Prologue

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Bonjour, j'ai réécrit cette histoire en décembre 2019. J'ai supprimé des chapitres pour rendre l'histoire plus concise. C'est la raison pour laquelle les commentaires ne correspondent plus aux chapitres. Merci à tous ceux qui ont fait des remarques que j'ai essayé de suivre.




Etienne ferma la porte du véhicule de l'entreprise d'entretien de jardins et d'espaces verts qui l'employait et se dépêcha de traverser le parking jusqu'à l'entrée de l'hôpital. Il avait rendez-vous avec une très jolie aide-soignante et celle-ci lui avait promis qu'elle l'attendrait à 13 h, lorsqu'elle terminerait son service pour aller manger avec lui. Sa pause n'était pas très longue, aussi, il ne pourrait pas l'emmener dans un vrai restaurant, mais ils pourraient s'installer sur les bancs du parc qui s'étendait un peu plus loin, sur l'avenue et ils mangeraient des sandwiches. C'était toujours plus agréable d'être dehors qu'enfermés dans un café ou une brasserie ! Consultant son téléphone portable, il constata qu'il était pile à l'heure : Rachel ne pourrait pas lui en vouloir ! Il se posta près de l'entrée, bien décidé à l'attendre et regarda ses textos :

Désolée, Etienne, je ne suis plus libre pour ce midi. Rachel.

Agacé d'avoir gâché une partie de sa pause déjeuner pour une femme qui n'avait même pas jugé bon de lui donner une excuse, Etienne rempocha son téléphone et tourna le dos à la porte pour regagner sa voiture. Dommage. Elle était mignonne et avait l'air sympa. Qu'importait Rachel après tout, ce n'étaient pas les filles belles et gentilles qui manquaient ! songea-t-il avec un haussement d'épaules.

Il parvint au petit camion-benne qui contenait les outils et les déchets végétaux qu'il avait entassé au cours de sa matinée de travail et allait ouvrir la portière quand une jeune femme passa à côté de lui. Elle était grande, blonde et portait une coque en plastique à bout de bras dans lequel elle devait transporter un bébé. Au bruit que fit la portière en s'ouvrant, elle tourna son visage vers lui et il fut ébloui. C'était la fille la plus belle qu'il ait jamais vue : à côté d'elle, Rachel pouvait disparaître sous terre...

Il allait s'installer au volant quand il constata qu'elle le regardait avec des yeux immenses, très noirs, impénétrables. Elle avait une expression dégagée mais Etienne devina qu'il lui avait plu. Sans être vaniteux, il savait qu'il plaisait bien aux filles aussi esquissa-t-il un léger sourire – pas question d'être lourd – et eut la surprise de voir qu'elle le lui rendait et ralentissait imperceptiblement le pas.

— Il est mignon votre bébé, lança-t-il, pris d'une soudaine inspiration. C'est une fille ?

— Oui, c'est Flora, laissa-t-elle tomber d'un ton sec, sans accorder un regard à l'enfant attaché dans la coque.

La petite avait les yeux fermés et un petit bonnet rose couvrait son crâne. Les yeux d'Etienne se tournèrent vers la maman qui était sublime et il lui lança un regard plein d'admiration. Aussitôt, elle sourit et il crut que son cœur allait manquer un battement tant elle était sensationnelle quand elle souriait.

— Je m'appelle Etienne, Etienne Boisdeaufray, osa-t-il proposer parce que l'idée de la voir disparaître à tout jamais lui était insupportable. Voulez-vous venir boire un verre avec moi ?

— Tu peux me dire « tu », Etienne, fit-elle d'une voix un peu rauque en souriant de plus belle. Je m'appelle Léa.

Etienne n'osa pas lui proposer de porter le bébé, une jeune maman ne confierait pas quelque chose d'aussi précieux à un inconnu, mais il marcha doucement pour lui permettre de rester à son niveau. Ils s'arrêtèrent dans un café et Léa commanda un verre de vin blanc tandis qu'il prenait un coca parce qu'il devait conduire l'utilitaire l'après-midi et tous deux prirent place contre la vitrine.

Léa posa la coque de sa fille sur la table à côté de la leur et porta son verre à ses lèvres. Etienne, pour une fois, ne savait pas quoi dire : Léa était si belle qu'il ne parvenait plus à réfléchir lui qui n'avait pourtant aucun mal, d'habitude, à draguer les filles !

— Tu n'avais personne pour venir te chercher, avec ta fille ? finit-il par lui demander.

— Non, expliqua Léa avec une moue boudeuse, l'éducatrice pouvait aller me chercher mais ce soir, à 16 h, et moi, je ne voulais pas attendre. De toute façon, le foyer ou j'habite est tout près d'ici.

— L'éducatrice ?

— Oui. Je n'ai que dix-sept ans et je n'ai pas de famille, alors c'est une éducatrice qui s'occupe de moi, tu comprends ?

Etienne serra les lèvres, elle était mineure et avait déjà un bébé... Mais si elle vivait dans un foyer, cela signifiait-il qu'elle n'avait pas de mec ?

— Je vais avoir dix-huit ans dans deux mois tu sais, annonça-t-elle avec une fierté naïve.

Il respira mieux. Lui-même avait vingt-deux ans, il n'était donc pas trop vieux pour elle.

— Il est bien ton foyer ?

Léa fit une jolie moue et il eut une furieuse envie de l'embrasser. Pour ne pas céder à la tentation, il tourna la tête et vit que le bébé avait ouvert les yeux. Il n'avait pas beaucoup d'expérience des enfants mais, en général, ils avaient les yeux bleus et flous et criaient beaucoup, sans qu'il soit possible de les arrêter autrement qu'avec un biberon. La fille de Léa avait des yeux noirs mais la peau très claire, rosée. Elle ne pleurait pas mais le regardait avec intérêt, comme si elle le connaissait déjà... Il allait lui poser une question sur le père quand il sentit la main de Léa effleurer la sienne.

— Etienne ?

Il leva les yeux et se perdit dans les prunelles sombres.

— Et tes parents ? articula-t-il avec peine tant il était troublé.

— Ma mère est morte il y a trois ans mais elle n'a jamais vraiment pu s'occuper de moi. Elle se droguait... Quand j'étais chez elle, elle passait tout son temps à trouver de la came. Je n'existais pas pour elle.

Etienne soupira : ses parents à lui étaient morts l'année précédente dans un accident de voiture mais ils avaient formé une vraie famille tous les trois.

— Et ton père ? l'interrogea-t-il, curieux.

— Je ne sais même pas qui c'est.

Elle souriait, comme si admettre qu'on n'avait jamais connu son père n'était pas une tragédie.

— Qu'est-ce que tu fais, demain ? demanda-t-il encore, espérant qu'elle accepterait de sortir avec lui.

Elle eut un sourire un peu triomphant qu'il n'aima pas beaucoup et regarda encore le bébé qui gigotait. Il eut envie de le prendre dans ses bras et s'en étonna parce qu'il n'avait rien à voir avec les bébés et que, d'habitude, ils ne l'intéressaient pas. Mais ce bébé-là... Léa attira son attention en resserrant son étreinte autour de ses doigts et il dut résister une nouvelle fois pour ne pas la porter à ses lèvres.

— Pas grand-chose. C'est calme, tu sais, le foyer.

— Demain, c'est samedi. Je ne travaille que le matin. Si tu veux, je viendrai te chercher et on ira déjeuner ensemble, au restaurant.

Avec une fille aussi canon, il ne pouvait pas faire moins.

— Elle a faim ? s'inquiéta-t-il lorsque le bébé commença à pleurer.

Léa ne sembla pas se soucier des cris de son enfant et haussa les épaules :

— Sûrement. Elle a toujours quelque chose de toute façon.

— Je peux la prendre ?

Elle sembla contrariée mais leva les mains pour lui dire de faire ce qu'il voulait. Etienne se leva et détacha la petite fille qu'il prit dans ses bras. Elle était aussi légère qu'une plume et dans le mouvement, son bonnet rose glissa laissant apparaître une touffe de cheveux d'un noir de jais. Etienne raffermit son étreinte et se sentit maladroit : il avait peur de lui faire mal avec ses grosses mains de jardinier mais elle se lova contre lui. Quand il baissa la tête, le duvet noir caressa son menton et il respira une bonne odeur de bébé. C'était étrange, mais il eut l'impression qu'il se passait quelque chose entre Flora et lui. Son cœur battait très fort mais il préféra se taire de peur que Léa croit qu'il ne disait ça que pour la draguer. 

Les yeux noirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant