Je me réveillai le lendemain vers dix heures du matin, ravi de ne pas avoir été dérangé plus tôt par la maudite alarme de mon téléphone. En même temps, je ne savais pas pourquoi j'étais déjà debout, puisque chacun de mes muscles semblait peser une tonne. J'en déduisis que c'était là, la revanche de mon corps pour le décalage horaire.
Néanmoins, je décidai de ne pas me rendormir et je me traînai hors du lit, car je mourais de faim. Finalement, peut-être que je l'avais, la raison de mon réveil...
Après une rapide toilette, je descendis dans la cuisine au décor de style rustique où Sara m'accueillit avec un petit air mutin. Elle portait encore son tee-shirt XXL, et ses cheveux étaient rassemblés n'importe comment dans sa queue de cheval haute.
— Donc c'est ce à quoi ressemble une star au réveil ! s'amusa-t-elle en remuant quelque chose sur le feu.
— Un dieu du rock ? fis-je avec un sourire de guingois.
— Je pensais plutôt à dieu de la bave, pouffa-t-elle.
Décontenancé, je me touchai le visage pour vérifier. Je ne bavais jamais. De plus, je m'étais brossé les dents, il y avait à peine quelques minutes. J'aurais dû savoir qu'elle se payait ma tête, comme en témoignaient son rire amusé et son regard triomphant.
— Très drôle ! grommelai-je.
— Oui, c'était drôle, gloussa-t-elle, visiblement de bonne humeur.
Elle me détailla ensuite de la tête au pied en s'attardant sur mon torse nu avant de commenter avec un haussement de sourcils :
— C'est ton nouveau stratagème pour me mettre dans ton lit, ce matin ?
— Crois-moi, ma belle ; j'ai envie de toi tout le temps. Mais pour le moment, faudra disputer mon attention avec le contenu de ta poêle, rétorquai-je, mi-figue mi-raisin.
Je dormais rarement avec des tee-shirts ; donc je n'en portais pas souvent les matins. Je savais que j'avais de beaux abdos, mais je n'avais eu aucune arrière-pensée en les exhibant ce jour-là... Tout ce qui m'attirait à ce moment-là, c'était la nourriture. J'avais tellement faim, que j'avais déjà rangé le souvenir de l'empoisonnement de Sara dans un coin éloigné de mon esprit.
— Assieds-toi, me suggéra-t-elle sans perdre sa bonne humeur. C'est presque bon.
J'obtempérai et m'installai en face d'elle, le menton appuyé sur mes bras croisés au-dessus de la table. Elle s'activait sans arrêt derrière les fourneaux ; remuant de temps à autre sa spatule ou déplaçant d'autres ustensiles ; sortant un plateau, puis deux du four avant de les éventer avec la main... Elle préparait un festin ou un petit-déjeuner ?
— Pourquoi tu me regardes comme si tu veux me manger toute crue ? s'intrigua-t-elle en plissant le front, lorsque ses yeux croisèrent les miens.
— Peut-être, parce que je voudrais te manger toute crue, la narguai-je avec un sourire narquois.
Mon ventre choisit ce moment-là pour émettre un gargouillis de tous les diables et Sara se marra :
— T'es en train de me dire que t'as des pulsions cannibales ?
Mon ventre gargouilla à nouveau et elle leva les mains en signe de reddition.
— OK, OK. Je vais mettre la table. Je ne veux pas me faire manger. Et je t'interdis de faire une réplique salace du genre : « Oh, mais je te garantis que tu adorerais te faire manger, ma belle ; surtout quelque part en particulier... », m'imita-t-elle d'une voix rauque, avec un clin d'œil théâtral.
J'avais faim comme un loup. Pourtant, je me surpris à m'esclaffer comme un malade.
— Je ne suis pas aussi ringard ! protestai-je en rigolant. Mais si tu veux te faire manger quelque part en particulier...
— Tais-toi, Rick ! rit-elle à son tour.
Je l'aidai ensuite à mettre la table et on petit-déjeuna dans une ambiance détendue et plaisante, passant notre temps à nous taquiner mutuellement et à rire de n'importe quelle connerie. J'aimais tellement notre nouvelle complicité ! C'était comme si, en se confiant l'un à l'autre, on avait autorisé un nouveau vent à souffler sur notre relation. Un vent d'espoir et de promesses.
— Alors, t'es partant pour qu'on aille skier ! s'écria-t-elle avec enthousiasme après un énième éclat de rire.
— T'es de retour avec ça ! grondai-je en enfourchant un morceau de bacon.
Je n'aimais pas la neige. Je ne savais pas skier et je ne voulais voir personne d'autre qu'elle.
— Ce sera super, tu verras, insista-t-elle. J'ai regardé sur leur site hier. L'entreprise qui loue le chalet fournit les équipements et un moniteur pour accompagner les débutants. On a qu'à appeler. Il y a même des pistes spéciales pour apprentis où tu ne courras aucun risque. De plus, il y a un centre commercial à à peine trente minutes pour les tenues. Ça fait trop longtemps que j'ai pas skié. S'il te plaît, accompagne-moi.
La sonnette m'épargna de répondre encore une fois par la négative, et je m'empressai d'aller ouvrir en la laissant les mains jointes et les yeux suppliants.
Notre visiteuse était une femme de la quarantaine aux cheveux de braise. Elle avait aussi une petite bouche en cœur et était emmitouflée sous une épaisse couche de vêtements, nécessaire avec la température extérieure qui m'avait giflé en ouvrant la porte.
— Guten morgen ! dit-elle, enthousiaste.
Je supposai que c'était bonjour dans sa langue et lui répondis d'un ton las en anglais. Elle secoua négativement la tête, me signifiant qu'elle ne comprenait pas, alors j'appelai Sara. Celle-ci s'adressa à elle en souriant avant de l'inviter à entrer.
— C'est la femme de ménage, m'expliqua ma compagne. Elle parle uniquement allemand.
— OK, grommelai-je, contrarié qu'on eût interrompu notre petit-déjeuner.
Apparemment, je n'étais pas au bout de mon irritation, car le quart d'heure suivant, Sara m'ignora totalement, focalisant toute son attention sur sa nouvelle amie. Son excuse était qu'elle profitait de l'occasion pour pratiquer son allemand bancal.
Je détestai immédiatement cette Maria et priai pour qu'elle reparte au plus vite. Les cieux ignorèrent bien évidemment ma prière, alors je craquai lorsque dans un ultime éclat de rire, la rousse déposa sa main sur la taille de Sara. C'était assez !
— Sara, on va skier ! décrétai-je.
— Mais je croyais ...
— J'ai changé d'avis, coupai-je en tournant les talons.
J'entendis ses pas à ma suite dans l'escalier, mais je ne me retournai pas, car je n'avais pas envie de découvrir son expression. Par contre, lorsqu'on eut fini de nous préparer et que notre chauffeur vint nous chercher ; je ne pus manquer son rictus moqueur en grimpant dans le van. Elle pouvait se moquer si elle voulait, mais je ne supportais jamais d'être relégué au second plan.
Elle avait encore son sourire de guingois lorsqu'une demi-heure plus tard, après avoir été au centre commercial, on arriva à la vaste station de Zermatt. Son bonnet pompon vissé sur la tête, elle jetait de temps en temps des regards en biais à mon visage boudeur. Ensuite, elle se cachait la bouche de sa main et riait en silence.
Elle pouvait rigoler ; elle au moins ne ressemblait pas à un épinard. Elle était magnifique avec ses lunettes, dans son pantalon et son manteau de ski rouge et blanc, cintré à la taille. De plus, elle semblait parfaitement dans son élément au milieu de toute cette neige.
Moi, par contre, je donnerais tout pour enlever mes lunettes de ski, mon cache-oreilles et ma combinaison verte afin de rentrer au chalet. Déjà que je n'aimais pas l'hiver ; en plus, je portais du vert. Moi ? La couleur des chenilles ? Tout ça, parce que j'avais attrapé le premier truc sous ma main, afin de fuir au plus vite cette maudite vendeuse tactile. On devrait vraiment commencer à coller des amendes à ces gens-là, qu'ils apprennent à respecter l'espace vital des autres.
J'étais de très mauvaise humeur et ça allait croissant, car ce cours de ski pour débutant me faisait chier au plus haut point. On avait plus d'une demi-heure sur la piste, cependant, j'arrivais à peine à faire le pas de canard sans tomber.
— Vas-y ! Tu peux te moquer, encourageai-je Sara qui riait encore dans sa barbe.
— De quoi parles-tu ? demanda-t-elle, feignant l'ignorance.
— Ouais, c'est ça, maugréai-je.
Elle finit par laisser libre cours à son hilarité et s'essuya les yeux quelques minutes plus tard, avant de commenter :
— Ça te fout tellement les jetons de ne pas être au centre de l'attention, que tu préfères lutter avec ton matériel de ski plutôt que de me regarder rire avec Maria... Tu n'es qu'un grand gamin et ça, c'est jouissif.
Je levai les yeux au ciel et elle enchaîna avec un rictus goguenard :
— C'est bizarre ! Tu ne fais pas de commentaires à propos du mot jouissif.
Elle réussit à m'arracher un petit sourire et je rétorquai :
— Arrête, où je finirais par croire que tu ne peux plus te passer de mes reparties salaces.
Elle gloussa, mais ne releva pas. Suite à cela, elle se remit à skier et me lança avant de descendre la pente :
— Détends-toi ! Tu n'y arriveras pas si tu es si crispé.
Géniale ! C'était son tour après le moniteur à la peau basanée, qui m'évitait depuis que je lui avais crié de me foutre la paix. Je n'en pouvais plus ; il me les cassait avec son speech qu'il semblait avoir étudié par cœur : « Le ski est un sport qui nécessitait une relaxation totale tout en gardant un minimum de concentration, nanana... »
Je n'aimais pas le ski. J'avais grandi en Californie, je n'avais aucun sens de l'équilibre. Or, je détestais être nul en quelque chose ; mon ego en prenait un grand coup, et ça n'arrangeait rien du tout.
Sara, elle avait déjà skié. Le noiraud s'était juste contenté de lui rappeler les règles de base. Et là, elle se faisait un plaisir à tourner autour de moi en gloussant.
Avec un soupir résigné, je décidai à mon tour de faire quelques pas et parvins à rester en équilibre une bonne minute. Par la suite, je pris trop confiance et tentai de descendre une petite pente de 30 degrés ; poids orienté vers l'avant, genoux fléchis, spatules rapprochées, talons écartés, pour m'empêcher de dégringoler, comme on me l'avait répété. Fier de moi, en atterrissant sur la zone d'arrivée, je me tournai pour adresser un sourire triomphant à Sara.
Grossière erreur ! Pendant ce moment d'inattention, je perdis l'équilibre et me mangeai une bonne quantité de neige en tombant vers l'avant. Ce sport n'était décidément pas fait pour moi. En pestant, je pivotai sur le dos et ma compagne glissa jusqu'à moi en se moquant :
— J'ai sûrement dû me tromper, parce que quelques secondes à peine, j'ai cru voir un sourire.
Je luttai pour rester renfrogné. J'étais par terre, donc je me sentais un peu humilié. Mais il fallait croire que Sara ne cesserait jamais de m'étonner, car à mon grand dam, là dans la neige, j'éclatai de rire...
— Relève-toi, je te guiderai, proposa-t-elle. Tu as traumatisé le pauvre moniteur.
— Je suis bien comme je suis. Et il l'avait cherché.
— Rick ! me gronda-t-elle.
— En fait, je veux pas que tu m'aides, car ça ferait trop Perfect, d'Ed Sheeran. Sauf que ce serait moi dans le rôle de la meuf et c'est pas cool.
Elle partit d'un fou rire énorme et elle rigola tellement fort qu'elle finit par tomber à son tour dans la neige.
— OK, toi aussi t'es tombée, mon ego va mieux, soupirai-je en me remettant debout. J'accepte que tu me guides, assurai-je avec bonne humeur en lui tendant la main.
Elle l'attrapa et me souffla en se remettant debout :
— Rappelle-toi : est-ce que c'est fun, avant est-ce que ça a l'air cool.
— Oui, prof.
— Prêt ?
J'acquiesçai et la laissai au contrôle. La plupart des gens autour de nous ne nous regardaient même pas. Toute cette inattention m'était étrangère. Je n'étais pas habitué à passer inaperçu de la sorte, mais bizarrement, ça me plaisait.
Les joggings de Sara et mes séances de muscu aidant, on ne se fatigua pas trop vite. Après pas mal de chutes dont je n'avais désormais rien à faire ; au bout d'une heure, sans avoir le niveau d'un pro, je me débrouillais assez bien et je m'amusais tout autant. On glissait main dans la main, et on se marrait lorsqu'on finissait la tête dans la neige.
Sara était une excellente prof. Elle ne se décourageait pas et prenait tout à la rigolade. Au bout d'un moment, je finis par me sentir tellement bien sur mes skis, que j'envisageai de revenir un autre jour. Glisser procurait une telle sensation de liberté lorsqu'on s'autorisait à se laisser aller. C'était exceptionnel !
J'étais trop reconnaissant envers ma coach. D'ailleurs, celle-ci était en haut d'une petite pente que je venais de descendre ; sautillant et m'applaudissant tellement lorsque je réussis un virage parallèle, qu'elle perdit l'équilibre et roula jusqu'en bas.
Le cœur battant, je m'empressai de l'y récupérer, mais elle m'assura ne pas être blessée.
— Tu es sûre, doutai-je en la remettant debout.
Ce n'était pas un haut talus, car on évoluait sur la piste avec un panneau bleu, indiquant que c'était celle des débutants. Cependant, j'avais eu quand même peur ! Elle aurait pu se fracturer quelque chose.
— Rick, je ne suis pas en sucre, protesta-t-elle. Je suis trop fière de toi, putain. T'as vu ce virage ! Comme un pro ! s'écria-t-elle avec tellement d'entrain que j'en oubliai sa chute.
— Merci, lui dis-je avec un sourire sincère.
— Un plaisir. Tu vois, tout est mieux quand on s'en fout de ne pas avoir l'air cool.
— Eh oui, je l'ai compris. Peu importe, la prochaine fois, c'est moi qui fais Ed Sheeran.
— Tu y tiens tant que ça ? se marra-t-elle.
— C'est un joli clip.
— Comme tu veux, sourit-elle.
— Et j'adore encore plus la fin, assurai-je.
— Je ne m'en rappelle pas trop. Ça finit à la scène avec le petit chat, non ?
— Non, ça finit comme ça ! murmurai-je avant de déposer doucement mes lèvres sur les siennes.
J'avais peur qu'elle me repousse, mais après s'être braquée une seconde, elle se laissa aller et noua ses mains gantées derrière ma nuque. Mon cœur fit un saut périlleux de joie et je laissai tomber le bâton que je tenais encore afin de la serrer fort contre moi.
On s'embrassa avec fièvre, là, au milieu de tous ces gens qui montaient et descendaient. Nos langues valsaient en harmonie, nos cœurs battaient à l'unisson, nos mains s'agrippaient à l'autre comme une bouée...
Au milieu de cette piste enneigée, rien d'autre ne comptait que cet étourdissant baiser qui déchaînait des feux d'artifice dans tout mon corps. C'était à peine si on prenait des pauses pour reprendre notre souffle. Je ne voulais plus m'arrêter et ses mains avides dans mes cheveux m'indiquaient qu'on était sur la même longueur d'onde ; tous deux perdus dans ce tourbillon passionnel et voluptueux...
C'était un moment digne de l'une des meilleures comédies romantiques. Le genre de scène où tout le monde retenait leur souffle dans la pièce, et ne pouvait s'empêcher d'envier les acteurs, tellement c'est intense. Le genre d'instant trop magnifique, trop divin, trop magique...
Le genre d'instant tout simplement trop Perfect.
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Rock Hard, Love Harder
Aktuelle LiteraturRick Rivera est une superstar du rock adulée de toutes. Mais le ténébreux chanteur cache un lourd secret... *** Pour protéger sa célébrité et son homosexualité, Rick accepte de conclure un faux contrat avec Sara suite à un concours de circonstances...