Je savais que quitter les studios de la NBC au Rockefeller Center ne serait pas chose facile. J'avais tout d'abord laissé le plateau où j'avais raconté plein de mensonges sur ce qui m'avait poussé à écrire la plupart des chansons de mon album à venir - alors qu'en réalité, je n'en avais écrit qu'une seul. Mais Turner, pour une raison mystérieuse tenait à ce qu'on sache que c'était moi.
J'avais aussi dû feindre un soi-disant lien profond qui m'unissait avec mes musiciens, alors même que j'avais envie d'étrangler Lucas.
Ensuite, comme tout artiste en pleine promotion de son album avec les contacts nécessaires pour passer dans l'émission Today - le show matinal avec le plus d'audience du pays, l'étape suivante, était bien un petit concert en plein air, au Rockfeller plaza pour le Citi concert serie du studio new-yorkais NBC.
Et ce fut là que mon cœur chavira de gratitude. Les rrivers n'arrêteraient donc jamais de me surprendre ! Ils s'étaient déplacés en foule pour mon retour. Je n'avais jamais vu autant de monde dans aucune des émissions précédentes ; non pas que je la regardais souvent. Mais la rue était tellement noire de gens que je ne pouvais même pas en voir le bout.
Je leur avais joué Ghost et Dirty Mind, les chansons que mes fans réclamaient le plus souvent en concert. Mais ce qui m'avait arraché des larmes de reconnaissance, ce fut lorsque j'entamai Heart marks et que presque tout le public s'était mis à chanter avec moi, alors que le morceau n'était sorti que dans la nuit.
J'avais vraiment les meilleurs fans du monde ! Dire qu'ils étaient restés là à surveiller la chanson alors qu'à ce moment-là... Eh bien, je faisais l'amour pour la énième fois à Sara.
Sara ! Rien que penser à elle, ça me comprimait la gorge. La nuit avait été si parfaite et la chute le lendemain... si brutale. Je m'étais réveillé et mon cœur s'était fissuré en trouvant ce mot sur l'oreiller, bien qu'à mon avis, il n'en avait pas le droit.
Ensuite, je ne l'avais trouvée nulle part dans la maison. J'avais eu envie de sortir et de retourner la ville de fond en comble s'il le fallait, afin de la retrouver. Mais pour lui dire quoi ?
Elle avait raison après tout. Je n'étais qu'un enfoiré.
Je m'étais donc levé, avais rejoint mon équipe. Puis j'avais pris ce foutu jet privé, et là, j'étais dans la ville qui ne dormait jamais, de retour à ma vie de strass et paillettes. Non pas que je l'avais entièrement quittée cette dernière année, mais cette effervescence-là, je ne le connaissais qu'en tournée.
Les quelques secondes où on émergea de l'ascenseur au rez-de-chaussée de l'immeuble étaient celles du calme avant la tempête. On allait quitter la GE Building, le siège des studios NBC.
Jason avait déjà enfilé ses lunettes noires. Personne à ma connaissance n'avait autant en horreur les paparazzis que lui. Pourtant, le bassiste était assez connu, car il était très doué. De plus avec sa beauté sauvage, des milliers de personnes venaient aux concerts uniquement pour lui. Mais c'était comme s'il n'en avait rien à faire. C'était à peine si je l'avais déjà vu signer un autographe aux filles qui criaient désespérément son nom.
Sam et Lara se bécotaient non loin et je détournai rapidement les yeux, car ça ne faisait que me rappeler les souvenirs merveilleux de la nuit dernière, lesquels précédaient celui douloureux de ce matin. L'Asiatique aux cheveux blond polaire et la jeune femme aux nombreux piercings agaçaient souvent le reste du groupe avec leurs longs baisers qui ne finissaient jamais, moi le premier.
Ty, fidèle à lui-même, tout de noir vêtu, était impassible comme d'hab avec la housse de Madonna, sa guitare, au milieu du dos.
Le seul qui semblait jubiler par la perspective d'être assailli par les paparazzis était Lucas. Et sincèrement, des fois, je lui enviais sa joie de vivre enfantine.
Je pris une dernière inspiration et là, bam ! Les portes en vitre de l'immeuble s'ouvrirent finalement, et les lumières, les flashs des appareils, les cris nous tombèrent dessus comme un ouragan. Il y avait un tel vacarme qu'on aurait pu croire que tout New York s'était donné rendez-vous au Rockefeller Center.
Une équipe de garde du corps assura notre progression à travers la marée de gens — des filles pour la plupart — qui hurlaient et brandissaient des pancartes « Je t'aime Rivera ! » « Fais-moi l'amour Jason ! » et ainsi de suite...
Je leur décochai l'un de mes plus beaux sourires et leur fis coucou de la main, car c'était tout ce dont j'étais capable. Jamais au grand jamais mon équipe n'accepterait que je m'arrête pour prendre des selfies avec les rrivers sans les mesures de sécurité préventives nécessaires. C'était trop risqué ! Pas avec une foule aussi nombreuse.
Après un long combat contre la marée humaine, les gardes du corps réussirent à nous conduire jusqu'aux 4×4 qui nous attendaient, pas trop loin. La première voiture nous emmena, moi et les musiciens. Les autres se chargèrent de l'équipe technique.
Dire que Turner s'inquiétait pour ma popularité ! Le chauffeur dut s'avancer au pas pendant un bon moment. Tandis que des filles en profitaient pour taper des poings sur les vitres teintées et crier leur amour...
Une fille colla ses seins dénudés sur l'une des fenêtres, et ça eut le mérite d'amener un sourire lubrique sur le visage de Lucas.
— Z'êtes sûr qu'on peut pas rester pour une petite photo ? Ces gens m'ont l'air... généreux.
— Et toi, tout le monde sait comme tu aimes récolter des dons, rétorqua Jason, sarcastique.
Un string rose atterrit sur la pare-brise et Lucas s'écria :
— Parfaitement ta taille, Jason !
Le bassiste répondit par un doigt d'honneur tandis que tout le monde s'était mis à s'esclaffer, même Ty.
Tout le monde sauf moi qui attrapai mon iPod et vissai mes écouteurs sur mes oreilles.
Je lançai l'album Meteora de Linkin Park en laissant mes yeux dériver distraitement sur les rues encombrées de New York.
Les taquineries des copains d'enfance étaient loin de m'amuser. Pas avec tout ce que j'avais en tête. Et comme pour enfoncer le clou, Marcos se mit à cet instant-là à m'appeler. Je laissai le téléphone vibrer et augmentai le volume de la voix envoûtante de Chester Bennigton dans mes oreilles .
Contrairement à beaucoup de musiciens, je n'avais pas été tourné vers la musique depuis tout petit. Donc il y avait certains sons que tout le monde connaissait depuis toujours, alors que moi, je les découvrais à peine.
La musique ne m'avait interessé qu'à seize ans, et à la base c'était juste pour avoir l'attention de mon père. Et puis elle avait pris une trop grande importance dans ma vie, pour que je la laisse tomber pour cette école de droit. Au grand dam de Dant Rivera.
On avait un accord ! Après l'une de mes bagarres qui avait failli coûter un œil à un mec. Il avait dû dépenser pas mal d'argent et faire jouer beaucoup de ses relations pour que je n'aille pas en prison.
Après cela, il m'avait obligé à passer un marché avec lui. Je crois même que ce fut la première fois qu'on avait eu une vraie discussion. Il m'avait déclaré qu'il en avait marre de mes conneries, qu'il fallait que je devienne un homme. Le deal était que je pouvais profiter de ma vie de voyou quelque temps, mais à la fin de ma scolarité, je devais faire l'école de droit qu'il avait choisi.
Bah, j'avais accepté, pour qu... pour qu'il m'aime. Mais je n'avais pas pu tenir ma promesse et ça s'était très mal terminé entre nous.
On arriva au Four Seasons quelques minutes plus tard dans notre suite commune avec ses murs en verre du sol au plafond. Je savais que si je m'approchais de la vitre, j'aurais une vue panoramique exceptionnelle de Manhattan, mais je n'étais vraiment pas d'humeur. J'aurais aussi pu faire attention au mobilier luxueux, si je n'étais pas si préoccupé. La suite possédait cinq chambres à coucher qui s'étendaient en arc de cercle autour de la salle de séjour, de la salle à manger et de la cuisine. C'était l'une des plus belles de l'hôtel.
— Non, rappelle-toi, celle-là, c'est pour Rick. Voici vos clés les garçons, entendis-je Maryse énoncer.
J'enlevai totalement mes écouteurs.
— C'est qui qui voulait ma chambre ?
Ils se braquèrent tous comme si je risquais de les jeter de la tour s'ils répondaient.
— J'allais la lui laisser, m'énervai-je devant leur comportement. Vous faites chier !
— Oh, désolé d'avoir peur de toucher à tes affaires, railla Lucas. C'est vrai que tu n'as pas saccagé une loge à Londres lorsque Ty avait fait le concert avec ta guitare à cause d'un ingénieur du son qui s'était trompé.
— Ça va, c'est oublié, Lucas ! intervint Ty d'un ton las.
— Mais j'étais...
J'étais défoncé.
Ce qui, si je le rappelais, risquerait de m'enfoncer encore plus. Je pris une grande inspiration et terminai avec un ton hautain, puisque c'était ce qu'ils semblaient attendre de moi :
— Et puis merde ! Donne-moi mes clés. Je garde ma chambre.
Il y avait toujours eu ce fossé entre moi et les musiciens. Et mon comportement de ces dernières années n'avait rien fait pour arranger les choses. Ils voyaient en moi la star avant la personne et venant de gens que je côtoyais aussi souvent, c'était très gonflant. Ils pouvaient être cools avec moi, mais toujours avec une certaine mesure, vraiment différent de comment ils étaient entre eux.
J'avais toujours été jaloux de la camaraderie entre Jason et Lucas. Et je n'avais jamais vu des personnes aussi amoureux que Sam et Lara. Je ne passais pas vraiment du temps à bavarder avec les gens de l'équipe technique pour qu'on puisse s'appeler pote. En gros, j'étais seul. Ty aussi l'était, mais lui semblait s'y plaire. De plus, lui, personne ne le traitait avec une telle solennité qui frôlait souvent la dérision.
Des fois, j'avais juste envie qu'on agisse avec moi comme une personne normale. Parfois je souhaitais que tout le monde soit comme Sara.
Je n'avais jamais connu une telle complicité avec quelqu'un. Même pas avec Daphney quand on était super pote, à l'époque. Sara était tellement franche, tellement elle, tellement unique...
— Tu fredonnes quand tu baises ? avait-elle sorti de but en blanc, pas plus tard que la veille lorsqu'on reprenait notre souffle après un énième round.
— Quoi ? m'étais-je intrigué.
— Je veux dire dans ta tête ? Est-ce qu'il y a une chanson qui passe quand tu fais l'amour ?
— Euh, non, avais-je répondu lentement en tentant de deviner où elle voulait en venir.
Sauf que personne ne pouvait savoir où Sara Hood voulait en venir. Pas avant qu'elle ne le précise elle-même. Elle était toujours pleine de surprise, et c'était ça qui faisait son charme.
— Je veux dire, tu fais l'amour comme si tu suivais un rythme... On dirait que tu travailles sur une jolie chanson et que tu fais tout pour garder la parfaite mélodie. Oui voilà, comme tu rock, s'était-elle écriée, satisfaite. T'es un artiste même au lit, et c'est magnifique. Heureusement que tu ne fais pas de la musique classique, avait-elle gloussé d'une manière terriblement sexy qui avait eu le mérite de titiller mon excitation à nouveau.
Ce matin, je m'étais réveillé vidé, et j'avais dû m'empiffrer comme un porc dans l'avion sous les regards curieux des musiciens, mais ça en valait la peine. J'avais rarement croisé des gens avec une aussi forte libido que la mienne. Eh bien, avec Sara j'avais été servi.
Ô Sara ! Sara que je n'arrivais plus à sortir de ma tête. Sara avec ses repartis uniques. Sara que je commençais de plus en plus à... ne pas vouloir perdre.
Mais peut-être que tous les fous rires que j'aurais jamais avec elle, étaient ceux qu'on avait déjà eus. Peut-être que ça ne se reproduirait plus jamais. J'en avais malheureusement bien peur, après ce qu'elle avait découvert juste après s'être ouverte à moi.
— On se déplace dans une heure, prévint Maryse en refermant la porte de la suite.
Nananinininin, avais-je eu envie de la singer. On n'avait pas encore commencé que j'étais déjà fatigué. Je me jetai sur mon lit moelleux dans la position de l'étoile de mer avec un gros soupir.
Dans une heure, on irait répéter au Madison Square Garden pour le concert de demain soir. Et plus tard, j'avais un dîner en compagnie de célébrités locales qui, je le savais d'avance, serait chiant à mourir.
Je n'aimais pas les conversations où on ne faisait que parler sans rien dire. De plus, il y avait tellement d'hypocrisie et de fausseté dans ce genre de rassemblement, qu'il était possible de les mettre en bouteille et les commercialiser. Le monde du show-biz n'était que sourire factice et coup de couteau dans le dos. Je sympathisais d'ailleurs rarement avec d'autres gens connus et j'étais assez détesté pour ça.
Mon téléphone se remit à sonner. C'était encore Marcos ! La raison pour laquelle je lui en voulais était stupide. On était ensemble, non ? Techniquement, je n'avais pas le droit d'être fâché qu'il m'ait envoyé de messages à 5 h du mat... Sauf que Sara était tombée dessus et ça changeait tout.
Je déteste ma vie !
— Allô ! répondis-je avec un enthousiasme feint.
- Je t'appelle depuis ce matin...
— Le concert au Madison Square c'est demain. Je suis à New York, coupai-je brusquement en espérant le décourager.
- Désolé, j'avais oublié.
— OK !
- J'ai retrouvé tes lunettes, je voulais te les rendre et... tu me manques.
Fallait pas me repousser hier, pensai-je avant de décider que c'était un raisonnement puéril.
Ce qui s'était passé n'était pas de sa faute. J'étais moi-même allé retrouver Sara, car oui, elle me manquait. J'avais moi-même décidé de coucher avec elle. Et c'était de loin, la meilleure nuit de toute ma vie.
Puis au moment où j'avais l'impression que je ne pourrais plus me passer d'elle - j'avais même eu en tête de lui proposer de venir à New York avec moi. Mais à la place de son corps chaud, ce matin, je m'étais réveillé à côté de ce mot : « T'as un nouveau message, Rick Rivera. »
Et ensuite, elle était demeurée introuvable.
J'avais deviné qu'elle était tombée sur le message de Marcos qui s'était affiché sur l'écran de mon téléphone qui avait dû s'échapper de mon pantalon la veille : « Désolé pour hier, c'est juste que tu semblais ailleurs quand tu m'embrassais et c'était vexant. Je t'aime, tu me manques. »
Je savais qu'elle avait fait exprès de dire mon nom, pour me rappeler qui j'étais. Oui, Rick Rivera, star et connard certifié.
J'étais en colère, mais contre qui exactement ?
Contre Marcos avec qui j'étais censé être en couple ? Ou alors Sara qui s'était levée trop tôt ? Ou plutôt contre moi parce que j'étais un enfoiré de naviguer entre les deux ?
J'avais déjà dit que je détestais ma vie ?
— Tu me manques aussi, répondis-je finalement à Marcos, d'un ton dubitatif comme si je ne savais pas si c'était la vérité ou pas.
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Rock Hard, Love Harder
Ficción GeneralRick Rivera est une superstar du rock adulée de toutes. Mais le ténébreux chanteur cache un lourd secret... *** Pour protéger sa célébrité et son homosexualité, Rick accepte de conclure un faux contrat avec Sara suite à un concours de circonstances...