— Au septième étage, sans ascenseur ! Mais comment a-t-elle fait pour te monter jusque-là ?
Attablés devant un merveilleux déjeuner concocté par Claudine, Marcus venait de raconter à son ami Alex ce qui lui était arrivé depuis leur séparation, le soir du concert et avaitl l'impression de renaître.
— Des amis à elle, m'a-t-elle dit. Elle les a appelés. Mais je n'en garde aucun souvenir car lorsque j'ai descendu l'escalier de service rien ne m'est revenu en mémoire. Je devais être bien sonné.
— Tu n'es tout de même pas resté inconscient entre vendredi soir et lundi matin ! Tout le week-end en fait.
— Non, je me suis réveillé une ou deux fois, répondit Marcus en portant son verre à ses lèvres. mais j'étais incapable de faire autre chose que de me rendormir.
— Et elle ? Elle était jolie ?
— On ne peut pas dire ça ! Au début, je ne savais pas si c'était un homme ou une femme. Cheveux très courts, habits trop amples et épais. Il a fallu que je m'aperçoive qu'elle n'avait pas de barbe pour comprendre... Enfin, j'étais enchanté de partir de cet endroit. Il y faisait un froid de canard, il n'y avait aucun radiateur dans la pièce alors...
— Pas de chauffage ! Eh bien, tu pourras conter l'aventure à tes petits-enfants quand tu en auras mon vieux !
Marcus demeura silencieux. La veille, la conversation qu'elle avait eue avec un type nommé Sélim lui était revenue en mémoire. Même une fille aussi pathétique, aussi étrange, recevait des propositions masculines... Le monde n'était pas si mal fait après tout ! Il aurait aimé voir la tête de ce Sélim. Avait-il un physique aussi ingrat que son hôtesse ?
— A quoi tu penses ? fit Alex, interrompant ses réflexions.
— Je pense que le monde est bien fait conclut Marcus qui n'avait pas envie d'en dire davantage.
— A propos de monde bien fait, je pense à Cindy... Tu vas la revoir ?
Marcus fronça les sourcils : pourquoi Alex évoquait-il sa dernière conquête en date ?
— Je dois sortir avec elle ce soir, répondit-il pourtant avec un sourire narquois.
— Où comptes-tu l'emmener ?
— Au Bâton Rouge... J'aime bien cette boîte de nuit. Le décor est très original... On croirait entrer dans une cave avec ce plafond vouté. Tu veux venir ?
Claudine déposa les magrets de canard à l'orange qu'elle préparait à la perfection devant eux puis s'éclipsa.
— Non, je n'y tiens pas ! objecta Alex. C'est gentil de me le proposer mais je n'aime pas cet endroit. C'est trop... tapageur. Presque plus que le Select... C'est dire... Et puis Cindy... Ne te vexe pas mais je crois que je préfère me plonger dans un nouveau roman.
Tout en terminant sa phrase, il avait fait une moue un peu dégoûtée qui amusa Marcus et il se souvient que son ami avait jugé la jeune femme égocentrique et superficielle quand il l'avait rencontrée, la semaine précédente.
— Je ne me vexe pas. C'est vulgaire. Mais je pense que c'est le cadre qui sied le mieux à Cindy... Et c'est comme cela que j'envisage ma soirée !
— Méfie-toi. J'ai entendu parler d'Auguste Sandor, le père de Cindy. Il fait de mauvaises affaires en ce moment... Peut-être sa fille va-t-elle de proposer d'investir dans l'une des entreprises de son père, pour l'aider à renflouer ses comptes...
— Comment sais-tu autant de choses sur ce type ?
— Je crois que j'ai entendu une conversation lors d'une vente de charité à laquelle je suis allé la semaine dernière, expliqua Alex en haussant les épaules. Quelqu'un en a parlé... Je ne pourrais même pas te dire qui.

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Les yeux noirs
RomanceFlora, une ouvrière au grand coeur, habite une chambre de bonne dans le seizième arrondissement. Au septième étage sans ascenseur, la jeune femme s'épanouit au milieu de ses voisins parmi lesquels se trouve Irène, une vieille dame obèse et Elie, un...