— J'ai réussi à engager une relation. La confiance n'est pas encore complètement acquise, mais ça viendra. Il lui faut juste du temps.
Elle se tenait droite, fixant les notes qu'elle avait prises suite à ses observations sur la jeune fille.
Il était évident qu'elle avait développé un traumatisme symptomatique à son âge. Aucune chance qu'il n'y ait pas de séquelles.
Le reste découlait de là.
Traumatisme entraînant : insomnies, cauchemars, irritabilité, isolement, peur.
Et le plus évident : la dépression.
— Elle se sent mieux à ton approche ?
— Je crois qu'il y a une nette évolution de son humeur, en vue d'une future relation de confiance. Cependant, je ne peux pas encore me prononcer. Je ne suis là que depuis ce matin.
— Tant mieux. Tu sais aussi bien que moi que je t'ai engagée tout spécialement pour les résultats. Si tu me les promets dès maintenant, je serai on ne peut plus... satisfait...
Elle leva les yeux de ses notes, plongeant pour la première fois dans ceux de son employeur : Kai Chisaki, aussi surnommé Overhaul. Chef du groupe de yakuza portant le nom des Huit précepteurs de la mort.
Elle s'était renseignée à son sujet avant de s'engager, comme à son habitude. Même si on peut difficilement refuser les avances d'un chef yakuza.
Elle était donc au courant pour les aptitudes particulières de son alter.
Démonter et remonter.
Comme si les êtres humains n'étaient que de vulgaires machines, dont les pièces pouvaient être facilement manipulées.
Elle jeta un coup d'œil aux gants impeccables, soigneusement repliés sur le bureau.
Je vois...
— Concentrons-nous donc sur les termes de notre contrat. Premièrement, interdiction d'utiliser votre alter, dit-il comme s'il avait lu dans ses pensées.
Pour montrer son approbation, elle replongea dans ses dossiers.
— Ensuite, continua-t-il, ton objectif est bien sûr de protéger l'enfant tout en la mettant à l'aise.
Facile à dire quand elle est torturée chaque jour...
— Et empêcher ses évasions répétées.
Elle fronça les sourcils.
— Ceci ne fait pas partie de mes compétences, reprit-elle. Je suis plutôt dans le domaine de la persuasion.
À cet instant, elle devina le sourire du yakuza sous son masque de médecin de la peste.
— Eh bien, persuadez-la de ne pas s'échapper.
— Bien, Monsieur.
Elle dit cela avec un sourire sincère.
Réaction mécanique. Ne pas discuter avec le patron.
Elle perçut un petit ricanement.
— Vous seriez une parfaite yakuza, mademoiselle Emi Kimochi.
— Merci, mais je préfère mon emploi actuel.
— Je ne vois pas la différence.
— Est-ce pour cela que vous m'avez choisie ? Pour mes antécédents ?
— Il y a un peu de ça, bien sûr. Mais c'est aussi parce que nous avons... quelques opinions en commun.
— De quel genre, je vous prie ?
Bref instant de sincérité. Ironie mal dissimulée.
— Vous avez l'ère des héros en horreur. Ça se lit dans vos yeux.
Elle tenta de dissimuler rapidement sa surprise.
Retour au sourire professionnel.
— Bien à vous, Monsieur. Ce sera tout ?
— Une dernière chose. N'oubliez pas votre place. Vous êtes là pour gagner sa confiance, mais il se pourrait qu'à une date indéterminée, je n'aie plus besoin de vos services. Dans ce cas, vous obtempérerez.
Il planta son regard dans le sien, un air étrange sur le visage.
— Pour faire bref, ne soyez pas attendrie et concentrez-vous uniquement sur votre mission.
Fissure du masque.
Attendrie...?
— Bien, Monsieur.
Elle s'inclina et quitta la pièce en silence.
Hari, jusqu'ici simple spectateur, osa un commentaire.
— Je ne vois vraiment pas pourquoi tu l'as engagée. À la moindre occasion, elle nous trahira. Elle ne fait pas partie de la plèbe.
Le yakuza se leva lentement du dossier de sa chaise.
— C'est la meilleure dans son domaine. Elle ne faillira pas. Et en cas de trahison... Eh bien, tu sais mieux que quiconque ce qui l'attend. Et elle est assez intelligente pour le savoir aussi.
Un profond silence de réflexion suivit. Hari haussa finalement les épaules, impassible.
— N'empêche, j'ai l'impression qu'elle est un peu trop habituée à cette ambiance.
— Disons juste... qu'elle mérite le titre de meilleure négociatrice de ce siècle.
VOUS LISEZ
Un mal nécessaire
FanfictionAimer quelqu'un c'est lui donner le pouvoir de nous détruire.