— Ne dis rien ! me prévint Sara à la minute même où je déboulai dans le salon.
— Je...
— Chut !
Elle déposa un doigt sur ses lèvres, comme faisaient les profs à la maternelle. Ensuite, elle enleva ses talons et grimpa les escaliers en direction de sa chambre.
Dire que j'avais compté sur cette soirée pour nous rapprocher ! C'était comme si la nature avait voulu me punir : j'étais tombé sur un embouteillage monstrueux sur Washington Boulevard. J'y étais resté coincé pendant plus d'une demi-plombe avant de trouver une sortie pour emprunter un raccourci. Malgré tout, plus de trois heures s'étaient écoulées depuis mon départ de la maison, et j'avais préféré rentrer au lieu de me rendre à la galerie.
Je regrettais tellement de ne pas avoir été là pour elle. Ce fut avec un pincement au cœur que je l'avais laissée se rendre toute seule à ce vernissage. Mais il avait fallu que je m'assure que Marcos allait bien ; j'avais vraiment imaginé le pire quand les urgences m'avaient appelé. Désormais, il faudrait juste trouver le moyen de me rattraper auprès de Sara.
À l'étage, la porte de celle-ci était entrouverte lorsque je passais devant pour me rendre dans ma propre chambre. Je n'en avais pas le droit, mais je m'arrêtai sans pouvoir détacher mon regard d'elle qui enlevait ses épingles à cheveux, puis se massait le crâne en poussant un soupir de bien-être devant la commode.
Elle pénétra ensuite dans le dressing situé au fond de la pièce et j'ajustai ma position afin de mieux l'observer. C'était mal, mais je la trouvais si sexy dégageant ses cheveux de son dos avant de défaire lentement sa fermeture éclair.
Sa robe atterrit à ses pieds et je déglutis difficilement lorsqu'elle s'en extirpa gracieusement, uniquement vêtue de ses sous-vêtements assortis en dentelles rouges.
J'étais fou de ses jambes. C'était l'une des choses à m'avoir toujours fasciné chez elle. Toniques, grâce à ses joggings réguliers, magnifiquement galbés ; parfaits pour se placer de part et d'autre de mes hanches...
Ma gorge devint toute sèche lorsqu'à cette pensée, le souvenir de notre dernière nuit me heurta comme un camion, et malheureusement, j'expirai un peu trop brusquement par la bouche.
Elle se retourna à cet instant-là et son regard stupéfait contra le mien.
— Enfoiré, la vis-je prononcer avant de venir d'un pas rageur dans ma direction. Va te faire foutre, Rick ! brailla-t-elle après avoir furieusement claqué la porte.
— D'habitude, les gens y vont à deux, rétorquai-je en rigolant, nullement embarrassé d'avoir été pris sur le fait. C'est quand tu veux, ma belle.
— À quoi tu joues, bordel ? Tu fouilles mon téléphone ; maintenant, tu m'espionnes ?
— Je ne te... Quoi ? répétai-je, perplexe. C'est quand j'ai fouillé ton téléphone ? Mais je ne te ferais jamais ça, Sara. Je sais qu'après tu ne pourrais plus me regarder dans les yeux, car tu m'as torse nu en fond d'écran.
Je m'esclaffai tout seul de ma propre blague et je l'entendis s'éloigner à grands pas de la porte.
— Désolé de ne pas avoir été là, m'écriai-je afin d'être entendu. J'avais vraiment...
— On dirait que tu ne comprends pas ? s'éleva sa voix agacée au fond de la chambre. Je n'en ai rien à faire de tes raisons. Tu ne m'as même pas manqué.
— Quoi ?
— Surpris ? pouffa-t-elle de façon méprisante. T'as tellement l'habitude d'être indispensable ? Pauvre chéri... En fait j'ai passé une super soirée. Ton pote Shawn a vraiment été aux petits soins avec moi, et j'ai appris... pas mal de choses sur toi.
Quoi ? Que lui avait dit ce connard ? Elle avait passé une bonne soirée ? Il avait été aux petits soins avec elle ? Ça voulait dire quoi exactement ?
— Pardon ! m'étranglai-je. Shawn a...
— Arrête ! me coupa-t-elle en claquant la langue. Ton étonnement est vexant, Rick. En résumé, je ne suis pas assez intéressante pour qu'il s'intéresse à moi ?
Je ne penserais jamais ça ! Au contraire, je redoutais qu'elle fût trop intéressante et qu'il se soit trop intéressé à elle.
— Je n'ai pas...
— Ouais, c'est ça, m'interrompit-elle de nouveau, avant de reprendre de bonne humeur, un sourire rêveur dans la voix : J'adore ses tatouages ! Shawn a cette façon de se foutre de l'avis de tout le monde, il est tellement bien dans sa peau. Il n'a même pas mis de costume, contrairement à tous ses invités. Et le plus étonnant dans tout ça, c'est qu'il est resté avec moi toute la soirée.
Respire ! Ça va aller, mec.
— Il n'avait pas des gens à recevoir, celui-là ? maugréai-je en contractant les mâchoires.
Ce fut le silence qui répondit à ma question. Sara devait sûrement s'être insurgée du ton autoritaire que j'avais employé. Je m'appuyai contre le porte, fermai les yeux et l'appelai plus doucement :
— Sara !
— Je suis là, répondit-elle froidement. J'essaie juste de comprendre pourquoi je te racontais tout ça. Ça ne te regarde pas, en fait. Tu n'avais qu'à être là.
Autant pour moi ! Je ravalai ma frustration et filai me changer, avec la salle de sport en tête de mes destinations. J'y passai plus de deux heures à travailler mes muscles, sauf que l'épuisement n'arrivait pas à m'enlever cette sensation désagréable que j'avais à la gorge. Je savais que je n'avais pas le droit de la ressentir. Sara avait raison : je n'avais qu'à être là. Cependant, je ne pouvais pas m'empêcher d'être jaloux.
— Alors, il te plaît, Shawn ?
Après avoir pris une douche, j'avais fait les cent pas dans toute la maison avant d'atterrir devant la chambre de celle qui occupait mes pensées, presque sans m'en rendre compte.
Celle-là m'ignora avec brio en continuant à pianoter sur son ordinateur portable duquel elle n'avait même pas détourné les yeux lorsque j'avais ouvert la porte sans frapper.
Couchée sur le ventre dans un gros tee-shirt, balançant les jambes comme une gamine, elle semblait vraiment captivée par quelque chose dans l'appareil, alors même que j'étais dans la pièce. Je détestais être ignoré. Autant dire que son attitude m'avait vraiment mis en colère et que je m'apprêtais à partir au moment où elle jeta d'un ton égal :
— Parce que te rapporter mes conversations avec tous les mecs que je croise faisait partie du contrat ? Hum, je devrais le relire un de ces quatre.
Je ne savais pas à quelle réponse je m'attendais, mais ce n'était sûrement pas à cela. J'avais envie de taper sur quelque chose. Merde, je ne voulais pas qu'ils deviennent amis !
On se dévisagea ensuite dans un silence électrique : yeux bleus face à yeux verts ; expression furibonde vers expression mutine... Pourquoi diable elle ne répondait pas tout simplement ? Et le pire, c'était qu'elle semblait se délecter de la situation.
— Pourquoi vous ne pouvez pas être ensemble ? me figea-t-elle avant que je ne tourne les talons. Toi et ta copine, pourquoi diantre vous cacher ? Tu files peu importe quand elle a besoin de toi. Elle t'écrit à cinq heures du mat que tu lui manques ; j'imagine bien que tout le monde n'a pas ce droit. Alors pourquoi vous ne pouvez pas exposer votre relation à la vue de tous ? Tu aurais pu faire d'une pierre deux coups et la choisir pour ce mariage. Que viens-je faire dans cette histoire ?
Elle débitait tout cela, la tête inclinée sur un côté, l'expression hautement troublée. Ça devait donc la travailler depuis un moment. Comme ça, elle avait fait le lien tout à l'heure ! Elle était futée, je devais le lui accorder. Heureusement qu'elle ne pouvait pas deviner toute l'histoire.
Alors là, si vous pensiez que même pendant une seconde l'idée de tout lui raconter m'avait effleuré, vous vous fourriez les doigts dans l'œil jusqu'à l'omoplate.
Je ne risquerais jamais de lui dire pour moi et Marcos et ruiner ainsi toutes mes chances avec elle. Je ne voulais pas qu'elle se mette à penser qu'elle ne me suffirait jamais, car elle était une fille ou des conneries du genre.
Ce que je ressentais pour elle dépassait toutes les lois d'attraction, de la sexualité ou de la standardisation. C'était comme si mon âme l'avait voulu, puis mon corps et mes goûts s'étaient pliés à sa volonté. Et ça, je doute que quiconque puisse le comprendre.
— Elle est mariée ? supposa-t-elle, persévérante. Attends t'es pas pédophile quand même ? Ou alors, c'est elle qui est trop vieille ?
— Arrête ! sommai-je en contractant les mâchoires.
— OK ! fléchit-elle l'expression de nouveau polaire. Mais ne pose pas de questions si tu n'es pas toi-même prêt à en supporter quelques-unes. Presque tout dans cette vie est donnant-donnant. Tu devrais le savoir pour quelqu'un qui passe son temps à baiser à gauche et à droite.
Je n'avais pas de réponse ; et je n'avais pas envie d'en chercher, car vu mon état, aucun d'entre nous ne risquerait de l'apprécier. Je quittai sa chambre et dévalai les escaliers avec le home bar en tête de mes projets immédiats. Je n'avais qu'un seul désir : noyer cette avalanche d'émotions dans l'alcool.
Ce qui m'arrivait n'était pas juste ! Mon cœur n'était pas prêt pour tous ces rebonds. Je détestais Sara Hood... Je haïssais ses manières rebelles... J'avais envie de la prendre et de la baiser jusqu'à ce qu'elle soit incapable de répliquer quoi que ce soit... J'avais envie d'elle... Je l'aimais... J'étais en colère... Je voulais faire disparaître son air buté en la prenant violemment contre un mur... Elle me rendait malade... Elle me rendait fou...
Mon téléphone se mit à vibrer dans mon bas de jogging, au moment où je remplissais mon verre dans la salle des lumières à néons. Il ne manquait plus qu'elle ! pestai-je en découvrant mon correspondant.
— Quoi ? grondai-je à l'intention de Maryse.
- Tu n'as pas été au...
— Je crois que je suis le mieux placé pour savoir où j'ai été ou pas, non ? la coupai-je, acide.
— Il se croit drôle ! s'exclama-t-elle de manière tout à fait condescendante. Donc c'était totalement de ton gré que Sara et ton pote-là se donnaient en spectacle et rigolaient comme deux tourtereaux, alors qu'elle n'est sensée avoir d'yeux que pour toi ?
— Quoi ? m'étranglai-je, incapable de digérer l'information.
— À mon tour de me croire drôle : bye ! On se reparlera quand tu te seras acheté un semblant de bienséance.
C'était quoi ce bordel ? J'allais immédiatement appeler ce connard de Shawn et...
Et lui dire quoi ? Qu'il est un fils de pute de s'être intéressé à ta magnifique femme en ton absence ? me nargua une petite voix. Tu n'as pas vu comme Sara était splendide ?
Effectivement, je risquerais de passer pour un idiot. C'était de ma faute s'il avait autant pu profiter de Sara. Je devais donc ravaler ma jalousie et fermer ma gueule. Oui, j'étais putain de jaloux ! Et je n'avais même pas honte de souhaiter qu'elle aurait dû passer la soirée à s'ennuyer dans son coin en mon absence, au lieu de faire ami-ami avec Shawn. Mon mental de connard devait être de retour en force, ce soir-là.
J'envoyai mon téléphone valser à l'autre bout du bar et celui-ci rebondit contre le mur avant de tomber sur le sol, indemne. Ma première réflexion avant de m'écrouler fut que cette saloperie devait vraiment être plus forte que moi, car personnellement, je me sentais sur le point de craquer.
Je m'assis à même le sol et ramenai mes genoux contre mon buste.
Il était hors de question que Shawn et Sara deviennent amis. Shawn était beaucoup trop... beau : brun, peau mate, mâchoire carrée dessinée, barbe complète, grands yeux en amande, sourcils fournis et longs cils qui lui donnaient un regard profond... Il était parfait, merde !
J'étais loin d'être un amateur de tatouage, mais j'étais incapable de nier la beauté des multiples dessins sur les bras et le torse du photographe. En plus, le mec avait un tel charisme, et ce, depuis toujours... Je l'enviais et l'admirais en même temps. Je me rappelais même avoir eu le béguin pour lui à une époque. On ne pouvait presque pas résister à Shawn Adams. Je n'aurais jamais dû accepter cette putain d'invitation.
Et si Sara craquait pour lui ? Non pas ça ! Pas maintenant ! Avec tout ce que j'avais en tête, je ne devrais pas avoir à m'inquiéter de l'endroit où cacher le corps d'un ancien pote. J'avais déjà beaucoup trop de problèmes.
Je risquais d'imploser à tout moment ; entre Marcos qui me mentait, et ce come-back de Dant qui faisait ressurgir mes souvenirs d'enfance. Il y avait aussi cet album à boucler, plus les interviews, le tournage des clips, la pré-tournée... Cette sœur dont je découvrais l'existence et envers laquelle, je ne savais pas quoi décider. Puis désormais, moi qui tombais amoureux... J'étouffais.
Le pire, c'était qu'il ne s'agissait même pas de la liste en entier. Je n'avais plus l'impression de vivre, je ne faisais que respirer en l'attente de la nouvelle vague de stress à venir. Je me sentais fatigué, tellement à bout...
— Tu sais si cette chambre te plaît à ce point, on peut échanger. Je n...
Sara s'interrompit en remarquant mon visage. À mon avis, elle devait y lire toute ma détresse puisqu'elle perdit tout de suite son expression dédaigneuse et adopta une autre, confuse.
— Viens jouer avec moi, m'entendis-je prononcer faiblement.
Elle haussa les sourcils d'un geste interrogateur et j'enchaînai :
— Je sais que tu me détestes, mais je ne vais vraiment pas bien, ce soir. Ça te dirait de déposer la hache de guerre pour quelques heures ?
Le front plissé, elle me détailla pendant de longues secondes durant lesquelles je crus qu'elle n'allait jamais se décider. Au moment où j'allais tenter autre chose pour essayer de la convaincre, elle me surprit en disant :
— À une seule condition : que tu signes mon contrat, et que tu respectes les termes.
Ce contrat était stupide ! Mon message n'était donc pas bien passé l'autre jour : je ne signerais jamais ! Cependant, il était inutile de la contrarier de nouveau, je ne voulais vraiment pas être seul, ce soir-là. J'acquiesçai en essayant de paraître le plus sincère possible et elle se leva du lit.
Son expression exprimait clairement son manque de confiance. À mon avis, elle ne croyait pas une seconde que j'allais tenir promesse et elle avait raison. Cependant, elle s'approcha et déclara d'un ton ferme :
— OK, juste ce soir ! Et uniquement, parce que je me sens comme une merde aussi.
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Rock Hard, Love Harder
Ficción GeneralRick Rivera est une superstar du rock adulée de toutes. Mais le ténébreux chanteur cache un lourd secret... *** Pour protéger sa célébrité et son homosexualité, Rick accepte de conclure un faux contrat avec Sara suite à un concours de circonstances...