⭐73. Remember me

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À peine avais-je débarqué dans le parking du Royals farms Arena que Maryse m'apostropha :
— T'es en retard !
— Je suis surtout présent, rétorquai-je avec condescendance en rejoignant le tourbus d'un pas désinvolte.
— T'aurais pu au moins répondre à ton téléphone, renchérit la manager, à bout de nerfs.
Je passai devant elle et lui tapotai la tête comme on calmerait un petit chiot, sans donner plus d'explications.
J'avais eu du mal à me lever ce matin-là, parce que justement, c'était le moment où je m'étais finalement écroulé, vidé comme l'avait prédit Sara, mais heureux.
Je ne m'étais réveillé que cinq heures plus tard et avec une telle faim qu'il avait fallu que j'engloutisse l'équivalent d'un camion de nourriture avant de pouvoir tenir correctement sur mes jambes. Évidemment, j'avais raté mon vol.
Quant aux appels de Maryse, je n'y avais pas répondu, car je n'avais pas eu envie qu'elle me gâche ma bonne humeur avec ses reproches.
Là, je débarquais quelques minutes avant le concert, et je n'arrivais même pas à me sentir coupable, malgré les regards accusateurs que me jetait mon équipe.
Les musiciens quant à eux devaient être encore dans le bus, car ils n'étaient nulle part en vue.
— Déboudez ! Tonton Ricky est là ! fis-je en me désignant de façon théâtrale. Lara va me faire une beauté pendant que j'échaufferai ma voix, et hop sur scène.
— Il ne changera jamais, s'éleva une voix que je reconnaîtrais entre mille d'un ton aussi nostalgique qu'agacé.
Daphney descendit les marches du bus de tournée et m'adressa un sourire mielleux :
— Salut Rick. Merci d'ignorer mes appels. Contente de te voir.
Je l'évitais depuis le jour où la photo de Shawn et de Sara avait fait le buzz. Je savais qu'elle détestait celle que j'aimais et je n'avais pas eu envie d'entendre un « je te l'avais dit » ou d'autres trucs du genre. Et depuis que moi et Sara, on s'était remis ensemble, je filtrais les appels et messages de la blonde parce que je la connaissais assez pour anticiper le genre de discours qu'elle m'aurait tenu. Et pour être honnête, j'avais d'autres passions dans la vie que de me faire traiter d'idiot.
— Que me vaut l'honneur de cette visite ? m'exprimai-je d'un air benoît qui cachait à peine mon agacement.
Tyson descendit à ce moment-là du bus et la bouscula avec son épaule.
— Je rêve ! s'offusqua Daphney, mais le guitariste avec les écarteurs aux oreilles ne daigna même pas se retourner.
— Désolé majesté ! lança-t-il, sarcastique par-dessus son épaule. Je ne t'avais pas vu.
— Ta bite et maintenant tes yeux, cingla la blonde de ce ton méprisant qui la caractérisait tant. Askip, rien ne fonctionne dans ce petit corps d'ado prépubère.
Ty était très mince, mais il n'avait rien d'un ado prépubère.
Daphney était une peste. Je me rappelais encore des misères qu'elle infligeait à l'école. Elle avait toujours eu une flopée de gens qui la suivaient partout où elle allait ; pas parce qu'ils l'aimaient, mais c'était connu : il valait mieux avoir Daphney Bross comme amie qu'autre chose. Elle savait toujours où appuyer pour que ça fasse mal.
Ty ne ferait jamais le poids face à elle. À la place du guitariste, je chercherais soit à l'éviter le plus possible, soit à arranger les choses. Sinon, les humiliations comme celles-ci ne faisaient que commencer.
Le gringalet s'était statufié, avant de se retourner pour adresser un regard haineux à Daphney qui maintenait sa posture de reine de bal, dans ses vêtements de créateurs, en le toisant comme un petit insecte. La plupart des gens présents se cachaient derrière leurs mains pour rire de la scène. Cependant, Lucas, roi de l'indélicatesse que je n'avais pas remarqué jusque-là dans l'embrasure du tourbus, partit d'un énorme fou rire qui rendit Tyson rouge de honte.
Que l'affirmation de Daphney fût véridique ou pas, je me sentais mal pour Ty qui se tenait immobile, les poings et les mâchoires serrés, bouillonnant de rage. Aucun mec n'aimait qu'on critique ses parties génitales ou ses prouesses sexuelles. De plus, Lucas n'allait jamais lâcher l'affaire, et une tournée, c'était long.
Pour mettre fin à cet échange de regards meurtriers ; j'attrapai Daphney par le bras et l'entraînai derrière le deuxième bus où on ne risquait pas de nous entendre.
— Que viens-tu faire là ?
— Quel accueil ! ironisa-t-elle.
— Daphney ! m'impatientai-je.
— On en parlera après ton concert, c'est sérieux.
Elle ne mentait pas. Je le voyais à son regard. Pour essayer de préserver le peu de bonne humeur qu'il me restait, j'acquiesçai. Peu importait de quoi il s'agissait, je n'avais pas envie de savoir sur le moment. Cependant, au moment de tourner les talons, quelque chose me revint à l'esprit et je l'arrêtai :
— Tu te rappelles d'une Barbara que j'aurais fréquentée à l'école, par hasard ?
Elle se passa une main dans ses cheveux et hocha la tête avec méfiance, comme si elle attendait de voir où je voulais en venir.
— On a connu deux Barbara. De laquelle tu veux parler ?
— Je ne me rappelle d'aucune, c'est ça le problème, admis-je, troublé. Pourtant, Shawn est convaincu...
— Shawn ? souffla-t-elle avec une expression étrange en regardant à gauche et à droite. Tu voulais parler de la Barbara d'Adams ? Tu es en contact avec Shawn ? Tu sais pour ce qui est arrivé à Barbara ?
Elle avait débité tout ça, sans pause, comme si chacune de mes réponses risquerait de lui sauver un organe. Autant dire que je trouvai son comportement vraiment suspect.
— Qu'est-ce qui t'arrive ? Calme-toi ! D'abord, aide-moi à me souvenir de cette fille. Toi, tu te rappelles d'elle et tu sais ce que je lui ai fait. Pas vrai ?
C'était plus une affirmation qu'une question. Son attitude étrange ne pouvait découler que de ça. J'avais peur de sa réponse. Mon cœur s'était mis à battre la chamade et je l'implorai :
— S'il te plaît. Je dois savoir ce qui s'est passé.
— Tu te souviens d'elle, Rick, assura-t-elle d'une voix faiblarde en se passant nerveusement la main dans les cheveux. Tu ne savais juste pas son vrai prénom. On l'appelait Bloom à cause de sa chevelure. Tout le monde l'appelait comme ça.
Bloom !
La rousse ! L'intello ! Je me rappelais de tout désormais. À l'époque, notre principal, un prêtre du nom de Charles, avait attribué à chacun des meilleurs élèves de nos classes, la responsabilité de l'un des cas les plus désespérés.
C'était une sorte de parrainage. Les intellos devaient nous motiver et nous aider dans certaines matières. Et c'était Bloom qui avait été chargée de moi. Mes notes s'étaient grandement améliorées, et même après ce programme, on avait continué à se saluer.
Elle était gentille. Je la respectais. Si je me fiais à mes souvenirs, on n'avait échangé qu'un simple baiser. Et encore, c'était au début de notre amitié. Après, j'avais abandonné l'objectif de la mettre dans mon lit. C'était une fille bien. Elle m'aidait de temps en temps avec un devoir, c'était tout.
Tout le monde appréciait Bloom... Et ce n'était pas du tout parce qu'elle était harcelée qu'elle avait ce surnom. Je crois que c'était en référence à un dessin animé où l'héroïne était rousse aussi. Le pseudo lui allait bien et on l'avait gardé. Peut-être que c'était pour cette raison que je n'avais jamais su son vrai prénom, car comme Daphney l'avait dit, tout le monde l'appelait Bloom.
Oui, à un moment donné, elle avait cessé de venir à l'école, et pour être honnête, je ne m'étais pas posé plus de questions que ça. C'était la vie ! Je n'étais qu'un sale égoïste. Je me rappelais parfaitement de tout ça, tout comme du fait que je n'avais rien fait de mal à cette fille. J'en étais plus que certain.
Shawn avait tout faux !
— Tu devrais aller te préparer, suggéra Daphney en se défilant à petits pas. Tu vas vraiment être en retard.
— Minute ! l'attrapai-je par le bras. Tu es au courant de quelque chose en rapport avec cette fille, certifiai-je en scrutant son regard fuyant. Je ne sais pas pourquoi elle a arrêté de venir à l'école. Toi, si. Je me demande juste pourquoi Shawn est persuadé que je suis coupable de ce qui ait pu lui arriver.
— Lâche-moi, Rick. Tu me fais mal !
Elle mentait. Je serrais à peine son avant-bras.
— Dis-moi dans quelle merde, tu m'as encore foutu, bordel ! m'énervai-je en la secouant.
Daphney était un aimant à problème. Cependant, elle avait toujours été franche avec moi lorsqu'elle déconnait. Qu'est-ce qui avait dû se passer de si grave pour qu'elle n'ose même pas m'en parler ?
— Lâche-moi, merde, se débattit-elle. Fous-moi la paix ! Ton père est mort ! s'écria-t-elle de but en blanc en parvenant à s'extirper de ma poigne. Je suis venue ici pour te le dire.
— Rick, tu te dépêches ! surgit à ce moment-là, Maryse derrière le bus.
L'expression coupable de Daphney dut lui mettre la puce à l'oreille, car elle s'en prit immédiatement à celle-ci de son ton de dictatrice :
— Tu lui as dit !
— Je suis désolée, bafouilla la blonde en reculant à petits pas.
— Oui, tu es désolée, cracha Maryse avec hargne. Je t'avais dit d'attendre la fin du concert pour lui informer.
— Attendez, toutes les deux ! intervins-je en plissant les yeux. Pourquoi vous agissez comme si j'en avais quelque chose à faire ?

Rock Hard, Love HarderOù les histoires vivent. Découvrez maintenant