🌟30. L'accueil

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Marcos, les sourcils froncés, me dévisagea, moi et mes courses à travers l'entrebâillement de sa porte d'entrée. Nullement impressionné, je lui adressai un grand sourire de réceptionniste qui avait l'habitude de faire céder plus d'un. Cependant, son expression demeura obstinément austère et un chouïa ennuyée.
— Qu'est-ce que tu fais là ?
— C'est ce qu'on appelle un accueil glacial, grimaçai-je. Peu importe, vous avez bien demandé un cuisinier sexy ? repris-je d'une manière enjouée, composée spécialement pour l'occasion.
— Non !
— Je corrige ; c'est ce qu'on appelle un accueil polaire, commentai-je dans ma barbe, avant de m'exclamer gaiement, aucunement découragé : mais on s'en fout ! Vous devez accepter la livraison.
Je poussai la porte de mon épaule pour entrer et il la referma derrière moi avec un soupir découragé.
Il m'emboîta ensuite le pas dans la vaste pièce lumineuse parée de baies vitrées sur la quasi-totalité de son pourtour. Il comprenait : le salon à l'avant, la salle à manger plus loin, et la cuisine au fond, où le mur en verre rencontrait celui, en pierre. Lorsque j'y arrivai, je déposai mes courses sur le plan de travail et sortis mon livre de recettes. Je le pliai ensuite à la page que je cherchais et me frottai les mains d'anticipation.
— Voyons voir !
Une expression légèrement curieuse remplaça momentanément celle, blasée, sur le visage de mon hôte. Il détaillait chacun de mes gestes, les mains croisées sur son torse dans un tee-shirt blanc à manches longues, en total contraste avec sa peau chocolatée. Pourquoi recouvrait-il toujours son tatouage d'ailleurs ? Je devrais penser à lui demander un jour.
— Tu fais quoi là au juste ? m'interrogea-t-il.
— Je vais cuisiner ! C'est ce que font les cuisiniers sexy, non ? En plus d'être super sexy, bien sûr.
— Tu ne sais pas cuisiner, souligna-t-il calmement.
— Bien sûr que si ! protestai-je avec une fausse expression vexée.
— Ne compte pas sur moi pour te laisser saccager ma cuisine, ou pire provoquer une explosion.
Je feignis de recevoir une balle en plein cœur suite à sa pique.
— C'est blessant !
— Sors de ma cuisine, Rick, formula-t-il d'un ton las.
— Ok, mais comment veux-tu que je transporte le four, les ustensiles et mes courses jusqu'au jardin ? Je ne suis qu'un cuisinier sexy !
J'écartai les bras avec un sourire aguicheur et il me répondit d'un regard incendiaire. Je levai les mains en signe de reddition et repris plus sérieusement :
— Je ne vais nulle part Marcos, mets-toi bien ça dans le crâne. Ensuite, je vais faire ce plat. Conchiglioni farcis au veau, lus-je dans le livre que j'avais acheté exprès, car je savais qu'il aimait la cuisine. On raconte que c'est le dîner qu'il faut pour se faire pardonner. Je paie rien pour essayer ! Et si tu tiens autant à ta cuisine, t'as pas d'autre choix que de m'aider. Sinon, tais-toi et rédige ton testament au cas où on exploserait pour de bon, car je n'ai aucune idée de comment fonctionne ce truc antique. OK, tu aimes les pièces uniques, mais il était à qui ce four ? Christophe Colomb ?
— Haha ! ironisa-t-il en levant les yeux au ciel. Dégage ! Passe-moi la recette. Toi, tu touches à rien.
Il avait enfilé un tablier par-dessus son tee-shirt et son jean noirs. Il tendit ensuite la main pour saisir le livre, mais je lui fis barrage avec mon corps. On commença alors à se dévisager, nos visages seulement à quelques centimètres l'un de l'autre.
— On dirait que tu n'as pas compris, murmurai-je en détachant chaque syllabe pour être sûr de bien me faire comprendre. Je ne vais nulle part, et on réalisera cette recette ensemble.
— Tu sais que ça ne va pas arranger les choses ? me prévint-il, le front plissé, en parcourant lentement mon visage de ses yeux ambrés.
Je connaissais ce regard. Si on ne s'était pas engueulé, il m'aurait sûrement embrassé. Cependant, il réussit à tenir bon. Pour cacher ma déception, je me remis à déballer les ingrédients et dis :
— Peu importe. Je voulais juste être avec toi.
— Parce qu'elle n'est pas là ?
— Parce que c'est ce que je veux, corrigeai-je sans croiser son regard. Je ne suis pas amoureux de Sara.
— Mais tu es marié avec elle. Pourquoi déjà ? Oh, pour cacher le fait que tu sors avec moi, fit-il, sarcastique.
J'interrompis mes gestes, fermai les yeux, respirai un bon coup et annonçai :
— J'ai l'intention de le faire.
— Quoi ? s'intrigua-t-il.
— Dévoiler notre relation, mais...
— Car oui, il y a toujours un mais, coupa-t-il sans parvenir à cacher son irritation.
— Mais ! répétai-je en pivotant pour lui faire face. On devra attendre un an.
— Mais bien sûr !
— Marcos, je sais que dès le début, j'aurais dû le faire, mais j'avais peur, m'excitai-je devant ses piques sarcastiques.
Je comprenais qu'il soit blessé et fâché. Mais moi, je faisais de grands efforts. D'aussi loin que je me rappelle, c'était la première fois que je m'en donnais la peine. OK, depuis le début, j'avais fait fi de ses sentiments et me comportais comme un gros connard. Mais justement, j'essayais de changer ça, et son comportement n'était franchement pas encourageant.
— Putain, j'ai encore peur même là maintenant. Cependant, tu as raison, soupirai-je. Quand on aime quelqu'un, le désir ou autre chose pour quelqu'un d'autre ne devrait pas pouvoir faire de l'ombre à cet amour. Je me suis dit que la peur non plus. Je ne sais pas quelle conséquence ça aura sur ma vie, ni sur ma carrière. Mais... mais tu mérites que je prenne le risque.
Un ange passa, il inséra ses mains dans les poches de son jean, les enleva, les remit... Et moi, je me dandinais sur place en attente d'une réponse. Un lourd malaise planait dans la pièce, et je n'étais visiblement pas le seul à le sentir.
— Je... tu veux que je réponde quoi à ça ? balbutia-t-il d'un air penaud.
— Je sais pas, moi. N'importe quoi. Dis-moi que tu comprends, ou que tu me crois. Je ne vais plus te faire de la peine, Marcos. Je te promets qu'il ne se passera plus rien entre Sara et moi. Ou entre moi et quiconque...
— Un an, c'est long, fit-il remarquer.
— Je sais, admis-je. Je dirai tout à Sara, dès son retour. Mais je ne peux pas le dire à d'autres personnes pour le moment. Comprends-moi. Dans un an, après mon divorce, je pourrai être le mec qui finalement découvre qu'il aime les hommes, dont un en particulier. Mais si je le fais maintenant. Je serai le mec qui aime les hommes, mais qui a orchestré un mariage pour le couvrir. J'ai pas besoin de ça ! Je prépare un album.
— On s'occupe de ce plat ? fit-il, le visage fermé, en passant de coq à l'âne.
Je détestais quand il faisait cela et presque involontairement mes mâchoires se contractèrent de frustration.
— Qu'est-ce que ça veut dire, on prépare ce plat ?
— Ça veut dire : est-ce que tu es toujours d'humeur pour réaliser cette recette à laquelle tu tenais tant à ton arrivée ?
Suite à ça, il me tendit un tablier pareil au le sien. C'était là, sa façon de mettre fin à la conversation.
Je l'avais blessé. Je ne m'attendais quand même pas à ce qu'il oublie tout du jour au lendemain. Le fait qu'il ne m'ait pas rejeté était déjà très généreux de sa part. Mais malgré tout, je ne pouvais m'empêcher d'être en pétard. Je n'arrivais pas à croire que je venais de dire tout ça, juste pour... cette réaction quoi ! Je faisais des efforts, putain ! Finalement, être un connard égoïste n'était pas si mal que ça.
Mais bon, j'étais déjà là, et laisser exploser ma colère ne risquait pas d'arranger les choses. Je n'insistai pas, attrapai le maudit tablier et me contentai de suivre ses instructions, puisque comme il l'avait énoncé plus tôt, j'étais nul en cuisine.
On cuisina donc ensemble, ou plutôt, il cuisina pendant que je faisais le con. On mit ensuite la table et on s'installa pour manger. Il avait réussi la recette avec brio. C'était très délicieux, et ça ne m'étonnait même pas : Marcos était un vrai cordon bleu.
— C'est bon ? s'enquit-il au bout d'un moment pour meubler le silence.
— Non !
Suite à ma réponse, il s'immobilisa, sa fourchette à mi-chemin vers sa bouche. Devant son expression choquée, je ne réussis pas à garder mon sérieux bien longtemps : j'éclatai de rire. Je l'avais eu !
— C'est pas drôle, Rick ! marmonna-t-il, bougon.
— Tout ce que tu fais est parfait ; t'avais pas à poser la question.
Je désignai la pièce tout droit sortie d'un magazine de décoration autour de nous afin d'illustrer mes propos.
— Tu vois, rien ne dépasse. D'ailleurs, pourquoi es-tu si pointilleux ? C'est quoi ton délire avec l'ordre ?
Il ne répondit pas et garda obstinément ses yeux dans son assiette en piquant dedans.
— Bon, j'imagine que je n'ai pas encore le droit à toutes les réponses. En tout cas, c'est délicieux, ajoutai-je plus sérieusement.
— Merci, dit-il tout simplement sans daigner m'accorder un regard.
Après cela, on se remit à manger en silence. Sauf qu'au bout d'un moment, j'en eus marre.
— Parlons ! Je déteste être ignoré.
Il demeura muet et mon agacement redoubla. Je décidai alors de jeter ma fourchetée par terre et ses yeux écarquillés croisèrent finalement les miens.
— Rick !
Je savais bien que salir ou déranger quelque chose était le moyen le plus rapide d'avoir toute son attention. Sans rompre notre contact visuel, je poussai mon assiette de la table et celle-ci s'écrasa en couvrant le parquet de pâtes, de viande, de salade et de débris de porcelaine.
— Mais pourquoi t'as fait ça ? s'horrifia-t-il.
— Tu vois, c'est ce que j'aime, m'amusai-je. Les conversations...
Je me levai de la table et attrapai le pot de jus.
— Rick non ! cria-t-il.
— Les échanges... poursuivis-je en versant le liquide rosé sur le parquet vitré, tout en me déplaçant dans la salle d'un air nonchalant.
— Non !
Il se leva et se couvrit le visage de ses deux mains, comme s'il luttait pour se réveiller d'un cauchemar. Il rouvrit les yeux, regarda le carnage et se barra la bouche de ses doigts dans un geste scandalisé.
— Tu vois ce que je veux dire ? le narguai-je avec un sourire mauvais.
— Non, non, non, débitait-il comme un robot en scrutant la pièce autour de lui avec une expression incrédule.
— Pardon, tu comprends pas ? Bof ! fis-je avec un haussement d'épaules avant de verser tout le contenu du récipient par terre.
— Arrête ça, bordel ! finit-il par crier, hors de lui.
Ce n'est pas trop tôt, hein !
Il semblait à bout. Je suppose que c'était la première fois qu'il y avait un tel désordre chez lui. Lui qui affectionnait tellement l'ordre ! Moi par contre, je jubilais de l'avoir fait réagir. Cette froideur m'étouffait.
— OK, OK, je ne t'ignore plus, promit-il, d'une voix désespérée. Laisse ma maison tranquille !
— Voilà ! m'écriai-je. C'était pourtant facile. En fait, désolé, conclus-je, pas navré pour deux sous en laissant tomber le pot qui se brisa au contact du sol.
— Riiiick ! hurla-t-il, bouillonnant de rage.
Il s'avança à grands pas vers moi tout en faisant attention à ne pas piétiner les morceaux de pâtes, ou les débris de verre et de porcelaine. Un sourire arrogant sur le visage, je l'attendais en escomptant un coup-de-poing ou même une gifle. Je ne savais pas pourquoi, mais je voulais qu'il me frappe.
Cependant, en arrivant en face de moi, il m'adressa un regard incendiaire et serra les poings en fulminant sur place.
— Vas-y ! Sers-t'en, le provoquai-je en désignant ses mains.
Il ferma les yeux pour se forcer à rester calme, et je levai les yeux au ciel. Je m'attendais à quelque chose : peut-être une bourrade... ou un baiser, qui sait ? Je ne savais pas quoi exactement, mais je voulais qu'il me fasse ressentir quelque chose. Et là, sincèrement j'étais déçu.
— Quoi ? Encore le silence ? Attends, je vais...
— Non ! me stoppa-t-il dans mon élan en m'empoignant par le bras.
On resta un bon moment dans cette position et il finit par lancer :
— J'aurai l'air de quoi si je fais une croix sur tout et que je te pardonne ?
— Ça ne va plus se reproduire, assurai-je avec fermeté.
— Dis-moi juste de quoi j'aurai l'air !
— De toi, avec un grand cœur ? hasardai-je avec une petite moue dubitative et un haussement d'épaules.
Il regarda encore une fois tout autour de lui, l'expression vaincue, atterrée...
— Pourquoi je t'aime enfin ?
— Je suis drôle ? Irrésistible ? Trop craquant ? B...
Je parlais, mais ses yeux paniqués ne quittaient pas le bordel que je venais de faire dans la pièce. Ce mec était un vrai malade ! Je me promis de ne plus toucher à ses affaires, même pour rigoler.
— Bon OK, soupirai-je, dépité. Je vais tout nettoyer.
Ce n'était pas de ma faute, mais je ne pus m'empêcher d'imaginer Sara dans la même situation. À mon avis, elle se serait énervée et m'aurait sali à son tour avec de la bouffe. Ensuite s'en serait suivi un beau carnage, mais j'étais certain qu'on aurait fini par en rire.
Avec le petit sourire qui avait pris naissance au coin de mes lèvres en imaginant la scène, je filai chercher l'aspirateur et une serpillière.
— Laisse-moi t'aider ! proposa Marcos à mon retour.
— OK ! répondis-je sèchement.
C'était désormais mon tour d'être froid. Non, je ne m'attendais pas à ce qu'on se réconcilie sur l'oreiller. Enfin si, un peu. Mais voilà, je ne pouvais rien changer au fait que j'étais déçu.
On rangea tout en silence. Et lorsqu'on eut fini, ne supportant plus cette ambiance pesante, je décidai de partir. Je lui en informai avant d'attraper mes clés et il fronça les sourcils :
— Déjà ?
On passe tellement un bon moment !
— J'ai un morceau à jouer à un anniversaire, expliquai-je.
En fait, ce n'était que pour très tard, mais je ne voulais vraiment plus rester. Cependant, devant son expression déçue, je me surpris à ajouter :
— Je reviendrai demain au sortir du studio. Tu veux que j'apporte de quoi cuisiner à nouveau ?
L'époque où j'étais un gros connard commençait sérieusement à me manquer. C'étant chiant de se soucier des sentiments des autres.
— Ouais, ce serait cool, sourit-il légèrement.
Il semblait vaguement plus détendu, maintenant que tout était bien rangé et nettoyé. C'était quoi cette obsession ?
— Cool ! répétai-je sans parvenir à me forger un sourire cette fois-ci.
Il me suivit ensuite jusqu'à la voiture, dans la cour protégée par une haute grille et une barrière en fer forgé, munie d'un digicode que moi seul après lui pouvais déverrouiller.
Par politesse, je baissai la vitre du côté conducteur. Il s'inclina et me dit doucement :
— À demain alors !
— Ouep.
— Au revoir et je... je t'aime.
Le vinyle sur le siège passager me dispensa de répondre. Et à ce moment-là, j'arrivai presque à ne pas regretter toutes les démarches que j'avais dû faire pour l'obtenir.
— Ah merde ! Je t'ai apporté ça. J'avais oublié.
Je lui tendis le disque dans sa pochette d'origine et ça provoqua un sourire sincère sur son visage.
C'était un amateur de ces genres de trucs, comme le prouvait bien le tourne-disque dans un coin de son séjour, plus l'étagère avec la grosse collection de vinyle.
J'aime les pièces uniques, m'avait-il confié.
Alors quand Jason m'avait parlé de ce collectionneur qui décidait de céder sa pochette de Bob Dylan, je m'étais empressé d'entrer en contact avec lui. Après tout, cinq chiffres, c'était trois fois rien pour moi. Ce serait tellement facile de le remplacer. Rien que mon contrat pour le shooting du nouveau parfum Gucci, la semaine prochaine, en valait le quadruple.
Je finis par prendre la route et montai le son sur Everything I didn't say des 5sos en conduisant à toute vitesse sur la voie déserte.
Je n'arrivais toujours pas à me défaire de ce sentiment d'insatisfaction. Je n'étais pas heureux de mon choix, pas la peine de me mentir.
Je ne sais pas ce que tu ressens Rick, mais ce n'est pas de l'amour.
Il avait raison. Si j'avais un doute, j'en étais désormais certain : je n'étais pas amoureux de lui. Malheureusement, lui l'était et je n'avais plus le cœur à le faire souffrir.
Tu vois Daphney, je ne suis pas si égoïste.
***
J'arrivai aux environs de 22 h dans le club privé déjà bondé de monde. Par monde, je parlais là de gosses de riches chacun plus pourri gâté et arrogant que les autres. Je disais ça parce que je savais les reconnaître, vu qu'il n'y avait pas encore longtemps, j'étais l'un d'entre eux.
C'était une soirée à thème « Anges et démons ». Des canapés aux coussins blancs et argentés étaient disposés d'un côté, des rouges et des noirs d'un autre. La déco était super réussie. Il y avait bien le coin ange et le coin démon, mais au plafond, des guirlandes noires, blanches et rouges ; des nuages en carton et des fourches du diable se mêlaient tous harmonieusement.
Côté buffet, les plats étaient tous blancs chez les célestes et des serveurs avec des ailes servaient du vin blanc. Chez les démons, c'était bien sûr le contraire : des pommes d'amour, des plats aux aspects douteux que je n'arrivais pas à identifier, et des serveurs en cuir moulant noir et rouge servant de vin rouge. C'était vraiment cool !
Pourquoi n'y avais-je pas pensé pour mon anniversaire de seize ans ?
Bien que je ne portais pas d'accessoires comme la plupart des gens présents, j'étais entièrement vêtu de noir : veste-cape longue par-dessus un pantalon en similicuir et un tee-shirt à col montant, plus des bottes de motard. Heureusement qu'il y avait la clim dans ce club, sinon je serais fichu.
J'étais uniquement accompagné de Grant, car j'allais seulement chanter un morceau acoustique et partir. J'aurais pu rester plus longtemps, mais c'était le devoir de ma manager de donner l'impression que j'étais tout le temps occupé, et ce, même si une demande avait été faite par le maire en personne.
Je m'impatientais, et ces cocktails de fillettes qu'on servait au bar étaient tout sauf intéressants. Il n'y avait aucun alcool fort ! Mais j'imaginais bien qu'on se devait de donner l'exemple quand on était fille de maire, en public en tout cas.
Une demi-heure plus tard, la reine de la soirée fit son entrée. Elle portait une petite robe blanche qui devait coûter une fortune, accompagnée de minuscules ailes d'anges plutôt mignonnes.
Oui, ce fut tout ce qui retint mon attention, car la fille du maire en elle-même était banale. Cependant, je savais que ça n'allait pas durer. Les petites riches ne restaient jamais moches bien longtemps. Elle s'avança toute souriante dans ma direction, encadrée de deux copines, dans le bar des démons où j'étais assis dos contre le comptoir à me faire chier.
Sur le point de me faire un câlin, Grant la stoppa dans son élan et ça m'incita sérieusement à penser à l'augmentation du colosse, avant de me rappeler que son chèque n'était pas sous ma responsabilité. En tout cas, je penserais à lui faire un high five, pour tous ces contacts non désirés qu'il m'avait évités.
— Oh, mon Dieu, t'es là ! s'écria la fille du maire, tout excitée, une fois sa déception de ne pas pouvoir me toucher passée.
Bien qu'à mon avis, elle avait plus envie de dire : tout le monde, regardez bien ! Mon papounet d'amour a personnellement fait venir Rick Rivera à mon anniversaire. Qui peut faire mieux ?
Tous les mêmes ces filles et fils de ! soupirai-je intérieurement.
Mais bon, ce n'était pas comme si j'avais été différent, adolescent. Même si personnellement, mon père à moi ignorait ma présence, je n'avais jamais manqué d'argent. Je faisais donc en sorte que les plus grosses soirées, les plus belles filles, les plus belles caisses, bah, c'est moi qui les aie.
Je souris vaguement à Ella et lui souhaitai un joyeux anniversaire. Elle s'en alla avec un sourire radieux et j'attrapai ma guitare acoustique en direction de la scène.
Je saluai le public et soufflai un bisou à la reine de la soirée qui s'éventa de ses mains en devenant toute rouge. Les invités avaient fait silence et j'étais en train d'entamer les premières notes lorsque quelqu'un tapota son micro sur l'un des haut-parleurs, créant ainsi un feedback qui poussa tout le monde à se boucher les oreilles.
Quand on se tourna vers la provenance du bruit. Le coupable s'avança sur le devant de la scène.
— OK, maintenant que j'ai toute l'attention... Salut tout le monde , Salut Rick !
Cet enfoiré !
— J'ai longtemps réfléchi à ce que j'allais offrir à Ella pour son anniversaire. Mais quand je t'ai vu arriver en démon, c'était comme si une ampoule s'était allumée au-dessus de ma tête. Chère Cousine, poursuivit-il avec un sourire goguenard en se tournant vers Ella au pied de la scène. Je t'offre le battle du siècle !
Il pivota ensuite dans ma direction et me provoqua avec son petit rictus :
— Rien que toi et moi, Rivera ; nos guitares et ce beau public pour juge. Tu ne vas quand même pas refuser ?
Les invités d'Ella se mirent aussitôt à scander : « Un battle, un battle, un battle... » Alors que moi, je voulais juste chanter le morceau et partir.
— Michael, je...
— Ange Michael, corrigea-t-il avec une petite courbette en me désignant ses habits blancs.

Rock Hard, Love HarderOù les histoires vivent. Découvrez maintenant