Chapitre 36

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Juillet commençait lorsque Marcus put enfin prendre l'avion pour Paris. Son séjour avait duré trois semaines tant les contretemps s'étaient accumulés. Par bonheur, son assistant était présent pour prendre des notes à tous les entretiens qu'il avait menés car il ne parvenait pas à en garder le moindre souvenir.

Une fois à l'aéroport de Paris, Marcus lui laissa sa valise, prit un taxi et donna l'adresse de Flora. Combien de temps fallait-il pour aller dans le seizième arrondissement ? Une heure, tout au plus ? A dix heures du matin, il n'y aurait pas trop de circulation... Là encore, le trajet s'éternisa et il était presque midi lorsqu'il s'élança dans les escaliers qui grimpaient au septième étage. Arrivé sur le palier, il était essoufflé et prit quelques minutes pour reprendre sa respiration avant de frapper à sa porte. Il entendit des pas lourds et un homme massif, d'une cinquantaine d'année ouvrit la porte. Derrière lui, Marcus aperçut la même chambre, singulièrement changée par des bibelots et des tissus suspendus aux murs. Une odeur d'encens et de sueur le suffoqua.

— C'est pour quoi ?

La voix était bourrue et l'homme peu amène.

— Bonjour monsieur. Je suis un ami de la précédente locataire... Il y a longtemps qu'elle a... déménagé ?

— J'en sais rien moi. Je suis là depuis plus d'un mois à présent. C'est quoi son nom ?

— Flora Boisdeaufray.

— Connais pas. Quand je suis arrivé là, y'avais personne. La proprio qui habite au troisième m'a dit qu'elle avait quitté Paris. C'est tout ce que je sais.

— Elle n'a pas laissé d'adresse ? demanda Marcus par acquis de conscience.

— Ben non. Pas à moi en tout cas.

Étonné du départ de la jeune femme et sentant l'angoisse le prendre à la gorge, il frappa chez Irène. Elle ne pouvait avoir déménagé ! Après trois coups frappés à la porte du fond, une voix familière lui commanda d'entrer.

Irène était assise dans son sempiternel fauteuil en cuir râpé et si elle parut surprise de le voir, elle n'en montra rien :

— Bonjour Marcus.

— Je cherche Flora. Elle a déménagé ?

— Oui.

La voix de la vieille dame était sèche et Marcus se demanda si Irène le considérait comme responsable du départ de Flora. C'était bien entendu ridicule.

— Pourquoi ?

— Elle pouvait pas élever un nourrisson dans sa chambre glaciale alors elle a trouvé à se loger ailleurs. Un superbe appartement de deux pièces avec tout le confort et le chauffage collectif.

Irène lui lança un regard acéré et l'interrogea sans détour, comme à son habitude :

— Et pourquoi tu es revenu ?

Marcus baissa les yeux. Sous le regard accusateur de Irène, il ne sentait pas à son aise. Après tout, il avait abandonné Flora, enceinte et n'avait pris aucune nouvelle depuis trois mois.

— Je veux retrouver Flora.

Elle haussa les épaules, comme si tout cela ne la regardait plus.

— Alors ? Où es Flora ? insista-t-il.

— Je sais pas.

— Vous n'avez pas son adresse ?

— Non. Elle me l'a pas donnée. Et puis, de toute façon, je ne sais pas bien écrire et je ne pourrai jamais me déplacer pour aller la voir alors je n'ai pas pensé à la lui demander... Tout en parlant, elle secouait la tête avec un petit sourire et Marcus se demanda si la vieille dame n'était pas satisfaite de sa déconfiture.

Les yeux noirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant