Chapitre 17

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Une fois sur le palier, Marcus resta quelques secondes devant la porte close. Il n'osait ni s'en éloigner, ni frapper pour essayer de la convaincre encore. Il avait l'intuition que Flora ne voulait pas de lui parce qu'il ne faisait tout simplement pas partie de sa réalité. Il n'existait pas pour elle alors que... Un léger bruit lui fit tourner la tête et le voisin de Flora, celui qui l'avait engagé à l'attendre à son arrivée, l'observait par sa porte entrebâillée. Marcus fut une nouvelle fois surpris par ses traits réguliers et virils, son corps athlétique qui se devinait sous le vieux jogging informe et le tee-shirt décoloré qu'il portait. Avec une mine de conspirateur, il mit son doigt sur ses lèvres et sortit en silence de sa chambre sans refermer la porte derrière lui puis il fit signe à Marcus de le suivre dans le couloir.

Il ne leur fallut que quelques pas pour atteindre la porte du fond qu'Élie ouvrit sans un bruit avant de pousser le vantail d'un léger mouvement pour qu'il franchisse le seuil. L'odeur de la chambre lui sauta aux nez : une odeur de parfum bon marché, de soupe et de vieille poussière. Une femme âgée, que Marcus ne reconnut pas tout de suite, était assise sur un gros fauteuil recouvert de cuir marron dont les accoudoirs étaient râpés.

— Merci Élie. Tu n'as pas fait un bruit.

Le jeune homme en jogging lui sourit et disparut dans le couloir en refermant la porte tandis qu'Irène, la vieille voisine de Flora qui était venue à l'enterrement, faisait signe à Marcus de s'asseoir sur une chaise pliante en face de lui.

— Alors ? Qu'a-t-elle dit ?

— Comment cela ? essaya Marcus, éberlué en fronçant les sourcils.

— Et bien, vous êtes venus pour vous déclarer non ? Vous l'avez fait ?

La voix de Irène était empreinte de curiosité bienveillante et Marcus ne savait s'il devait lui répondre. Ses histoires concernaient-elles la vieille dame ? Que ferait-elle de ses confidences ? Puis, il se souvint que Flora passait du temps avec elle et l'aimait sans doute bien...

— Elle ne veut pas, se lança-t-il. Elle pense qu'elle n'en vaut pas la peine, que je suis mieux avec mes blondasses...

— Vos blondasses ?

— Oui, sa collègue lui a montré un magazine stupide où elle m'a vu avec Cindy ou Alicia ou je ne sais quelle blonde... Alors elle m'a dit que je serai plus heureux avec une femme plus sophistiquée. Elle a dit « une vraie femme ».

— Elle est forte pour refuser... Najette lui a montré le magazine parce qu'elle la voulait pour son neveu Sélim, vous savez le garçon du café... Najette aimerait bien qu'ils se marient alors elle ne voulait pas qu'elle s'attache à vous... Mais ça y est, Sélim a trouvé quelqu'un maintenant. N'importe quelle mère digne de ce nom voudrait Flora pour belle-fille, n'importe laquelle. Mais bon... Il faut savoir s'y prendre.

— Et moi, je ne sais pas, laissa-t-il tombé, navré.

— Non. Mais je vais vous dire comment faire. Je connais Flora depuis un an et demi maintenant...

— Pourquoi est-ce que vous m'aideriez ?

La vieille dame lui lança un regard perçant et hésita un peu avant de répondre :

— Parce que j'aime bien Flora, j'aimerais bien qu'elle rencontre un type bien. Qu'elle ait une aventure avec un homme un peu gentil, pas trop égoïste... Vous voyez ce que je veux dire ?

Marcus se sentit rougir. Flora avait-elle parlé à sa voisine de leur étreinte furtive le jour des funérailles ? Était-ce à cela que la vieille dame faisait allusion ? Mais elle reprenait déjà, sans s'apercevoir de son malaise :

Les yeux noirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant