Chapitre 11

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Lorsqu'elle effleura sa main, il eut pour première réaction de se raidir, dubitatif quant à l'utilité de ce rapprochement.

— Vous m'avez promis 49 % et une danse ? Voulez-vous revenir sur votre décision ?

— Je n'en ferai rien.

Avec un peu trop de fermeté cette fois-ci, il entremêla ses doigts avec ceux de la jeune fille.

Le contact était pour lui pire que tout.

— J'espère que vous vous êtes lavée les mains.

Il fixait la source probable d'infection et remerciait le ciel de porter des gants.

Elle remarqua son regard et préféra lui faciliter la tâche. Elle comprenait le handicap que pouvait être la mysophobie.

— Je vais poser ma main sur votre bras. Je ferai de mon mieux pour garder une distance raisonnable, même pour une simple danse.

Il l'observa, méfiant, tandis qu'elle déposait sa paume sur son avant-bras sans atteindre complètement le coude.

Elle garda sa deuxième main dans la sienne, mais elle se laissait diriger si docilement que c'était lui qui coordonnait tous les mouvements.

Ainsi, il lui serait plus facile de supporter la pression inhabituelle sur son bras, la chaleur étrange émanant de sa paume et la distance particulière qui les séparait.

Il se montrait distant et mécanique. Ses gestes étaient rudes, graves, comme un animal contraint de faire un tour détestable.

Elle, elle essayait de sourire.

Gênée par la gêne du yakuza, elle faisait de son mieux pour le suivre.

Elle se rendait bien compte du ridicule de la situation, mais elle essayait désespérément d'établir une relation de confiance.

Tous deux allaient se lancer dans une guerre sans merci, où il faudrait jouer ruse et stratégie.

Elle ne pouvait se permettre une trahison. Leur coopération était la clé de la réussite. Une implosion intérieure serait une perte de temps.

Ça me tue de l'admettre. Mais il faut que je lui fasse confiance...
Et lui de même...

Consciente du malaise qui s'éternisait, elle entama la conversation, la chose qui ne pouvait que les rapprocher.

...
Du moins l'espérait-elle.

— Comment suis-je censée vous appeler ? Overhaul... Ce n'est pas très personnel et ce n'est qu'un surnom pour veiller à votre identité.

— Ne vous avisez pas de m'appeler par mon nom. Jamais.

— Pourtant je l'ai déjà fait.

— Vraiment ? Je ne l'avais pas remarqué.

Tout comme dans ses gestes, on pouvait sentir son incommodité dans sa parole.

— Vous n'avez pas répondu à ma question.

— Ne m'appelez pas. Tout simplement.

— Que dites-vous de James ?

— Absolument immonde.

— John ?

— Quelle originalité ! Je ne vois vraiment pas l'intérêt de cette discussion ni de ma présence ici, d'ailleurs. J'ai un nom : Overhaul. Vous m'appellerez ainsi. Le débat est clos.

Elle resta silencieuse un instant, juste un instant, avant de reprendre.

— C'est ridicule. Je ne peux pas vous saluer tous les jours avec un grand sourire suivi d'un "Bonjour, monsieur Overhaul."

— Ce n'est pas ridicule puisque vous le ferez.

— Je vous assure que non. Vous m'appelez bien par mon prénom.

— Nom. C'est une différence majeure.

— Vous avez au moins la chance de prononcer un nom.

— Kimochi. Un nom à égorger des chèvres plutôt.

— Vous avez déjà essayé de répéter plusieurs fois "Overhaul" dans une phrase ? C'est si compliqué que j'en perds mon vocabulaire.

Là-dessus, elle reprit son souffle comme si elle s'apprêtait à retenir sa respiration, puis murmura avec une vitesse extrême :

— Overhauloverhauloverhauloverhauloverhaul.

Le sérieux de la jeune fille lui arracha un sourire.

— Je vous mets au défi. Donnez-moi un nom simple, rapide mais sans trop de familiarité.

— Et en échange ?

— Je prononcerai votre prénom.

Un mal nécessaire Où les histoires vivent. Découvrez maintenant