🌟76. Perdant-perdant

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TW : Violence, sang


On m'avait regardé bizarrement dans les couloirs de l'hôtel, dès l'instant où j'avais posé les pieds en dehors de ma chambre, avec Grant sur les talons. J'étais habitué à être au centre de l'attention, donc ignorer tous ces gens fut un jeu d'enfant pour moi. D'autant plus que j'avais un mal de crâne horrible qui réclamait toute mon attention.
Cependant, lorsque les chuchotements et les regards chelous s'étaient multipliés à mon arrivée à la salle de sport, j'avais commencé à m'inquiéter.
Quelque chose n'était pas normal. Je me mis à douter qu'il se soit peut-être passé un truc grave à la soirée, un truc dont je ne me rappelais pas. Après tout, je ne possédais que quelques bribes de souvenirs de la veille.
Dès le moment où j'avais descendu le contenu du gobelet servi par Lucas, tout s'était enchaîné à une vitesse folle. Et ce matin-là, je m'étais réveillé uniquement vêtu d'un jean humide sans savoir comment j'avais atterri dans ma chambre.
Mon téléphone n'était nulle part en vue. La panique me gagnait de plus en plus chaque minute. Et même si je me sentais mieux physiquement après l'effort fourni à la salle, je ne pouvais me libérer ce mauvais pressentiment qui me torturait l'esprit.
Le stress me nouait carrément l'estomac. Alors, je laissai mon petit-déjeuner à peine entamé et me rendis dans la suite des gars. J'avais continué à prendre des chambres séparées des leurs depuis la dernière fois et ça arrangeait tout le monde.
Je trouvai Sam et Lara absorbés par une discussion tellement animée dans le salon commun, qu'ils ne me remarquèrent même pas lorsque j'entrai.
— Il a perdu vingt-mille abonnés en une nuit ! s'exprima la gothique d'une voix angoissée. Vingt-mille, putain !
— Ils vont vite oublier, ne t'en fais pas ! tenta de la rassurer Sam, mais à son ton peu convaincu, on voyait qu'il n'en croyait pas un mot.
— Je savais que ça allait arriver. Les gens en ont marre de ses bêtises. Des parents se plaignent que c'est un mauvais...
La copine du batteur s'était mise à faire les cent pas, mais elle se figea lorsque ses yeux sombres croisèrent les miens devant la porte.
— Je te jure Rick, je ne prévoyais pas ça en te traînant à cette soirée.
Sam lui prit la main, comme s'ils se sentaient obligés d'unir leurs forces face à la grenade que je représentais.
— C'est vrai, plussoya l'Asiatique. Elle a essayé de limiter les dégâts, mais la vidéo était déjà partout.
Je déglutis malgré la boule dans ma gorge et demandai d'une voix étonnamment calme, compte tenu de mon état de stress :
— Quelle vidéo ?
— Eh ben, ânonna-t-elle en cherchant du soutien dans le regard de son compagnon. La vidéo avec la coke et...
Jason survint à ce moment-là et accapara toute l'attention en claquant bruyamment la porte de sa chambre. Il parcourut ensuite d'un pas nonchalant le salon de style industriel, comme s'il avait tout le temps du monde. Puis sans un mot, il se planta devant moi et me tendit mon téléphone avant de quitter la suite, les mains dans les poches de son sweat.
— Pourquoi il avait mon téléphone ? m'enquis-je auprès des deux amants.
J'avais de plus en plus peur des réponses, mais il fallait que je sache. Les membres tendus comme un arc, j'attendais des explications, que mes deux interlocuteurs à l'expression effrayée hésitaient à me donner.
— Rick... hier soir...
— Parlez bordel ! m'impatientai-je.
— Hier soir, s'éleva une voix à ma gauche. Tu as déconné, non, mais graaaave.
Pourquoi j'avais l'impression que ça le réjouissait ? En effet, le pianiste était appuyé dans une pose nonchalante au cadre de la porte de sa chambre et souriait en pianotant sur son portable.
— Je me demande juste ce que Sara pensera de ça, renchérit-il avec un soupir navré qui avait tout l'air d'être feint.
— Quoi ? m'étranglai-je.
Il tourna son téléphone dans ma direction et la vidéo qui se joua sur l'écran me coupa le souffle.
Vous connaissez ce regard qu'affichaient les gens lorsqu'ils se faisaient transpercer par une épée dans les films ? Ce regard désespéré, surpris et en même temps sans vie ? J'étais certain qu'à ce moment-là, je fixais le portable du pianiste de la même façon.
Ce type qui sniffait une ligne de cocaïne sur un comptoir de cuisine ne pouvait pas être moi. La suite de la vidéo le/me montrait souriant tandis que des doigts aux ongles parfaitement manucurés se posaient lascivement sur ses/mes joues. Le type s'était ensuite tourné avec un regard d'affamé vers leur propriétaire, qui n'était autre qu'une blonde aux yeux bleus que je pourrais reconnaître entre mille.
Celle-ci s'était rapprochée de lui/moi et avait recouvert ses/mes lèvres des siennes avant que prenne vie l'un des baisers les plus mouillés de l'histoire du french kiss.
L'instant d'après, la blonde en question perdait son haut et son compagnon alias moi, lui dévorait la peau du cou, en molestant sa poitrine généreuse avec un enthousiasme palpable.
J'avais l'impression de voir en action l'ancien Rick, mais avec mon physique actuel, au lieu du style punk et des cheveux mi-longs que j'adoptais à l'époque.
La vidéo terminée, je restai immobile, absent et complètement vide... C'était comme si quelqu'un avait appuyé sur un bouton pause et que le temps s'était arrêté en moi.
La voix de Lucas me sembla lointaine, alors même que ce dernier n'était qu'à quelques mètres de moi :
— Heureusement que la personne qui filmait a eu la bonne idée de couper avant que ça n'aille trop loin. Sinon ce serait clairement du porno, gloussa le pianiste en empochant son portable.
Je ne pouvais toujours pas réagir. L'épée était encore en travers de ma poitrine. Sauf que pour moi, le film ne se terminerait pas ici. J'allais devoir affronter les conséquences de cette connerie, même si je n'en avais aucun souvenir.
Cependant, il n'y avait pas le moindre doute ; ce type sur la vidéo c'était moi. Tout le monde pourrait me reconnaître, tout le monde, incluant Sara...
Suite à cette pensée, le temps reprit brutalement son cours. Les émotions m'assaillirent comme une déferlante et je réalisai avec horreur que cette vidéo était la pire chose qui pouvait m'arriver à ce moment-là.
Une vague de lassitude prit tout de suite possession de moi et je fermai les yeux dans un soupir. C'était le genre d'abattement que ressentirait quelqu'un qui revenait du travail et trouvait sa maison complètement réduite en cendres, avec toute sa famille à l'intérieur. Dans ce genre de situation, personne ne trouvait jamais la force de pleurer, ou de hurler... Lorsque le monde te tombait sur les épaules de la sorte, tout ce que tu pouvais faire c'était juste respirer impuissant, et écouter ton cœur cogner en souhaitant de toute ton âme que ce putain de battement cesse.
Rassemblant le peu de forces qu'il me restait, j'ouvris lentement les paupières et m'adressai à Lucas d'une voix éteinte :
— C'est toi, pas vrai ?
C'était une question purement rhétorique. Je savais tout au fond de moi qu'il était derrière tout ça. Je m'étais fait avoir comme un bleu. Les discours du pianiste sur « faire la paix » étaient des conneries, et il avait profité de ma naïveté pour me piéger.
Je supposais que Jason, lui aussi était au courant. En fait, je croyais que tout le monde l'était, puisqu'on n'avait jamais été un vrai groupe. Ça avait toujours été eux et moi. Ou plutôt, eux contre moi. Il n'y avait jamais eu de nous depuis le début.
J'avais envie de vomir et ma migraine était revenue puissance dix. Jamais de ma vie, je n'avais ressenti un tel niveau de dégoût et d'impuissance.
— Je te jure, moi et Sam on n'en savait rien, affirma Lara avec un regard implorant.
— Pff ! s'exclama Lucas d'un ton dédaigneux en levant les yeux au ciel. Prêts à tout pour l'assentiment de tonton Rick ? Vraiment, j'ai jamais compris pourquoi, fit-il en me toisant, l'expression écœurée. T'as fait toutes les conneries possibles et imaginables, mais tout le monde est toujours disposé à te les lécher. En plus tu t'es dégoté, je ne sais comment, la meuf la plus géniale sur terre. Tu l'as laissé en voir de toutes les couleurs, mais t'as réussi à la récupérer. Comment putain ? Sait-elle au moins que Jason te baisait quand elle n'était pas là ?
De quoi parlait-il ? Mais il ne s'était rien passé entre moi et le bassiste.
— Ah arrête ! Prends pas cet air étonné ! jeta Lucas en claquant la langue avec suffisance. Tout le monde ici est au courant que Jason craque pour toi depuis toujours. Enfin, tout le monde ici sauf toi ; t'as toujours été con. Je sais que dernièrement, il s'est passé quelque chose entre vous. Jason refuse d'en parler, mais je le sens... Au fait, dis-moi, t'as aimé te faire défoncer ? ricana-t-il avec méchanceté.
Il y avait tellement de haine dans son regard. Comment avais-je pu être aussi aveugle ? Et même si j'avais su manquer les signaux de son animosité, je n'aurais jamais dû baisser ma garde avec cet enfoiré, après avoir découvert ses sentiments pour Sara.
Mais c'était désormais trop tard pour les regrets. Le désespoir m'empêchait de faire le moindre geste. Je me contentai de le regarder cracher son venin. Après tout, ça ne pourrait pas empirer mon état. À mon avis, j'avais déjà atteint le dernier niveau de l'accablement.
— Lucas ! intervint Sam avec circonspection. Je crois que...
— Ah, ça va ! On peut plus se marrer ? protesta le pianiste en levant les bras. Je garderai leur petit secret. De plus, c'est pas comme si j'avais le choix. Il y a sa cinglée de tante qui a dû sucer je ne sais combien de bites pour couvrir ses arrières, qui nous a menacés de la pire mort si on dévoilait quoi que ce soit à quelqu'un.
Maryse ? Maryse savait pour moi et Jason ? Plus j'en apprenais, plus je me sentais con. Combien d'autres choses s'étaient déroulées sous mon nez sans que je ne m'en rende compte ?
— J'en ai marre de te voir obtenir tout ce que tu veux, cracha de nouveau Lucas avec acrimonie. Je t'ai toujours détesté. C'est vrai, tu n'es qu'une petite merde arrogant, pourri-gâté, avec ses manières de diva qui fait chier tout le monde. Ne touche pas à ça, Rick va se fâcher. Ne fais pas ci, ne fais pas ça, cita-t-il avec une ironie tranchante. Eh ben, tu sais quoi ? J'en ai ras le bol de tes conneries. J'en ai assez de voir les gens se courber devant toi. Je sais bien que tes fans vont vite te pardonner cette histoire de vidéo. Mais au moins, je suis certain que cette fois, Sara verra la vérité en face ; à savoir que tu ne la mérites pas et ce depuis le premier jour.
À mon abattement, succédèrent une haine et une fureur telle que je n'en avais pas ressenti depuis des années. Qu'il s'acharne sur moi, ça passait, mais j'avais toujours détesté le voir prononcer le nom de celle que j'aimais.
J'étais au courant depuis le début que je n'étais pas digne Sara, mais j'avais lutté ; je l'avais aimée de toutes mes forces ; j'avais tout fait pour lui offrir la meilleure version de moi-même... Savoir que par la faute de ce connard, tous mes efforts allaient probablement être réduits à néant me faisait voir rouge.
Je contractai mes poings jusqu'à m'en blanchir les jointures et fonçai sur lui avec la ferme intention de le tuer.
Le premier coup que je lui flanquai lui explosa les lèvres, mais ce cinglé partit dans un éclat de rire qui ne fit que décupler ma colère. J'allais vraiment prendre mon pied à lui démonter sa face de panda.
Je le cognai à nouveau, mais il ne rappliqua qu'au troisième coup que je lui fichai dans les côtes, en me décochant une droite en plein milieu du visage, qui me fit perdre l'équilibre. Je vis flou pendant plusieurs bonnes secondes et dus user de toute ma volonté, afin de me stabiliser.
— C'est tout ce que t'as dans le ventre ? ricana-t-il en crachant du sang. Ne me dis pas que ta tante a aussi sucé pour ta réputation de connard ?
Je serrai les dents, bien décidé à poursuivre, mais une goutte qui atterrit devant mes bottes attira toute mon attention. Lorsque je fis le lien et touchai mon nez de mes doigts tremblotants, je remarquai que mes narines pissaient le sang. L'adrénaline avait peut-être atténué la douleur, mais je pouvais le sentir : ce connard m'avait cassé le nez.
La rage parcourut mes veines comme un courant, et dans un grognement enragé, j'écrasai de toutes mes forces mon poing contre la mâchoire du pianiste. Il chancela sous l'impact et j'en profitai pour lui saisir le col avant de lui marteler le ventre de coups aussi violents que répétitifs. Il s'écroula par terre quelques secondes plus tard dans une plainte étranglée et je grimpai sur lui avec la ferme intention de le terminer.
— Tu ne souris plus, dis donc ? grinçai-je, le visage déformé par la rancune.
Il me cracha le sang de sa bouche au visage et j'abattis brutalement mon poing au milieu de sa face de rat. Je n'étais que haine et colère. Je cognai non-stop, malgré les hurlements paniqués de Lara dans lesquels elle me suppliait d'arrêter. Lucas battait des pieds sous moi et m'envoyait des coups, dont la puissance diminuait à chaque seconde.
Son visage n'était plus qu'un masque ensanglanté que le noir autour de ses yeux rendait encore plus macabre.
À un moment donné, je sentis les mains de Sam sur moi qui luttait pour de me pousser, mais je tins bon.
Des images de Sara en train de pleurer devant cette vidéo me hantaient. Je n'arrêtais pas de cogner et bientôt un craquement sinistre m'informa que ce connard de Lucas et moi, étions à égalité au niveau du nez. Il hurlait de douleur, mais je continuais de frapper encore et encore.
Sam parvint finalement à me faire perdre l'équilibre et je basculai par terre alors qu'il me hurlait au visage :
— T'es cinglé, merde ? Tu veux finir en taule ? C'est ça que tu veux ?
Je me remis debout tandis que ma poitrine se relevait et s'abaissait au rythme de ma respiration erratique. J'ouvrais et refermais mes poings ensanglantés, la rage ne m'ayant pas totalement quittée.
Je fis un pas vers l'avant, prêt à en découdre de nouveau, mais Lara me stoppa en déposant ses deux paumes sur mon torse.
— Je t'en prie, Rick, m'implora-t-elle, le visage baigné de larmes. Arrête. Regarde-le. Tu vas le tuer.
En effet, le pianiste avait l'air d'une loque. Le batteur l'avait remis debout, mais cet enfoiré peinait à tenir sur ses jambes. Cependant, il releva quand même la tête et m'adressa un sourire flageolant que son visage ravagé rendit vraiment funeste.
— Aucun d'entre nous ne l'aura, se réjouit-il d'une voix étranglée avant de tousser et de cracher une quantité importante de sang.
Lara appuya plus fort sur mon torse en me suppliant de l'ignorer et Sam s'empressa de traîner le pianiste suicidaire hors de la pièce avant que je fasse de lui un cadavre.
— T'as raison, sale larve, cinglai-je avec haine. Mais je te promets que si un jour tu croises ma route à nouveau, t'es mort. Tu dois bien savoir que sans elle, je suis la pire personne sur terre. Ça ne me gênera donc pas de t'arracher les tripes et de te les faire bouffer, fils de pute !
La porte se referma derrière Sam et Lucas et j'aboyai à Lara :
— Dégage !
Elle se passa nerveusement les mains dans ses cheveux teints en noir, puis elle sortit en me jetant un dernier regard larmoyant. Elle voulait quoi ? Un putain de câlin ?
Les secondes s'égrainèrent. Peu à peu ma respiration se calma, mes muscles se détendirent quelque peu et une grande fatigue m'envahit d'un coup.
Aucun d'entre nous ne l'aura.
La nausée qui me menaçait depuis tout à l'heure finit par devenir plus qu'une envie, et je dégueulai le contenu de mes tripes sur le tapis luxueux.
Mon nez continuait de pisser le sang et maintenant que l'adrénaline était retombée, la douleur menaçait de m'assommer...
Aucun d'entre nous ne l'aura.
Cette phrase me hantait. Je refusais d'imaginer qu'il puisse avoir raison. C'en serait fini de moi.
- Rick !
Ty s'adressait à moi depuis dans l'encadrement de la porte, mais c'était le cadet de mes soucis.
Je m'éloignai en titubant de ma gerbe et me stabilisai contre le dossier d'un canapé. Sara devrait me croire. Elle me croirait, non ? Il ne s'était rien passé avec Daphney. Ne s'était rien-t-il passé avec Daphney ? Cette dernière ne m'avait jamais attiré dans ce sens. Je ne l'aurais jamais, au grand jamais touchée sobre. Sara allait me croire.
Je ne réalisai qu'après plusieurs minutes, que je fixais le mur d'en face comme un gaga, alors que mes pensées partaient dans tous les sens.
— Daigne au moins me regarder quand je te parle, hurla le guitariste.
Je m'en foutais du gringalet. Je n'allais pas perdre l'amour de ma vie, non ? Ce type sur la vidéo, ce n'était pas moi. Mais c'était moi. Qu'allait penser la mère de Sara ? Putain, qu'avais-je fait ?
— Pourquoi t'as fait ça ? cracha Ty avec un sanglot dans la voix. J'ai tout fait. TOUT. Mais ça ne suffisait jamais à Daphney. Tout ce qui l'a toujours intéressée, c'est toi.
Faites qu'elle me croit, pitié. Faites que Sara croit que...
Quoi ? Que m'étais fait avoir ? On ne pouvait pas vraiment dire que j'avais l'air non consentant sur la vidéo. Oh mon Dieu ! J'allais donc la briser encore fois... si ce n'était pas déjà fait à l'heure qu'il était.
— Je n'existe pas, continua d'aboyer le gringalet en pleurant. Pourtant je l'aime de tout mon cœur, putain ! Dès qu'elle a des problèmes, c'est toi qu'elle appelle. Tu as oublié son anniversaire. Tu la traites comme de la merde. Elle te pardonne tout. Tu me pourris la vie, Rivera ! renifla-t-il. Tu as une femme. Tu pouvais avoir qui tu veux... J'en avais déjà marre d'évoluer dans ton ombre, mais là tu...
Il manquait d'air. Je me tournai finalement vers la porte et mon cœur se serra en croisant son regard. Son visage rouge et baigné de larmes contrastait avec ses éternels habits noirs. Ses narines étaient plissées par la colère et il ne fallait pas être un génie pour détecter le profond désespoir dans ses yeux.
Ce mec souffrait... à cause de moi. Tout le monde finissait par souffrir à cause de moi.
À ce moment précis, je pris ma décision : j'allais sortir de la vie de Sara. Je n'allais pas insister pour qu'elle me laisse une autre chance, ou même qu'elle me pardonne.
J'en avais marre de la faire pleurer. Je crois que j'en mourrais si je la voyais dans l'état de Ty. Elle serait mieux sans moi. J'étais sûr que tout le monde serait d'accord là-dessus. Même si ça me tuait, je savais que c'était la plus grande preuve d'amour que je pouvais lui faire.
Personne ne méritait de supporter ma présence. J'étais un putain de fardeau !
— Désolé, soufflai-je à Ty d'une voix éteinte.
Le mal était déjà fait, que je le veuille ou non. Je regrettais sincèrement, mais ne savais pas quoi dire d'autre.
Cependant, ça eut comme effet de décupler la colère du guitariste et celui-ci fonça sur moi en criant :
— Désolé ? C'est tout ce que t'as trouvé ? Désolé d'être le pire salaud que la Terre ait porté ?
Sa colère était parfaitement justifiée. J'étais le mieux placé pour savoir ce qu'on ressentait quand on imaginait les mains d'un autre sur celle qu'on aimait.
Je ne fis donc rien pour éviter son poing lorsqu'il l'envoya sur mon nez déjà cassé. Je le méritais. Il me roua de coups en hurlant de rage et je le laissai faire.
Qu'il soit mince ou pas ; un homme restait un homme. Ty me martelait de toutes ses forces, dans mes côtes, mon visage, mon abdomen ; il n'épargnait rien... J'avais mal partout. J'entendais des craquements tous plus inquiétants que les autres à certains endroits qu'il frappait, mais je serrais les dents, fermais les yeux et encaissais. À chaque fois que je perdais l'équilibre, je me redressais pour qu'il termine. En fait, je souhaitais qu'il me tue. Je le voulais de tout mon cœur.
Pourquoi vivre, de toute façon ?
Sa rage ne semblait pas vouloir se tarir. Il s'acharnait sur moi encore encore et j'endurais tout en silence. Quelques gémissements m'échappèrent involontairement, mais je ne hurlai pas malgré la douleur inhumaine que je ressentais.
Pendant un moment, je me pliai en deux, à bout de souffle, pour recracher le sang dans ma bouche. Puis lorsque je me redressai à nouveau, il hurla et me porta un dernier coup de poing à la tempe qui me brouilla complètement la vue. Cette fois-ci, malgré mes efforts, je ne réussis pas à tenir sur mes jambes.
Mes pieds me lâchèrent, je m'écroulai sur le sol, et puis ce fut le noir complet.

Rock Hard, Love HarderOù les histoires vivent. Découvrez maintenant