Le temps a passé.

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Dans le parc de Central Park, en cette soirée de fin mars, deux hommes marchaient lentement parmi la foule de passants.

Un vieillard. La peau ridée, se soutenant d'une canne pour marcher péniblement. Il respire difficilement, il a mal. Oui, il souffre. Physiquement. En même temps, il vient d'atteindre cent ans. Un siècle d'existence. Il s'en était fait la promesse, plus jeune, mais il ne se souvient plus pourquoi.

De jour en jour, il sent ses forces le quitter. Mais il ne veut pas mourir. Ça non plus, il ne sait pas pourquoi. Il sait juste qu'il veut continuer à vivre le plus longtemps possible.

Alors chaque jour il ferme les yeux. Chaque jour il vit. Chaque jour il marche. Chaque jour il mange. Chaque jour il boit. Chaque jour il se lève. Chaque jour il respire. Chaque jour il vit.

En ce moment, il sourit. Il marche avec sa canne dans une main. Avec son autre bras, il en entoure un protecteur et fort. L'autre personne porte une chemise bordeaux, qui selon le vieil homme lui va très bien. L'homme est plus grand que lui. Et a le teint hâlé. Mais surtout, il est plein de vitalité, puisqu'il a la vingtaine.

Les deux hommes s'assoient sur un banc, que le plus âgé reconnaît sans vraiment savoir pourquoi.

Le jeune homme parla :

-Alors, comment tu vas aujourd'hui ?

-Je vais bien, je te remercie. Et toi mon garçon, toujours amoureux ?

-Oh oui, toujours. Tu sais bien, j'ai promis à l'homme que j'aime de l'aimer éternellement.

-C'est une grande preuve d'amour, tu sais. J'aurais aimé connaître quelqu'un comme ça. Mais je ne me souviens pas avoir été aussi amoureux que tu sembles l'être.

-Tu l'as été, Alexander. Tu m'en as déjà parlé.

Alec regarda Magnus, et lui demanda, perplexe :

-Ah oui ?

-Eh oui. Il s'appelait Magnus, comme moi. La première fois qu'on s'est rencontré, toi et moi, tu m'as d'ailleurs fait la remarque. Tu m'as raconté la solidité de votre amour. Au début, ce fût compliqué pour vous deux. Tu n'étais pas habitué à être en couple, car à vrai dire tu ne l'avais jamais été. Pourtant tu étais fou amoureux de ce Magnus. Il t'a fait prendre confiance en toi. Et c'était réciproque. Vous auriez donné volontiers votre vie pour vous sauver l'un l'autre. Vous vous êtes toujours retrouvés. Attirés comme deux aimants. Votre couple et le respect que vous avez obtenu ont fait de vous un exemple à suivre. Magnus t'aimait passionnément, et jamais, au grand jamais il ne t'oubliera. Il t'aimera éternellement. Il t'en a fait la promesse. Il souhaiterait tellement te faire retrouver ta jeunesse. Te ramener à lui. Pour que vous puissiez vivre de nouveaux jours heureux pour toujours. Tu lui manques, énormément. Mais le temps n'est pas de ton côté, contrairement à lui. Tu as fini par l'oublier, mais lui chacune de ses journées est rythmée par le manque provoquée par ton absence. Si tu savais à quel point il est dévasté à l'idée de te perdre à jamais. Il voudrait te rejoindre, une fois le moment tant redouté venu.

Une larme coula le long de sa joue tandis qu'Alec le regardait intensivement. Il était à deux doigts de se souvenir de ces yeux magnifiques et mordorés qui lui disaient vraiment quelque chose. Cette idée de ne plus savoir le rendait triste et amer. Alors il se mit à pleurer, donnant vie à ce bleu océan qui régnait toujours dans ses deux yeux bordés de rides.

-Parfois, j'aimerais me rappeler. Dit-il simplement dans un murmure.

Magnus tenta de sourire faussement à Alec, mais celui-ci n'était pas dupe.

-Qu'y a t-il, mon grand ? Tu ne devrais pas être triste.

-Pourquoi ça ? Demanda Magnus encore en pleurant et poussant un rire sans joie.

-Parce que tu as toute la vie devant toi, pardi. Tu es jeune, plein de vie. Profite ! Et ne te lamente pas sur un sort qui ne te concerne même pas. Tu dois être heureux, Magnus. Pas triste. Le jour où tu mourras, tu ne devras pas regretter d'avoir perdu ton temps avec des larmes, surtout des larmes versées de tes si jolis yeux sur ton visage magnifique pour un vieillard comme moi qui a tout oublié de son passé. Si un jour ton grand amour à qui tu a promis un amour éternel meurt avant toi, tu lui devras de te relever. Je suis certain qu'il le voudrait. En ce qui me concerne, je mettrais bien une claque à l'homme que j'ai aimé mais dont j'ai tout oublié s'il se morfond à ma mort.

Il fit une pause, puis se leva.

-Allons. Il faut que je rentre, maintenant.

Magnus acquiesça en silence, puis aida Alexander à marcher jusqu'à sa résidence, où il prit soin de lui jusqu'au coucher. Il l'embrassa sur le front et une dernière larme s'écoula sur celui-ci.



Le lendemain, une sonnerie retentit dans le loft de Magnus Bane. Il décrocha, salua, écouta, puis raccrocha sans dire un mot.

Il s'effondra. Il ne pleurait pas. Mais son corps ne répondait plus de lui. Il n'avait plus aucune force. C'est pourquoi le sorcier tomba sur le tapis du salon. C'est pourquoi il regarda ainsi dans le vide, sans bouger, pendant des heures, des jours, des semaines peut-être, à tenter de digérer la nouvelle.

Trois semaines plus tard, Magnus est toujours là, dans un état léthargique, sur son tapis. Cat, sa meilleure amie, vient s'agenouiller en face de lui. Elle constate les dégâts, puis lui pose une question simple, 'est-ce que ça va ?'

Bien sûr, elle connaissait la réponse.

Mais le sorcier ne répondit même pas par oui ou par non, mais par une simple phrase qui détruisait tout espoir d'aller bien.

-Alexander est mort.

OS MalecOù les histoires vivent. Découvrez maintenant