— Tu es sûr que tu peux conduire, s'inquiéta Monica.
Je ne répondis pas et essuyai la larme de rage et d'impuissance, qui avait roulé sur ma joue en rentrant chercher mes clés.
Bien sûr que je pouvais conduire. C'était illégal dans mon état actuel, même avec l'avis d'un médecin, mais ce n'était pas ça qui allait me stopper. J'étais droitier. J'avais une fracture du poignet gauche et celui-ci commençait lentement mais sûrement à se ressouder. Ce serait mon bras entier qui dirigerait mes doigts sur le volant, pas juste mon poignet invalide. J'aurais pu expliquer ça à Monica — en omettant délibérément la partie illégale — mais je n'en avais ni l'envie, ni l'énergie.
D'ailleurs, je n'allais même pas prendre le temps d'enlever le pantalon de jogging et le tee-shirt blanc humide de transpiration, que je portais. Ce serait la première fois que je sortirais dans une tenue si négligée, mais je n'en avais que faire.
Je récupérai les clés de l'Aston Martin, dans le même tiroir où j'avais rangé mon téléphone. C'était fou, mais je n'avais pas allumé l'appareil depuis que Jason me l'avait remis le lendemain de cette soirée merdique. J'avais eu trop peur d'affronter Sara, et il était demeuré éteint depuis.
Cependant, pour une raison que j'ignorais, je pris le temps de l'allumer à cet instant-là, alors même que Monica m'attendait à l'extérieur. Je n'avais pas plus que quatorze pour cent de batterie. Mais parmi toute la tonne de notifications qui inondait mon écran, un nom attira immédiatement mon attention, et je m'empressai de cliquer dessus.
J'avais une pile de messages de Sara qui dataient tous du vingt-six, à l'exception du premier qu'elle avait envoyé le vingt-cinq, dans la soirée.
« Je sais que tu vas rentrer demain. Je tiens à te prévenir que je ne suis pas à la maison, mais à l'hôpital. Désolée de gâcher ton anniversaire, mais je suis encore tombée dans les pommes » Comment avais-je pu rater ça ? Était-ce après cette visite qu'ils s'étaient rendu compte de sa maladie ?
« J'ai vu la vidéo, Rick. Qu'est-ce que ça veut dire ? »
« Ma mère m'appelle. Que vais-je lui dire ? »
« Réponds à ton téléphone, putain »
« Mais t'es où ? »
« On s'est parlé hier. Tu pouvais pas être si bon comédien. Rappelle-moi ce que j'ai raté ! J'ai dû rater quelque chose, car je pouvais le sentir, tu m'aimais. Ça n'a aucun sens ! Ça ne peut pas être toi sur cette vidéo » Donc, jusque-là, elle m'avait accordé le bénéfice du doute ! Jusque-là, j'avais eu une chance de la convaincre, alors que pendant ce temps, je me repliais sur moi-même en imaginant le pire. Je m'étais conforté à l'idée qu'elle ne voudrait plus de moi, et avais voulu la laisser tranquille. Mais j'étais certain que de son côté, elle avait dû penser que je l'avais juste laissé tomber sans même me battre.
Je me sentais tellement minable !
« T'as recommencé, pas vrai ? T'as recommencé à agir comme un gros con. T'as recommencé avec tes comportements sans aucun sens. Mais si tu voulais me quitter, je crois qu'il y avait des tonnes de façons plus propres de faire ça »
J'avais tout fichu en l'air. Désormais, je mourrais de honte. Je pensais bien faire, mais encore une fois je m'étais planté.
Comment allais-je réussir à la convaincre ? Et comment mes mots allaient pouvoir la dissuader de garder ces... enfants ?
Je n'en avais aucune idée. Par contre, je savais que je ne trouverais pas la réponse en restant planté dans ma chambre. Je me rendis donc d'un pas vif au garage, et fis rapidement démarrer la voiture.
C'était encore l'un de ces moments où avoir un gardien me manquait vraiment. Car passé la barrière, je dus descendre afin d'aller moi-même fermer le portail.
Mais avant que je ne regagne ma bagnole, une berline bleue que je reconnaîtrais entre mille, débarqua à une vitesse folle et pila juste à quelques centimètres de mon pare-chocs.
Cette folle me cherchait, ou quoi ?
Elle descendit de sa voiture de malheur en claquant la portière, comme la drama queen qu'elle était, avant de se planter devant moi, avec son visage désormais orné d'un méchant cocard à l'œil gauche.
J'aurais pu en rire si je n'étais pas fatigué d'avance par la conversation qui menaçait de s'en suivre. Mais bon, ce n'était pas comme si j'étais au meilleur de ma forme, moi non plus.
— Tu n'as rien à faire ici, Daphney ! déclarai d'un ton froid, qui témoignait de tout mon agacement.
Je voulais m'en aller, essayer de récupérer Sara, pas avoir une discussion stérile, sur une chose qui n'aurait jamais dû se produire. Parce que c'était pour ça qu'elle était là, non ?
— On n'a pas couché ensemble, hurla la blonde, en détachant chaque mot avec des gestes exaspérés de la main. Je m'escrime à le répéter à tout le monde, mais personne ne daigne m'écouter. Demande à ton blond-là, Jason, si tu me crois pas. Il a débarqué dans la chambre comme une furie et il t'a ramené à ton hôtel.
Jason ! Mais pourquoi ? J'étais complètement largué et ça devait certainement se peindre sur mon visage, lorsque je répétai comme un hébété :
— On n'a pas...
— Non ! C'est ce que je viens de dire, bon sang ! cria-t-elle. J'étais un peu éméchée... bon OK, j'ai profité de la situation. Mais je ne savais pas que tu étais drogué. Tu t'es mis à t'intéresser à moi, pour la première fois, et... et... Je savais que c'était louche, mais... je. Bref...
Elle laissa retomber ses bras le long de son corps et pinça les lèvres d'un air coupable avant de reprendre plus calmement, l'expression sincère :
— Je regrette. Je m'excuse de ce qui s'était passé, mais ça n'est pas allé plus loin qu'un baiser... et des attouchements... Bref, toi et moi, c'est impossible. J'aurais dû capter plus tôt.
Elle baissa les yeux et se passa une main dans les cheveux d'un geste gêné. Cependant, lorsqu'elle croisa de nouveau mon regard, Daphney la harpie était déjà de retour, car elle s'égosilla de nouveau :
— Maintenant dis à tes fans de me foutre la paix. Je croyais qu'ils détestaient cette pétasse ? On m'insulte, car j'ai brisé Rickara de mes deux. C'est quoi ces cinglés ? En tout cas, j'ai fait le maximum pour tout arranger. Voilà, maintenant, tu sais. Et j'ai cherché à voir ta pute pour lui annoncer moi-même. Je.veux.vivre.tranquillement.ma.vie, s'il te plaît !
Sur ce, elle s'en alla aussi abruptement qu'elle était venue, en faisait criser ses pneus sur l'asphalte.
J'étais encore cloué à la place où elle m'avait laissé ; m'en remettant à peine de ce que j'avais entendu, lorsque Monica, qui jusque-là était demeurée dans sa propre voiture, me rejoignit à ce moment-là et s'enquit :
— Elle voulait quoi ?
— Il ne s'était rien passé à cette soirée. Enfin, rien de plus que ce qui figurait sur cette vidéo, rapportai-je, d'une voix shootée, le regard dans les vagues. Et elle est allée l'expliquer à Sara.
En gros, ça voulait dire que j'aurais pu éviter tout ce temps que j'avais passé à me morfondre ? Que Sara et moi, on aurait pu discuter et tout arranger ? Désormais, ce n'était plus une impression, mais un fait tangible : j'avais abandonné la femme de ma vie, et j'étais le plus gros looser de la terre.
— Elle est allée voir Sara, tu dis ? s'étonna Monica.
Je hochai distraitement la tête, encore perdu dans mes pensées.
Personnellement, j'étais plus que surpris de ce geste. Ce n'était pas rien, venant de la part de Daphney. Bien que la connaissant, elle lui avait sûrement balancé la vérité entre deux phrases méprisantes... mais quand même, altruiste n'était certainement pas le premier mot qui viendrait à l'esprit de quelqu'un pour qualifier mon amie d'enfance.
— Tu penses que c'est Sara qui lui a fichu cet œil au beurre noir ? s'amusa la psy.
— Elle en est pleinement capable, souris-je d'un air nostalgique.
Ô Sara ! Qu'est-ce que je t'ai fait ? Pourvu que ce soit encore réparable.
— Conduis-moi à elle ! implorai-je Monica.
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Rock Hard, Love Harder
Fiksi UmumRick Rivera est une superstar du rock adulée de toutes. Mais le ténébreux chanteur cache un lourd secret... *** Pour protéger sa célébrité et son homosexualité, Rick accepte de conclure un faux contrat avec Sara suite à un concours de circonstances...