⭐66. Coupable 2

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— Je crois que je l'ai mérité, m'exprimai-je faiblement en me retenant de me toucher la joue pour m'assurer que celle-ci était encore en place.
Elle n'y était vraiment pas allée de main morte. Cependant, je ne m'énervai, ni ne protestai, parce que comme je l'avais dit ; je savais que je ne l'avais pas volé.
— Tu crois que tu l'as mérité ? s'insurgea-t-elle d'une voix perçante. Tu crois ? J'ai été harcelée, humiliée et t'as même pas osé lever un petit doigt pour m'aider. T'es un monstre, Rick !
Ça aussi, je l'acceptais.
— Je suis désolé, bafouillai-je, l'expression suppliante.
C'était vraiment peu, mais que lui dire ? Je n'avais pas l'intention de me défendre ; je n'en avais pas le droit, non plus d'ailleurs. Je ne pouvais qu'implorer son pardon.
Elle rigola et cingla avec sarcasme :
— Ah, il est désolé ! C'est fou comme tout va mieux maintenant ! J'ai été tellement persécutée que j'ai dû me réfugier chez ma maman, poursuivit-elle avec acrimonie. Elle me consolait. Elle me disait que tu allais réaliser que jamais, je ne t'aurais trompé ; que tu m'aimais ; que tu allais m'appeler. J'y ai cru un moment, moi aussi. J'ai attendu encore et encore. Et je n'ai pas eu un seul putain de coup de fil ! hurla-t-elle. Tu réalises au moins ce que j'ai dû endurer ? On me traitait de salope partout où j'allais, parce que je t'ai soi-disant brisé le cœur, alors que c'était toi qui n'étais pas foutu de me faire confiance.
Les gens avaient raison : la vérité blessait. Chaque mot qu'elle avait lâché m'avait fait l'effet d'un coup de poignard. Elle avait raison. Totalement raison. Mais il fallait que ça s'arrange. Je ne m'imaginais pas continuer sans elle. J'allais changer. Une boule de culpabilité au creux de la gorge, mes yeux implorants sa clémence, je déglutis difficilement et tentai d'une voix chevrotante :
— Sara, écoute-moi. Je t'aime. Je...
— Tu m'aimes ? rit-elle sans joie. Sais-tu au moins ce que ça veut dire ? me dévisagea-t-elle avec mépris. La seule qui ait aimé dans cette histoire, c'est moi. Tu m'as prise pour une conne, manipulée, menti... J'ai flanché le jour où je l'ai appris, parce que ça a ébranlé tout mon monde, mais au fond de moi, je songeais déjà à te pardonner. Je te gueulais dessus parce que ça m'a blessée, mais je n'avais jamais envisagé un seul instant d'abandonner. Toi, tu m'as laissé tomber. Tu m'as insultée et tu m'as tourné le dos. J'espère que tu sais vraiment le genre de personne que tu es, car ce beau visage n'est qu'une illusion. Tout est noir en toi, Rick. Tu n'as pas de cœur.
J'avais l'impression d'être le plus gros minable sur terre. Je n'arrivais même pas à soutenir son regard, parce que j'avais trop honte. Je m'étais conforté pendant tout ce temps dans le rôle de la victime, alors que celle qui souffrait vraiment, c'était elle.
Maintenant que j'en prenais pleinement conscience ; l'individu égoïste, orgueilleux et mégalomane que j'étais, m'exécrait. Comment avais-je pu me convaincre que c'était normal de me comporter comme ça ? Je regrettais tellement, mais je ne pouvais plus rien, à part ne plus jamais recommencer. Et justement, j'avais besoin d'elle dans ma vie pour ne plus être ce genre de personnage vide et froid. J'avais besoin qu'elle me sauve de moi-même.
Je me rapprochai d'elle, les épaules lourdes, et tombai à genoux dans le froid. J'inclinai la tête et gardai mes yeux cachés par mes cheveux, fixés au sol, car je ne me sentais toujours pas le courage de la regarder en face.
— Je t'en prie, l'implorai-je avec toute ma détresse. Dis-moi quoi faire. Je suis prêt à tout, Sara. Je te demande pardon. Je sais que j'ai merdé, mais j'ai besoin de toi. Je t'en supplie, dis-moi ce qu'il faut faire pour arranger tout ça.
Elle recula comme si elle ne pouvait supporter d'être aussi près de moi, et je m'affalai sur mes talons, désespéré et vaincu.
— Pour arranger tout ça ? répéta-t-elle d'un ton aussi incrédule que révolté. Tu penses que je suis là pour ça ? Tu ne me mérites pas, Rick ! Tu ne mérites pas tout l'amour que j'ai à donner. Aussi douloureuse qu'ait été cette décision, j'ai choisi de tourner la page. Je vaux mieux que toute cette merde. Je veux juste qu'un jour quand tu seras vieux ; dans la grande maison que t'occuperas seul avec ton égo ; je veux que tu te rappelles qu'il y avait quelqu'un qui t'aimait de tout son cœur et que toi, tu l'as laissé tomber.
Cette dernière phrase fut comme un coup de massue sur ma poitrine et je sentis l'air se raréfier. J'étouffais. J'avais le cœur en miette. Je ne pouvais même plus contenir mes larmes ; je n'en avais pas envie de toute façon. J'avais l'impression que l'hiver n'était plus à l'extérieur, mais à l'intérieur de moi ; cruel, impitoyable, transformant tout en glace sur son passage avant de les faire sauter... Je mourrais. J'avais mal et froid à mon âme. Mon soleil avait déserté. Je l'avais perdu à cause de mes conneries.
J'avais passé ce temps à pleurnicher, à m'apitoyer sur mon sort. Elle, elle recevait des messages de haine et des menaces, alors que j'aurais pu arrêter ça d'un simple tweet.
Je méritais ma souffrance. Je méritais chaque élancement martyriseur de mon crâne, chaque respiration douloureuse, chaque battement de cœur torturé... Ce n'était pas elle qui m'avait infligé tout ça, mais moi-même. Elle allait me quitter. Ma moitié. Celle avec qui j'avais partagé tous ces fous rires. Celle que j'aimais... Elle allait partir et je ne me sentais pas le droit d'insister. Pas après ce que j'avais fait.
Lorsqu'elle se mit à respirer plus vite, je crus que c'était parce qu'elle luttait pour maîtriser sa colère. J'étais encore à genoux, frigorifié, voûté comme une larve et n'avais pas encore trouvé la force de me relever. Cependant, lorsque le sifflement émanant de sa gorge s'intensifia ; je savais que quelque chose clochait.
— Sara, l'appelai-je en me redressant, alarmé.
Sa poitrine s'élevait et s'abaissait à un rythme irrégulier, comme les gens qui faisaient des crises d'asthme. Son visage était devenu tout blanc, et mon sang ne fit qu'un tour lorsqu'elle se tint la gorge en me fixant avec une expression de noyée. Que se passait-il, nom de Dieu ?
Terrifié, je restai figé sur place pendant quelques bonnes secondes. Cependant, lorsque ses jambes cédèrent et qu'elle tourna de l'œil, mon corps fut comme parcouru par un éclair et je la rattrapai avant qu'elle ne touche le sol.
Mon cœur battait à deux cents à l'heure. Ignorant le froid mordant, je me dirigeai à grands pas vers la voiture en la portant dans mes bras. Je n'avais pas encore atteint de véhicule que je m'étais mis à hurler comme un naufragé :
— Ouvre-moi ! Monica !
Celle-ci ne perdit effectivement pas de temps. Elle descendit de la voiture, et garda la portière arrière bien ouverte pour que je puisse installer Sara. Elle vérifia ensuite ses signes vitaux et plissa le front en concluant d'une voix songeuse, préoccupée :
— Elle respire, mais son cœur bat anormalement vite. Installe-toi, on va à l'hôpital.
Je pris place à côté de Sara en soulevant le haut de son corps, pour le déposer contre moi. Ensuite, impuissant, je me mis nerveusement à lui caresser les cheveux de mes doigts paniqués.
Monica démarra sans perdre de temps et ajusta le rétroviseur intérieur pour s'adresser à moi.
— Qu'est-ce qui s'est passé exactement ?
— Je ne sais pas. Elle parlait et elle a commencé à ne plus pouvoir respirer, puis elle est tombée. Je... je ne sais pas ce qu'elle a. Je ne sais plus, débitai-je d'une voix angoissée.
— Ah ! Et il est où mon manteau ?
— Je m'en fous, putain ! hurlai-je, au bord de la crise.
Comment pouvait-elle penser à ça dans un moment pareil ?
— OK, OK. Pas la peine de s'énerver. Elle était en colère ? Elle souffre de maladie cardiaque ? D'asthme ?
— Pas à ce que je sache, non. On est presque arrivés ? m'impatientai-je en tirant mon labret entre mes dents en signe de nervosité.
— Ça va ! Je vais aussi vite que je peux. La route est enneigée, Rick.
Tendu était un faible mot pour désigner l'état dans lequel je me trouvais. Mon esprit tordu ne cessait d'imaginer les pires scénarios et à chaque fois, mon pauvre cœur frôlait la crise, tellement il s'affolait.
Lorsque le corps de Sara se mit à remuer entre mes mains, je faillis m'évanouir à mon tour, mais de soulagement.
— Elle se réveille ! m'écriai-je en respirant normalement pour la première fois depuis tout à l'heure.
Elle n'était restée inconsciente que cinq minutes, mais celles-ci faisaient partie des plus longues de toute mon existence. J'avais vraiment eu la peur de ma vie !
— Hey ! Je suis là, lui murmurai-je doucement, tandis que ses yeux remuaient de plus en plus sous ses paupières closes.
Elle les rouvrit lentement et articula d'une voix faiblarde, mais tout de même agressive, en croisant mon regard :
— Dégage !
Bizarrement, ça me fit rire. Elle ne changerait donc jamais. Rebelle un jour...
Mais ce qui m'inquiétait à ce moment-là, c'étaient ses yeux. On dirait ceux d'un camé qui déployait des efforts considérables pour rester éveillé. Je ne comprenais toujours pas ce qui se passait. L'angoisse me regagnait petit à petit, mais je m'efforçai de ne pas la laisser transparaître, car elle ne servirait à rien.
Au contraire, je me remis à lui caresser ses cheveux récemment coupés en lui annonçant de façon rassurante :
— On t'emmène à l'hôpital !
— Pas la peine, répliqua-t-elle d'une voix traînante, à peine audible. Je sais ce que j'ai. Je ne veux pas aller à l'hôpital. Je dois juste...
Ses yeux tournèrent de nouveau dans leurs orbites et elle retomba dans les pommes.
— Que dois-je faire, Monica ? m'affolai-je.
— Je ne sais pas. Je ne sais pas, répondit-elle sur le même ton.
— Tu penses qu'on devrait l'écouter et ne pas l'emmener ?
— Je ne sais pas.
— Mais dis autre chose, merde ! m'énervai-je.
— Mais je ne sais pas quoi dire ! se défendit-elle en levant les mains dans un geste impuissant.
Un énorme nœud m'enserrait l'estomac, j'étais plus que paniqué. Mon cerveau se mit alors à fonctionner à plein régime pour trouver une solution. Sara avait affirmé savoir ce qu'elle avait. Donc si elle estimait que ce n'était pas assez grave pour qu'on l'emmène à l'hôpital, j'allais lui faire confiance.
— Conduis-nous à l'hôtel de préférence ! communiquai-je à Monica.
Elle fronça les sourcils, la mine dubitative en me dévisageant dans le rétroviseur.
— Tu es sûr ?
— Oui.
— OK ! conclut-elle, d'un air peu convaincu.
On arriva assez vite au cinq étoiles et je portai Sara jusqu'à ma chambre. Non pas que l'avis des autres comptait pour moi, mais je fus heureux de n'avoir croisé que quelques rares clients qui m'avaient jeté des regards curieux, en plus des gars de la sécu. Je n'aurais vraiment pas eu la force d'affronter les paparazzis ou les interrogations de mon équipe à cette heure.
Monica me promit que je pouvais l'appeler si j'avais besoin de quoi que ce soit, avant de quitter la chambre. Je l'en remerciai et m'installai sur une chaise en face du lit où était allongée Sara. Ensuite, je patientai en tapant nerveusement du pied.
Cette fois-ci, son sommeil dura beaucoup plus longtemps, mais lorsque finalement elle en émergea, elle avait grandement meilleure mine. J'étais vaguement soulagé, mais je me tançai à rester immobile pour ne pas l'intimider.
Elle cligna plusieurs fois des yeux, avant de se redresser et d'analyser l'environnement autour d'elle pour essayer de se repérer. Sauf que, dès que son regard se posa sur moi, elle perdit son expression penaude, pour adopter une autre, glaciale.
— Je dois sortir d'ici ! déclara-t-elle en déposant ses pieds par terre.
— Sara, calme-toi, suggérai-je d'une voix apaisante en me mettant lentement debout.
À ma grande surprise, elle s'était immobilisée suite à ma phrase. Ensuite, elle plissa les sourcils, comme si elle se perdait dans une réflexion profonde. Puis finalement, quelques secondes plus tard, elle s'écria d'une voix paniquée, comme quelqu'un qui venait de prendre conscience d'une chose grave :
— Les toilettes ! Il faut que j'aille aux toilettes !
Je les lui indiquai, l'expression perplexe. Elle s'y engouffra, comme si elle avait la mort aux trousses, avant de verrouiller la porte derrière elle.
Cette situation me dépassait de plus en plus. Je me sentais tellement inutile et paumé. Dès l'instant où elle avait disparu dans l'autre pièce ; je m'étais mis à faire des allers-retours, la tête entre les mains.
Qu'est-ce qui lui arrivait exactement ? Je ne l'avais jamais vu tomber malade. Était-ce juste un simple malaise ? Ou peut-être qu'elle m'avait caché un quelconque problème de santé. Ou alors ça avait rapport avec ce truc qu'elle avait peur de me dire ce matin-là dans la cuisine, avant que Marcos ne m'appelle et que tout dégénère. Ce jour-là, elle m'avait assuré que son souci n'avait aucun rapport avec un bébé ; l'aurait-il avec une certaine maladie, par hasard ?
Je ne pouvais pas empêcher à mon cerveau de partir dans tous les sens ; chacun plus ténébreux que l'autre. Je savais qu'elle m'avait déclaré ne plus vouloir de moi dans sa vie et je la comprenais parfaitement. Mais je l'aimais et elle allait mal. Je ne choisissais pas de m'en faire, c'était tout simplement naturel.
Trois minutes s'écoulèrent et je n'entendis pas le moindre bruit dans les toilettes. Ma panique revint rapidement au galop. Et si elle s'était encore évanouie ? Et si en tombant, elle s'était cogné la tête, contre quelque chose ?
Pour en avoir le cœur net, je m'approchai de la porte afin de l'appeler. Cependant, avant que je ne prononce quoi que ce soit, je l'entendis parler d'une voix étouffée, comme si elle craignait d'être entendue.
Je n'en avais certainement pas le droit, mais ma curiosité l'emporta : je collai une oreille contre la porte pour tenter de capter ses paroles.
— Maman. Oui, oui, je rentre bientôt. Juste, j'ai un petit truc à te demander. Tu peux me rappeler exactement de quoi est mort papa ?

Rock Hard, Love HarderOù les histoires vivent. Découvrez maintenant