Un mal nécessaire

Chapitre 3

Émerveillée.

C'était l'émotion qui se lisait chez Eri.

Le parc d'attractions. C'était un plan adéquat. Pour les enfants, cela marchait toujours.

Elle se plongeait dans ce rêve éphémère.

Accrochée à sa licorne en plastique rose, elle donnait l'impression de voler.

— Fais attention de ne pas tomber !

Emi tenait fermement sa protégée, installée à l'arrière de la selle. Elle était dans une position assez inconfortable mais essayait de faire avec, observant les alentours puis, de temps en temps, les regards rassurés d'Eri, mais transpercés par l'ombre d'un quelconque terminus.

— Allez, c'est fini à présent. Il faut redescendre.

Eri prit une mine triste mais resta obéissante, tandis que les autres enfants autour quémandaient, pour la énième fois, un autre tour de manège.

Emi la prit dans ses bras pour la hisser sur ses épaules.

Je ne veux pas rentrer.

Ses émotions hurlaient presque.

— On ne va pas rester toute la journée sur le même manège. Il y a plein d'autres choses à voir.

Et en effet, après le labyrinthe de miroirs, elles passèrent par la maison hantée, puis par le grand huit.

Emi avait pourtant dit à Eri que ce n'était pas de son âge, mais c'était sa journée.

Son mensonge. Son plaisir.

Alors Emi avait cédé, et les deux jeunes filles se retrouvèrent embarquées dans un manège qui inspirait plus la torture que le divertissement.

Pour plus de calme, elles se réfugièrent dans la grande roue, accompagnées d'une barbe à papa.

À présent, Emi observait l'enfant goûter avec envie la sucrerie à la fraise tout en fixant les environs.

De la grande roue, on avait évidemment une vue imprenable sur la ville.

Eri ne quittait pas des yeux ce paysage, imprégnant chaque détail comme si c'était la première et la dernière fois qu'elle le voyait.

— Tu n'es pas comme les autres, dit-elle.

— Hum ? Emi se pencha vers l'enfant pour mieux l'entendre.

— Tu veux me faire plaisir... Tu te soucies de moi... Mais il y a quelque chose qui ne va pas. C'est comme dans un rêve et j'ai peur de me réveiller et que tout cela ne soit pas réel.

Typique.

— Écoute... J'ai été chargée de te surveiller... C'est vrai... Mais cela ne veut pas dire que je ne tiens pas à toi.

— Mon grand frère... Il était censé me protéger... Mais il me fait mal... Et à chaque fois... Oui, à chaque fois, je me demande si j'ai fait quelque chose de mal... Si tout cela n'est pas de ma faute. Si c'est simplement pour me punir pour ce que j'ai fait à papa.

Elle se retourna, prise d'une angoisse soudaine mais lourde.

— Pourtant, je ne le voulais pas. Je vous jure... Je ne voulais pas... papa...

Elle restait dans le silence, enfermée dans les souvenirs cruels d'une enfant trop jeune pour tout ce qu'elle avait enduré.

À cet instant, Emi ressentit toute la peine, la peur, le désarroi de cette enfant.

Elle déposa sa main sur la tête d'Eri.

Cette fois-ci, il n'y avait ni ruse ni stratagème pour gagner la confiance de l'enfant.

Elle agissait par compassion.

Alors, juste pour le moment, elle murmura.

— Je suis désolée...

Ce à quoi la jeune fille répondit.

— C'est étrange, pour la première fois j'ai l'impression que tu es réellement à mes côtés.

Emi eut un sourire amer.

— Tu es bien trop perspicace, dit-elle avant de prendre la petite dans ses bras.