — rentrer dans sa loge SANS SA PERMISSION. Ce dernier détail étant celui qui semblait particulièrement l'enrager.
Dire qu'il était furax ce soir-là était un euphémisme, et il n'en avait rien à faire que la fille pleurait. La pauvre avait tellement mal, je pouvais presque sentir son humiliation de là où j'observais la scène dans le couloir. Et les gardes du corps n'arrangèrent rien en la traînant au-dehors pour satisfaire les désirs de sa majesté.
OK, tu ne veux pas d'elle, mais il y a une façon de faire !
Ça m'avait tellement révoltée !
Cependant, je savais que je ne pouvais rien. Je n'étais personne. L'odieux personnage n'avait même pas prêté attention à moi et c'était tant mieux. Mon parcours de semi-rriver était sensé prendre fin ce soir-là, car j'avais décidé de ne plus écouter une seule de ces chansons. Il m'avait vraiment dégoûtée.
Alors vous imaginez mon épouvante lorsque quelques jours plus tard, j'embrassais ce mec par accident ? J'avais tellement eu peur qu'il m'humilie à mon tour, puisque je l'avais touché SANS SA PERMISSION. Alors, je n'avais pas vu de meilleures solutions que de m'enfuir en courant.
Sauf que contrairement à mes prévisions, je ne pus tenir mes résolutions. Je n'avais pas pu l'effacer de ma playlist. Au contraire, j'écoutais sa voix au timbre profond et écorché, jour et nuit. Je ne comprenais pas pourquoi sa réaction avait été différente envers moi. Il avait quand même répondu à mon baiser, alors que je l'avais touché SANS SA PERMISSION.
J'étais devenue tellement accro au personnage, que comme tous ses fans, j'arrivais à banaliser son comportement de connard et à lui trouver des excuses. Le phénomène Rick Rivera avait fait effet sur moi, d'un simple baiser.
Corine s'était tordue de rire de ma mésaventure avec la rockstar. Elle n'avait pas été jalouse que j'aie embrassé son idole. Puisque son esprit était désormais occupé par un bassiste aux yeux verts, avec qui elle avait passé la nuit suite à son échec avec Rick.
Et trois mois plus tard ce connard lui prenait ses jambes et tournait les talons, sans daigner l'appeler même une fois. Oui, Jason McGraal était un enfoiré de première !
— Ça va commencer ! s'excita Corine qui se redressa en prenant appuie sur ses deux mains. Ils vont monter sur scène.

Rock Hard, Love HarderOù les histoires vivent. Découvrez maintenant