🌟45. Pour toi

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TW : violence, sang

Sara s'était figée, l'expression aussi troublée qu'abasourdie. Lucas dont je ne pouvais toujours pas voir le visage, lui toucha le bras comme pour la rassurer, mais elle recula en bredouillant quelque chose, avant de disparaître en se fondant dans la foule. Tant mieux ! Elle n'aurait pas à assister à la mise à mort.
Je grognai plus que je n'adressai vraiment une excuse à Jason, avant de dévaler les escaliers comme quelqu'un qui avait la mort aux trousses. Je bousculais des gens sur mon passage ; l'image de Lucas crachant le sang gravitant mon esprit. Je traversais la marrée humaine, insensible aux contacts, ouvrant et fermant frénétiquement les mains, prêt à en découdre.
À cause du mouvement sporadique des rayons et de la musique assourdissante, ce n'était pas très évident de trouver quelqu'un dans cette cohue, mais persévérant, je continuais de chercher. Mon cœur battait la chamade, anticipant la satisfaction d'entrer mon poing en contact avec le nez de ce traître. Mais où était-il, bon sang ?
Je devais avoir l'air d'un taré, à tourner en rond comme ça, capuche sur la tête, fulminant de rage, au milieu de tous ces gens qui ne cherchaient qu'à s'amuser, mais je m'en foutais. Les narines frémissantes, les poings fermés à cause de ma frustration qui grandissait à chaque seconde, je cherchais le connard aux yeux constamment cerclés de noir qui avait osé embrasser ma femme.
Je voulais Lucas, je voulais redessiner sa gueule à coup de poing pour l'avoir déposée sur celle de Sara. En arpentant la pièce comme un malade, je finis par atterrir près du bar et je m'immobilisai quand je la vis. Assise devant son verre, accoudée au comptoir, elle avait la tête entre les mains, l'expression absorbée. Songeait-elle à ce baiser ? Ou alors au fait qu'elle avait aimé ?
Cette pensée provoqua une douleur sourde dans ma cage thoracique et j'avançai dans sa direction. Qu'est-ce que j'allais lui dire ou faire ? Je n'en avais aucune idée, mais je mourais d'envie de la secouer et de gueuler qu'elle m'appartenait ; qu'elle aurait dû m'obéir.
Les gens autour de moi dansaient sur les rythmiques puissantes de Natural d'Imagine Dragon, et je dus jouer des coudes un moment pour parvenir jusqu'à elle. J'avais le cœur qui cognait tellement fort, comme si ce dernier voulait remplacer la grosse caisse de Dan Reynolds dans la chanson.
J'étais presque arrivé à la hauteur de Sara lorsque je remarquai les deux types louches à côté d'elle. Je précise qu'ils n'avaient pas des apparences cheloues, d'ailleurs celles-ci étaient assez banales : l'un était Asiatique au crâne rasé, et l'autre blond au visage quelconque. Mais ce qui avait attiré mon attention, c'était le regard entendu qu'ils s'étaient échangé après avoir détaillé Sara. Dès lors, j'avais su que leurs intentions ne pouvaient pas être nettes.
Comme pour me donner raison, ils passèrent rapidement à l'action. L'Asiatique fit tomber exprès le petit sac en bandoulière que Sara avait déposé sur le comptoir, puis il partit sans s'excuser. Tandis que celle-ci se baissait en grommelant pour récupérer son affaire, le blond en profita pour vider quelque chose dans son verre.
C'est ton jour de chance Lucas ; ton voyage en enfer vient d'être reporté. Par contre, j'ai trouvé quelqu'un d'autre qui va y aller à ta place.
Une rage pure s'empara de moi tandis que je serrais les poings et fonçais sur le type. À ma grande déception, son copain n'était plus nulle part en vue. Tant pis ! J'allais lui faire sa fête à lui seul alors.
Je détestais ce type de mec. Vous vous rappelez de l'accord que j'avais passé avec mon père, pour intégrer cette école de droit parce qu'il m'avait empêché d'être condamné, après que j'aie cogné un mec jusqu'à lui ficher un œil ? Avais-je mentionné que c'était parce que ce fils de pute s'en était pris à Daphney ?
Mon amie d'enfance m'avait prié de ne rien dire à personne, pour ne pas qu'on la regarde bizarrement à l'école, mais elle avait vraiment été sur le point de se faire violer.
Tout le monde avait été surpris en apprenant cette histoire. À la base, le mec, Kevin, était un gars jusque-là invisible qui ne cherchait de noises à personne. J'avais respecté la décision de Daphney et fait silence en endossant la réputation de connard. Ceux qui me haïssaient m'avaient encore plus haï et les filles fans de bad boys m'étaient tombées dessus comme des petits fours.
D'après la version officielle, j'avais tapé Kevin, car il m'avait dérangé en plein ébat avec Daphney. La vérité était que j'avais surpris ce connard sur le point abuser d'elle, inconsciente, à une fête. J'étais le mieux placé pour savoir la sensation que provoquait un contact non désiré. Alors imaginer ce que ces types avaient ne serait-ce qu'eu l'intention de faire à Sara me faisait voir rouge.
J'attrapai violemment le blond par les cheveux et écrasai son nez sur le bar. En résulta un craquement sinistre et le type s'écroula en hurlant et se tenant le visage entre les mains. Déjà ? Mais je n'avais même pas commencé.
La musique continuait de pulser autour de nous, couvrant les hurlements d'horreur des rares personnes à avoir remarqué mon geste. Des gens continuaient de danser, tandis que j'attrapais le lâche par le col de sa chemise et le remettais debout. Lorsqu'il se stabilisa sur ses jambes flageolantes, là, je cognai ; pour toutes les filles à qui ils avaient fait ça avant. Je cognai ; pour ne serait-ce qu'avoir posé les yeux sur Sara. La rage avait pris possession de mon corps et je frappais encore et encore. Le blond n'était plus qu'un tas de chiffon entre mes mains, mais je ne pouvais plus m'arrêter.
Le souvenir de Daphney, comateuse, vulnérable, nue, sur ce lit m'était revenu. Rien que d'imaginer Sara à la place, j'avais envie de vomir, et la violence de mes coups redoubla.
— Arrête putain ! Arrête ! me parvint la voix paniquée de celle qui occupait mes pensées comme à travers un brouillard. Quelqu'un appelle la police ! Il va le tuer !
Elle me tapa, m'envoya le contenu de son verre sur le dos, tira fort sur mon sweat jusqu'à ce que ma capuche tombe et que je m'arrête enfin. Le souffle court, je laissai tomber le type dont le visage n'était plus qu'une masse ensanglantée et pivotai pour lui faire face.
— Rick, souffla-t-elle l'expression horrifiée. Mais c'est quoi ton problème ?
Des larmes s'étaient mises à ruisseler sur ses joues et ses yeux hagards se posèrent tour à tour sur moi puis sur le connard qui remuait par terre comme la larve qu'il était.
— Pourquoi t'as fait ça ? sanglota-t-elle.
Ce ne fut qu'à ce moment-là que je remarquai que la musique s'était arrêtée et que tout le monde nous dévisageait dans un silence parfait.
— Tu aurais dû m'écouter et rester à la maison, prononçai-je d'une voix rendue chevrotante par la soudaine descente d'adrénaline.
Sans que je ne puisse les contrôler, des larmes s'échappèrent de mes yeux et inondèrent mon visage. Je pleurais à mon tour devant tous ces gens, mais je m'en foutais. La vision horrible de ce que ces types auraient pu lui faire me hantait. Rien que pour ça, je donnai un coup de pied au blond qui s'était recroquevillé sur le sol.
— Rick ! tempêta Sara.
— Ils ont mis de la drogue dans ton verre, hurlai-je en désignant le connard par terre, avant de poursuivre plus bas dans un souffle erratique : Je... J'aurais pas pu l'encaisser...
Elle jeta un regard effaré vers son verre vide par terre, puis vers le type à mes pieds, et finalement vers moi, tandis qu'une rivière de larmes sourdait sans relâche de ses yeux scandalisés. Elle savait que je ne mentais pas ; que je n'aurais jamais inventé une telle chose. Elle se couvrit ensuite la bouche de sa main, puis considéra une dernière fois tous ces gens qui nous regardaient, et là, elle s'enfuit en courant.
Je bousculai quelques personnes en sortant précipitamment pour la suivre dans le patio. Elle courait toujours et je lui emboîtai le pas en passant devant les larges bassins réfléchissants où des gens trop défoncés pour nous prêter la moindre attention étaient en train de fumer.
— Sara ! l'apostrophai-je.
— Va-t'en !
Quelques couples installés dans les salons à ciel ouvert nous jetèrent un bref regard avant de se remettre à se bécoter aussi vite qu'ils s'étaient arrêtés.
— Sara ! grognai-je
Elle pivota, mais continua de reculer à côté de l'immense cheminée à l'enseigne lumineuse Boulevard3 au-dessus de l'un des bassins.
— Laisse-moi tranquille !
Elle se remit ensuite à fuir, cette fois sans courir. Malheureusement, elle n'eut vite pas d'autres endroits où aller et se tourna pour me faire face, arrivée au mur du fond.
— Ok, t'as gagné, gueula-t-elle. J'aurais dû t'écouter.
— J'ai gagné ? J'ai gagné ? répétai-je, incrédule en m'approchant encore plus près d'elle. Ce n'était pas un putain de jeu ! Ces gars allaient te faire, je ne sais quoi. Et Lucas t'as embrassé. Lucas t'a embrassé, merde !
— Lucas était bourré, il ne savait pas ce qu'il faisait, assura-t-elle avec véhémence.
— Moi, je peux t'assurer que si. Arrête de déconner, Sara ! Je ne veux pas passer ma vie derrière les barreaux.
— Le jaune t'irait pourtant !
— C'est pas un jeu, criai-je en frappant le mur derrière elle de mes paumes.
— Je sais, brailla-t-elle à son tour. Mais que veux-tu que je te dise ? Je refuse de penser à ce qui aurait pu arriver. OK, je l'avoue ; je n'aurais pas dû venir. Satisfait ? J'aurais dû te faire confiance sur ce coup-là, je suis désolée.
Après cela, on pouvait dire que la session de « Qui crirait le plus fort ? » était ouverte. On se gueula dessus à en perdre le souffle. Qui risquait de nous entendre n'avait plus d'importance sur le moment. L'ambiance était électrique, comme si toute notre frustration avait soudainement décidé de ne plus demeurer dans nos corps.
— Mais tu ne me fais confiance sur rien, nom d'un chien !
— Fais pas comme si tu me donnais pas de putain de bonnes raisons, riposta-t-elle, acide.
— Je fais des efforts, bordel !
— Tu clames que tu m'aimes, et il n'y a même pas une semaine, la langue de quelqu'un était au fond de ta putain de gorge, honnit-elle, dégoûtée.
— Il n'y a même pas vingt minutes, t'étais plaquée contre cet enfoiré de Lucas et sa langue était aussi au fond de la tienne. Pourtant, me voici.
— Je ne m'attendais pas à ce baiser. Je suis désolée, merde ! cria-t-elle.
— Je suis désolé aussi, bordel ! hurlai-je sur le même ton.
Et brusquement, on s'arrêta, à bout de souffle, nos visages seulement à quelques centimètres l'un de l'autre ; toute cette tension colérique cédant la place à une autre de toute autre nature. Puis d'un coup, elle haussa sur ses jambes et captura abruptement mes lèvres entre les siennes.
Je répondis quelques secondes à son baiser enflammé puis la repoussai un peu brutalement en repensant à la bouche de Lucas sur la sienne. Cependant, quelques instants plus tard, ça n'eut pas d'importance lorsque mes yeux croisèrent ses émeraudes où brillait une intensité bestiale. Sa bouche était entrouverte et son souffle erratique suite à notre précédent baiser. Putain, qu'est-ce qu'elle était appétissante !
Je la plaquai contre le mur, déposai possessivement ma main sur sa nuque et l'embrassai à pleine bouche. Elle soupira comme soulagée et enfouit ses doigts dans mes cheveux qu'elle tira en arrière. Je grognai de plaisir et la collai encore plus contre moi.
Le baiser qu'on échangea fut violent, vorace, possessif : nos langues s'entrelaçaient, nos dents s'entrechoquaient, nos mouvements étaient désordonnés, passionnés... C'était comme si elle voulait me faire sien et que je voulais effacer toute trace d'autres sur elle. Comme si on voulait se marquer l'un l'autre.
Je l'embrassais et la caressais de toute mon âme. Elle m'avait tellement manqué. Jamais un baiser ne m'avait auparavant procuré autant de sensations : j'étais soulagé, comblé, en manque... le tout en même temps. Parcourant son magnifique corps de mes mains avides à travers ses vêtements, je délaissai ses lèvres, embrassai goulûment son menton, la courbe de sa mâchoire, son cou, son oreille...
— Tu vas me laisser une chance ? m'enquis-je le souffle court.
— Non, haleta-t-elle.
Puis de nouveau, elle s'empara de mes lèvres avec fougue. Sa réponse contrastait totalement avec son comportement, mais ça n'avait pas d'importance. Seuls comptaient son goût sucré, ses petits gémissements qui disjonctaient mes nerfs ; ses doigts qui tiraient sur mes cheveux et attisaient mon désir.
— Je t'aime, articulai-je d'une voix hachée entre deux baisers.
— Tais-toi ! geignit-elle avant de recouvrir ma bouche de la sienne.
— Je t'aime, Sara, désobéis-je.
Elle me mordit la lèvre inférieure comme pour m'intimer de faire silence, mais ça ne fit que m'exciter. Je déposai mes bras de part et d'autre de son visage sur le mur et embrassai son oreille et lui soufflant d'une voix rauque :
— Je t'aime.
Je descendis sur son cou et poursuivis :
— Tu me rends dingue.
Je fis courir ma langue sur la peau sensible sur sa jugulaire recouverte d'un léger film de sueur et elle s'étrangla d'une petite voix en s'agrippant à mon sweat :
- Rick !
J'embrassai brièvement sa bouche et plongeai mon regard dans ses yeux shootés de désir.
— Je n'arrêterais pas de le dire, jusqu'à ce que tu me crois.
— Rick, répéta-t-elle comme une prière.
Je lui empoignai les fesses et embrassai énergiquement son cou au point de lui laisser un suçon. Elle gigota en enfonçant ses doigts dans mon dos et je revins à son visage.
— Vas-tu laisser ma chance ? Je ne suis pas qu'un connard, tu verras. Je t'aime tellement, Sara.
Une silhouette dans notre champ de vision nous empêcha de poursuivre et on se tourna de concert vers notre voyeur qui n'était autre que Jason. Sérieusement, maintenant ?
De plus, le bassiste ne donnait pas du tout l'impression de vouloir partir. Il se tenait immobile et nous dévisageait avec hostilité. C'était quoi son problème en fin de compte ? J'étais vraiment en colère qu'il ait brisé la magie de ce moment. Tout était tellement parfait !
Des bruits de pas sur notre côté gauche nous firent, moi et Sara pivoter encore une fois pour découvrir le nouvel arrivant qui émergeait d'un petit bosquet tout près.
— Lucas, grognai-je.
Sara me stoppa dans mon élan en me retenant par la manche de mon sweat pour m'empêcher de l'approcher. Le pianiste était figé, déconcerté. Contrairement à Jason, on voyait bien qu'il ne s'attendait pas à nous trouver là. Il donnait l'impression de s'être réfugié ici uniquement pour échapper à la fête... sa fête.
— T'es mort ! fumai-je en contractant les poings au souvenir du baiser.
— Non ! hurla Sara qui s'interposa tout de suite entre nous.
Lucas n'avait pas l'air de vouloir se battre. Au contraire, il n'avait même pas son sourire narquois habituel. Je rêvais où il y avait des traînées humides sur ses joues ? Le khôl sous ses yeux avait coulé, comme s'il avait pleuré.
— Si tu le touches ; dis adieu à cette chance à laquelle tu sembles tant tenir, me menaça Sara en appuyant son index sur mon torse.
— Il t'a embrassé ! criai-je, révolté.
Lucas avait détourné la tête et donnait l'impression qu'il aurait tout donné pour pouvoir disparaître.
— Je t'ai déjà dit qu'il était saoul ! excipa Sara. Pas vrai Lucas ?
Celui-là avait comme avalé sa langue, et il regarda ailleurs d'un air gêné. Il l'avait bien sûr embrassée en connaissance de cause. Je n'avais jamais compris cette obsession qu'il avait pour elle dès que celle-ci était entrée dans ma vie. J'avais pensé que c'était pour me faire chier, mais désormais, j'étais sûr que ce n'était pas tout.
— Lucas, l'interpella Sara. Dis-lui que tu as bu.
Il ne répondit pas, et là, je compris enfin.
— Tu l'aimes ! soufflai-je. Lucas, tu veux ma femme, c'est ça ? gueulai-je en avançant sur lui.
— Stop ! ordonna Sara en m'assenant une bourrade sur le torse. Qu'est-ce que tu racontes, bon sang ? C'est mon ami ! Lucas ne veut pas plus.
— Non, mais t'es aveugle ? m'insurgeai-je en pointant le coupable du doigt.
Je n'avais jamais vu le pianiste pleurer avant. Rares étaient les choses qui pouvaient lui enlever sa bonne humeur. Et bizarrement, le jour même de son anniversaire, voilà des traînées humides sur ses joues, après qu'il ait embrassé Sara et que celle-ci se soit enfuie. Je ne croyais pas aux putains de grosses coïncidences !
S'il avait juste voulu la baiser pour me faire chier, il n'aurait pas été dans cet état après une tentative ratée. Je réalisai enfin que ses blagues dès le départ sur le fait de consoler Sara n'en étaient pas vraiment. Elle l'avait attiré depuis le premier jour, et ce connard était tombé amoureux de ma femme.
Jason était mystérieusement parti d'un rire hystérique à la suite de ma dernière phrase. Mais il avait quoi finalement, lui ? J'avais presque oublié sa présence avec l'arrivée de Lucas. Mais celle-ci ne dura pas longtemps, car tout de suite après, il décampa aussi promptement qu'il était venu.
Lucas de son côté avait profité de ce moment d'inattention pour lui aussi tourner les talons, nous laissant moi et Sara à nous dévisager d'un air troublé.
C'était quoi tout ce bordel finalement ?

Rock Hard, Love HarderOù les histoires vivent. Découvrez maintenant