J'arrivai dans la cuisine, la serviette de bain encore nouée sur la taille, et m'immobilisai en surprenant Marcos en train de crier au téléphone :
— Arrête de m'appeler ! Je ne te dois plus rien. Fiche-moi la paix, merde !
Ensuite, dans un mouvement rageur, il envoya l'appareil valdinguer à l'autre bout de la pièce, comme s'il s'agissait d'un vulgaire caillou. D'ailleurs, celui-ci toucha un vase, qui tomba et se brisa en libérant les fleurs avec l'eau qu'il contenait.
— Merde ! pesta mon hôte en constatant les dégâts.
Personnellement, j'étais tellement abasourdi après la scène à laquelle je venais d'assister que je demeurai interdit, incapable de bouger pendant plus de trente secondes. J'oubliai même la raison pour laquelle j'étais venu le trouver.
Je n'avais jamais vu Marcos se mettre en colère de la sorte. Il fulminait tellement qu'il prit plus d'une minute avant de remarquer ma présence.
— Ce n'était rien ! s'empressa-t-il de me rassurer avec un sourire qui n'atteignit même pas ses yeux. Je me... je... je prépare le petit déjeu...
— Arrête ! coupai-je froidement. Maintenant, dis-moi ce qui se passe, et je t'interdis de répéter que ce n'est rien de grave.
Il baissa la tête, expira longuement par la bouche, déposa ses paumes sur le plan de travail derrière lui et soupira :
— Problème familial.
— Je croyais qu'ils ne te parlaient plus ? répliquai-je, dubitatif.
Marcos était d'origine antillaise. Il m'avait raconté que sa famille refusait d'avoir le moindre rapport avec lui depuis son coming out à sa majorité. Par contre, il ne m'avait aucunement informé d'une quelconque reprise de contact avec les siens dernièrement. Pour une raison que j'ignorais, je n'étais franchement pas convaincu par sa réponse.
— C'est un cousin avec qui j'ai gardé contact, affirma-t-il en croisant les bras sur son torse. Il a des problèmes de dépendance et me harcèle pour que je lui donne de l'argent.
— Hum ! Pourquoi je sens que ce n'est pas tout ?
— C'est tout, assura-t-il sereinement en plantant son regard sombre dans le mien.
Il mentait. Je ne savais pas pourquoi j'en étais certain, mais il ne disait pas la vérité. Le pire était que je ne me sentais pas le droit d'insister, vu que moi-même, je lui avais tellement menti.
— Je rentre chez moi, annonçai-je en me rappelant enfin de ce que j'étais venu lui dire.
Après ma longue séance de cent pas et de tirage de cheveux dans la chambre après le texto de Sara, j'avais finalement tranché : je ne pouvais pas résister plus longtemps. J'avais envie de la voir. Je savais qu'elle serait froide ; j'avais avec moi quelqu'un prêt à m'offrir toute la chaleur dont il disposait, mais c'était plus fort que moi. Il fallait que je rentre.
— Mais je cuisine ! protesta Marcos en fronçant les sourcils. On pourrait partir ensemble...
— Non, je rentre maintenant.
— OK, conclut-il froidement. Au revoir.
Il traversa ensuite la maison à grands pas vifs jusqu'à la porte d'entrée. Il ouvrit hargneusement celle-ci, puis la referma tellement fort que toute la structure en vitre de la bâtisse trembla.
Deux crises de colère en moins d'une journée ! À la base, une bonne baise, c'était censé détendre, non ?
L'esprit troublé, je rentrai m'habiller dans la chambre avant de le rejoindre dans la cour. Il était appuyé contre le tronc d'un arbre, le front posé sur son avant-bras et tapotant du pied comme pour évacuer un trop plein d'énergie. Je m'approchai de lui, enfonçai mes mains dans mes poches et dis prudemment :
— J'ai besoin de mes lunettes. J'avais pas apporté mes lentilles. Là, je ne vois pas trop bien et ça me gêne.
Il ne répondit pas et je me dandinai sur place, mal à l'aise.
— Tu veux parler de ce qui ne va pas ? hasardai-je au bout de quelques secondes de silence.
— Ça va ! Tout va toujours bien pour moi, cracha-t-il en pivotant enfin pour me faire face. Je suis le mec calme, j'encaisse, je ne dis rien. Tout va bien, merde !
D'accord...
— Je ne sais pas quoi te dire, admis-je, décontenancé.
— Fais pas comme si tu dis grand-chose d'habitude. Tout tourne toujours autour de toi. Je ne sais même pas pourquoi je t'aime. J'en ai vraiment marre.
Je détestais les embrouilles. Je préférais mille fois les bastons ; là au moins je savais quoi faire : frapper, éviter, frapper de toutes mes forces... Mais dans une dispute, il y avait tellement de possibilités, chacune plus piégée que les autres, que j'étais toujours paumé quand il s'agissait de réagir. Que faire : crier ? S'excuser ? Fuir ? Blesser l'autre ? L'insulter ? Rester silencieux ? Comment choisir ? Et encore, comment choisir correctement ?
— Tu veux que je m'en aille ? bredouillai-je maladroitement.
Il s'écroula dos contre l'arbre et déposa sa tête sur ses bras croisés au-dessus de ses genoux.
— Ne fais pas genre que ce que je veux compte pour toi. Va-t'en.
Je n'étais vraiment pas bien. J'avais envie de l'écouter et décamper dans la seconde, mais en même temps, je ne l'avais jamais vu dans un tel état. Était-ce à cause de cet appel, ou parce que j'avais décidé de partir ? Soupçonnait-il que je rentrais pour Sara ?
Eh merde ! Qu'est-ce que j'avais fait ? Peut-être que ç'aurait été préférable que je mette une fin à tout cela dès le début. Mais bon, il était inutile de se mentir ; je savais déjà que ça ne pourrait pas bien se terminer. J'étais juste trop profiteur pour le quitter. Jusque-là, notre relation avait été tellement confortable : pas de prise de tête, pas d'embrouilles, juste des bons moments... Je ne me voyais pas laisser tout ça.
Et maintenant que ça se compliquait, c'était la culpabilité qui m'empêchait de le faire. Il m'avait tellement donné ; je ne pouvais pas le quitter comme ça. Je ne pouvais pas l'abandonner dans cet état...
Je me laissai donc tomber à ses côtés et le pris dans mes bras.
— Je reste.
Ce fut comme si un barrage en lui avait cédé à ce moment-là ; il se laissa aller et pleura. C'était le genre de pleurs qui survenaient uniquement lorsqu'on avait trop retenu ses larmes. Le genre de pleurs qui s'accompagnaient de grands hoquets ; où on avait du mal à reprendre son souffle... Le genre de pleurs qui venaient des tripes, du plus profond de l'être.
Je le serrai fort et le laissai faire. Il avait raison, tout tournait toujours autour de moi. C'était la première fois depuis notre rencontre que je me retrouvais dans le rôle de celui qui consolait. Pour être honnête, j'étais heureux de pouvoir lui rendre ça.
Je l'étreignis donc jusqu'à ce que ses sanglots s'espacent largement avant de disparaître totalement.
— Merci d'être resté, souffla-t-il d'une petite voix, comme embarrassé, lorsqu'il se fut calmé.
— Tu l'aurais aussi fait pour moi, répondis-je tout simplement.
On resta là, enlacés, à écouter le bruit des vagues et le bruissement des feuilles dans un silence parfait... Enfin jusqu'à ce que le gargouillement de mon ventre vide vienne le troubler.
— Merde, c'est sûr le bacon a grillé, se souvint-il avec un petit rire. Rentrons !
Il se leva et m'offrit sa main pour m'aider à me remettre debout. Cependant, lorsque je fus sur mes jambes, je ne pus m'empêcher d'imaginer que Sara, elle, aurait fait une blague, comme me laisser tomber à la dernière minute pour me provoquer. Comme quoi tout me faisait penser à elle.
On rentra et Marcos prépara le petit-déjeuner pendant que moi, je le regardais distraitement faire, assis sur l'un des tabourets devant l'îlot central. Il parlait avec bonne humeur, et je me sentis un petit peu coupable, car je ne l'écoutais que d'une oreille.
Mon esprit était ailleurs, et il n'était pas bien difficile de deviner où il se trouvait, avec ma main qui tapotait d'un geste nerveux mon téléphone dans ma poche.
— C'est ma mère ! l'entendis-je s'exprimer de façon nostalgique.
— Ah ! fis-je, hagard en réalisant qu'on m'avait pris en flagrant délit d'inattention.
On parle de sa mère ?
— Tu m'avais demandé d'où me venait cette obsession pour l'ordre. Ma mère est comme ça aussi, répéta-t-il en remuant quelque chose sur le feu. Elle me hurlait dessus quand quelque chose n'était pas à sa place. Du coup, j'avais toujours peur de me faire gronder et veillais à ce que tout soit impec. Et voilà, je suis comme ça, termina-t-elle avec un haussement d'épaules.
— Ah ! répétai-je, oubliant que quelques secondes plus tôt, j'avais dit la même chose.
Son froncement de sourcils perplexe exprimait clairement qu'il attendait plus de réactions, alors je m'empressai d'ajouter :
— Elle ne te manque pas ?
— Elle ne veut pas me voir, répondit-il, atone, en détournant le regard. Je m'y suis fait.
— Ah d'accord.
Je ne voyais pas trop quoi ajouter. De plus, mon esprit était totalement occupé par les yeux verts que j'avais lutté pour chasser ce matin. Il m'avait fallu un effort considérable pour les reléguer dans un coin de ma tête en couchant avec Marcos. Et désormais, c'était comme s'ils avaient décidé de reprendre leurs droits en envahissant chaque recoin de mon esprit.
— C'est prêt ! annonça Marcos avec bonne humeur.
On s'installa pour manger et le souvenir de mon comportement de la veille me revint à l'esprit.
— En fait, je suis désolé d'avoir foutu le bordel, hier.
— T'es un idiot. C'est plus fort que toi, rétorqua-t-il d'un ton mystérieux.
Je lui jetai un regard pour vérifier s'il était encore en colère à ce propos, mais son visage demeurait totalement impénétrable. Après un haussement d'épaules impuissant, je me concentrai de nouveau sur mon assiette et engloutis rapidement les omelettes, les toasts et les galettes de pomme de terre qu'il avait préparés.
Lorsqu'on termina tous les deux, je l'aidai à faire la vaisselle. Et finalement, vers les onze heures et quart, on décida de partir.
— Attends, je vais chercher tes lunettes, dit-il en me laissant seul dans le séjour.
— Merci.
Je me promenai dans la pièce et fus assez surpris de constater qu'il n'ait pas encore ramassé les débris de vase par terre. Même son téléphone était toujours parmi le tas. Intrigué, je me baissai pour récupérer l'appareil qui clignotait malgré sa vitre brisée. J'y découvris plusieurs notifications, la majorité provenant de ce mystérieux Jhon. Malheureusement, il ne me fut pas permis d'en voir plus, car Marcos avait surgi de nulle part pour m'arracher son portable des mains.
— Attends-moi au-dehors ! Je nettoie ça et j'arrive, formula-t-il d'un ton dont la douceur contrastait largement avec sa précédente réaction.
Il m'aurait agité le téléphone sous le nez que ça n'aurait pas autant éveillé ma curiosité. C'était décidé. J'allais découvrir qui était ce Jhon.
On partit ensemble, mais je continuai seul, car en cours de route, il prit un taxi pour le conduire à l'aéroport. À peine avait-il refermé la portière et dit au revoir, j'avais foncé comme une fusée en direction de la maison. Il avait encore oublié de me rendre mes verres, mais c'était le dernier de mes soucis.
J'avais sûrement l'air d'un idiot à courir comme ça depuis le garage en arrivant chez moi, mais je n'avais que faire. J'ouvris rapidement la porte d'entrée et pénétrai dans la maison à la même allure effrénée. Sauf qu'en bifurquant vers le salon, je rentrai dans Sara, qui elle, se rendait dans le vestibule, visiblement sur le point de sortir.
Ses talons ne supportèrent pas l'impact et elle tomba sur le dos en m'entraînant avec elle dans sa chute. On toucha le sol sans subir de dégâts, car j'avais heureusement eu le réflexe de passer un bras derrière son dos et de me recevoir sur l'autre afin de ne pas l'écraser de mon poids.
— Et c'est comme ça, Mesdames et Messieurs, qu'il me tomba dessus, fit-elle, sarcastique. Maintenant, peux-tu te décaler s'il te plaît ?
Je roulai sur le côté et elle se leva un peu chancelante en tirant sur sa robe crayon bleu marine. Elle semblait apprêtée pour une... réunion d'affaires ? Un dîner chic ? Je ne pouvais pas en être certain, mais je la voyais mal s'habiller comme ça pour aller autre part.
Elle portait une robe de style vintage avec une découpe gracieuse au niveau du dos et un adorable nœud dans le creux des reins. Elle avait discipliné ses boucles brunes en un chignon classique, et de discrètes boucles d'oreilles de la même couleur nude que ses escarpins sublimaient son visage paré d'un maquillage léger. Ce nouveau look lui conférait un air plus âgé, plus femme...
M'ignorant totalement, elle s'était inclinée vers l'avant afin d'épousseter le bas de sa robe. Cependant, sans qu'aucun d'entre nous s'y attendît, le tissu craqua sous la fermeture éclair. Sara resta figée quelques secondes, sous le choc. L'estafilade, elle, ne perdit pas de temps et s'agrandit en un clin d'œil, partant de sa petite culotte jusqu'à la fente d'aisance derrière ses mollets.
— T'es sérieux, Dieu ? pesta-t-elle entre ses dents tout en courant se réfugier, dos contre le mur.
— Moi, je dirais plutôt que le message du Tout puissant est clair, rigolai-je depuis le sol en me croisant les mains derrière la tête. Déshabille-toi et jette-toi sur moi.
— Je préférerais sortir à poils, grommela-t-elle en m'adressant un regard torve.
— Où, quand, à quelle heure ? m'écriai-je avec un sourire goguenard.
Elle se croisa le bras sur la poitrine et me toisa :
— Tu vas rester par terre à faire le con pendant combien de temps ?
J'effectuai un saut carpé et lui souris d'un air triomphant en atterrissant sur mes jambes. Sauf qu'elle leva les yeux au ciel, nullement impressionnée et reprit dédaigneusement :
— Ça ne veut pas dire que t'es pas con debout.
Aussi étrange que cela puisse paraître, sa réplique me fit marrer. Oui, elle me traitait avec animosité, mais je n'arrivais pas à me fâcher. Je me doutais bien qu'elle devait me détester, mais nos échanges de piques m'avaient vraiment manqué... Même si là, c'était elle qui gardait la main.
— Bien ! Je vois que ça a été à l'école des punchlines, fis-je, taquin, en mimant des applaudissements.
— Va-t'en Rick ! somma-t-elle, excédée, comme si elle était à bout de patience.
— Je suis chez moi, fis-je remarquer en me croisant les bras sur le torse.
— J'ai besoin de passer.
— Passe !
— Tu vas voir mon cul, protesta-t-elle.
Amusé, j'arquai un sourcil et souris :
— Pourquoi pas ?
— Va-t'en, s'il te plaît, Rick ! répéta-t-elle d'un ton tout aussi implorant qu'irrité.
— Non, tranchai-je.
Je n'allais quand même pas la laisser partir ! Je m'amusais tellement.
— Bien ! conclut-elle sèchement.
Elle s'installa sur le marbre froid, allongea ses pieds et ferma les yeux lorsque le craquement de sa robe s'intensifia.
— Je me lèverai quand tu partiras, décréta-t-elle, les mains jointes sur ses cuisses, l'expression sereine.
Je m'assis à mon tour, dos contre le mur d'en face et vis sa mâchoire tressauter d'agacement.
— Ce genre de gaminerie ne m'a pas du tout manqué, grogna-t-elle.
— Et tu étais où ? m'informai-je.
— Ça rentre aussi dans la liste des choses que tu n'as pas le droit de me demander, rétorqua-t-elle, acide.
— Et ils sont encore combien ? m'enquis-je, piqué dans ma curiosité.
— Je t'ai fait un contrat que tu devras signer, m'annonça-t-elle. Il se trouve sur le plan de travail avec un stylo.
— Et si je refuse ? la narguai-je.
— Tu verras les conséquences aussi quand tu liras le contrat.
— Ah, fut tout ce que je trouvai à dire.
Je m'attendais presque à quelque chose du genre. Elle en avait le droit après tout. Si c'était sa façon de se protéger de moi, je ne pouvais pas l'en blâmer.
— J'ai reçu l'agenda que tu m'as envoyé, reprit-elle au bout d'un moment. Je dois donc t'accompagner à un vernissage mercredi prochain. Puis, il y a séance photo et racontage de mensonges pour le magazine GQ jeudi... C'est bien ça ?
Je l'ai perdue, fut là ma première pensée lorsqu'elle termina de parler. Non pas qu'elle m'ait vraiment appartenu. Je venais juste de réaliser que j'avais foiré mes dernières chances avec elle. Tout en elle exprimait une indifférence et une froideur qui m'atteignit au plus profond de mon être. Elle avait fait un trait sur moi et je n'arrivais même pas à lui en vouloir.
— Dis donc, quelle fougue ! enchaîna-t-elle sans me laisser le temps de répondre à sa précédente question.
— Quoi ? m'intriguai-je en fronçant les sourcils.
— Les marques de dents et les suçons sur ton cou... Ça devait être une baise très intense.
Je détournai le regard et crispai les mâchoires. Comment avais-je pu oublier ce détail ? J'avais envie de me gifler. Je me détestais. Je me sentais sale, souillé. J'avais honte, et aurais vraiment tout donné pour pouvoir disparaître. Pourquoi n'avais-je pas caché ses maudites marques ? Je ne me sentais pas bien.
De plus, sa froideur m'avait blessé plus que je ne l'aurais souhaité. Pourquoi elle disait ça avec un tel détachement ? Je ne m'attendais pas à des pleurs, mais le niveau hallucinant de son flegme me tuait. Elle avait donc vraiment pris sa décision et j'allais devoir m'y faire.
Je me levai par terre. Je n'avais plus envie de rigoler. Elle pourrait se rendre dans sa chambre en paix ; personne ne regarderait son cul. Je tournai les talons, mais avant que je n'aille trop loin elle m'interrompit en s'exprimant d'une voix que j'aurais presque pu qualifier d'implorante :
— Fais tes conneries, Rick. Mais juste... évite-moi les humiliations dans le genre... d'Alexie, OK ?
Presque involontairement, mes mâchoires se contractèrent d'irritation. À chaque fois que les gens voulaient me rappeler que j'étais un connard, ils me sortaient cette histoire. Pourtant, ils étaient tellement loin de la vérité ! Je n'irais pas jusqu'à dire que j'avais été un saint dans cette affaire, mais j'étais loin d'être le monstre sans cœur qu'ils dépeignaient.
Alexie était mon amie. J'étais en tournée à Londres lorsqu'on s'était rencontré et le courant était vite passé entre elle et moi. Elle me plaisait, mais je n'avais jamais eu comme projet de la mettre dans mon lit, et je ne l'avais jamais fait d'ailleurs.
L'actrice souffrait souvent de crise de nerfs et de troubles bipolaires. Cependant, sans pouvoir me l'expliquer, je m'étais vraiment pris d'affection pour elle. À la suite de sa rupture avec son petit copain de l'époque, voyant son désespoir, j'acceptai donc rapidement lorsqu'elle me demanda de jouer le rôle de son nouveau petit ami, afin de rendre son ex jaloux.
Ce fut comme ça que le couple Ralexie prit naissance. On vivait un amour parfait aux yeux du monde entier. On était sur toutes les pages de relationship goal. Ses crises avaient momentanément cessé. Notre comédie semblait vraiment la rendre heureuse.
Personnellement, j'avais pensé que notre pseudo-relation serait juste l'affaire d'un mois ou deux, mais Alexie finit par prendre cette histoire trop au sérieux.
Elle était devenue collante à un point impossible. À peine descendais-je de scène qu'elle était là pour empêcher à d'autres filles de m'approcher. Elle alla même jusqu'à refuser plusieurs rôles à la télé, juste pour poursuivre la tournée avec moi.
Au bout d'un moment, j'en eus marre de cette mascarade. Mais comme avec Marcos, je n'avais pas eu la force de mettre fin à la relation pour ne pas la blesser.
Puis arriva le jour de son anniversaire ; elle avait donné une super réception et invité tout un tas de célébrités pour l'occasion. J'en eus rapidement assez d'être exhibé comme un vulgaire trophée. Dépité, je m'étais réfugié dans les toilettes afin de fumer un joint. Sauf que quelques minutes plus tard, la sœur de ma pseudo-copine entra dans la pièce et verrouilla la porte sous mon regard perplexe.
— Je ne t'aime pas, avait-elle voulu clarifier d'emblée. J'en ai juste marre de voir ma sœur obtenir tout ce qu'elle veut. Je ne comprends même pas ce qu'elle ou toutes ces idiotes te trouvent. Mais heureusement que t'es un connard, au moins ça va me servir.
Sur le coup, je n'avais pas compris ce qu'elle voulait dire. Ce ne fut que lorsqu'elle défit ses cheveux, chiffonna ses vêtements et m'embrassa à pleine bouche que je captai enfin : elle voulait faire croire à Alexie qu'il s'était passé quelque chose entre nous.
Elle était sortie la première, et lorsque j'avais émergé à mon tour des toilettes, tous les yeux étaient braqués sur moi, en particulier ceux d'Alexie qui étaient déjà humides et tristes. J'aurais pu nier et dire qu'il ne s'était rien passé ; que sa sœur était juste une connasse envieuse, mais ce soir-là, je partis sans un regard en arrière.
Je voulais me débarrasser d'elle et j'avais sauté sur l'occasion, sans me soucier des conséquences.
Le lendemain, l'histoire était sur tous les tabloïds. Times m'avait élu connard de l'année. Cosmo avait déclaré que j'étais le mec à éviter et ainsi de suite... Tout le monde avait quelque chose à dire sur le sujet. Cependant, de mon côté, c'était silence radio.
Qu'avais-je à défendre après tout ? Mon honneur ? J'étais déjà connu comme un enfoiré, donc ceci n'affecta en rien mon quotidien. Au contraire, ça n'avait fait qu'attirer les filles qui s'étaient lancées dans une sorte de défi, consistant à garder l'un des plus grands connards et briseurs de cœur de l'univers le plus longtemps possible... Elles avaient bien sûr perdu leur temps ; je n'étais plus jamais sorti avec quiconque après cet épisode.
J'avais longtemps été rongé par la culpabilité, car cette période avait été horrible pour Alexie. Au fond, je savais qu'elle se doutait que je ne l'avais pas fait. Elle voulait juste que je m'explique devant tout le monde, à cause de tous ses yeux qui la regardaient. Cependant, je ne m'en étais pas senti l'envie, ni le courage...
Personne n'avait pris la peine de me demander ma version à moi, et ça m'arrangeait. De toute façon, j'étais certain que personne ne me croirait pas si je lui disais la vérité. Pas même Sara...
— Je veux te l'entendre dire, insista celle-ci, avec pour la première fois depuis le début de notre conversation, un soupçon d'intérêt dans la voix. Jusqu'à la fin de notre contrat, je ne veux pas que les gens sachent que je suis juste ton paillasson.
Je lui tournais toujours le dos, donc elle ne pouvait pas voir que j'avais fermé les yeux après sa dernière phrase qui m'avait fait plus de mal que prévu.
— Tu n'es pas mon...
— Je ne veux rien entendre, coupa-t-elle en criant presque. Je veux seulement que tu me promettes que tu garderas tes acrobaties secrètes le temps que dure notre mariage. Je m'en fous de toi. Je m'en fous de tes relations. Je ne veux juste pas que ma maman voie ça.
— D'accord ! prononçai-je dans un souffle.
— Merci...
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Rock Hard, Love Harder
General FictionRick Rivera est une superstar du rock adulée de toutes. Mais le ténébreux chanteur cache un lourd secret... *** Pour protéger sa célébrité et son homosexualité, Rick accepte de conclure un faux contrat avec Sara suite à un concours de circonstances...