Chapitre 28

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En sortant de l'hôtel, Marcus et Flora se dirigèrent vers la vieille ville. Il entraîna sa compagne dans une boutique à l'enseigne du « bon marin » et choisit un caban de laine rouge avec une large capuche, regrettant de ne pouvoir lui acheter aussi un pull en cachemire de la même couleur puisqu'ils avaient passé un accord.

Moins de cinq minutes après, ils étaient ressortis de la boutique et Flora avait enfilé le manteau sur la veste en s'écriant :

— Il est magnifique. Merci, Marcus. Mais ça me gêne que tu dépenses ton argent pour moi. Ça me gêne. Je ne mérite pas ça...

— Écoute-moi, Flora, murmura-t-il en l'enlaçant dans la rue déserte plongée dans la pénombre, ce manteau est moins beau et moins bon que toi et tout l'argent que j'ai dépensé ne pourrait me donner autant de bonheur que tu le fais. Alors ne parle plus de ça, s'il te plaît.

— Marcus. Je crois que j'ai encore faim.

— Alors nous allons aller dîner. Qu'as-tu envie de manger ce soir ?

— C'est toi qui décide.

— Allons à l'auberge des Normands... Je pense que ça te plaira.

Ils marchèrent un bon quart d'heure dans la nuit glacée et il demanda plusieurs fois à Flora si elle avait froid mais elle se contentait de rire :

— Avec un manteau comme celui-là, je ne peux pas avoir froid.

Arrivés à l'auberge, la patronne les installa à une petite table contre la vitrine de la salle du restaurant qui était presque déserte et elle leur apporta du cidre et les cartes.

La salle était sombre et d'énormes poutres noircies par des siècles de fumée soutenaient le toit. Dans une immense cheminée de pierre, un feu brûlait et donnait à l'endroit une atmosphère chaleureuse, accentuée par les étagères de livres et de bibelots qui couvraient tout un mur de la pièce.

— C'est beau. Pas aussi beau que chez toi, mais la décoration me plaît beaucoup.

— Et si tu as une faim de loup, tu vas trouver tout ça encore plus beau.

Après le dîner Marcus ramena Flora au bord de la mer. Cette fois, ils se promenèrent sur la plage. L'océan descendait, au rythme de la marée et ils arpentèrent le sable humide, déserté par les vagues. C'était une nuit très sombre, la lune était cachée par les nuages.

— C'est drôle, chuchota Flora. On entend les vagues mais on ne les voit pas. On sait qu'elles ne sont pas loin, qu'on pourrait les toucher mais on pourrait croire que ce n'est qu'une bande son.

— Tu ne veux pas retourner dans l'eau ?

— Non. Elle est très froide... Et puis la nuit... Je crois que je vais attendre demain.

— Pas de bain de minuit alors ?

— Seulement si tu m'accompagnes... répliqua-t-elle, espiègle.

— Je n'y tiens pas... Mais un jour, je t'emmènerai dans une mer chaude et on se baignera ensemble, la nuit si tu veux.

Flora s'arrêta et se tourna vers lui. Le vent glacé était tombé et seul le clapotis des vagues troublait le silence.

— Pourquoi tu es aussi gentil avec moi Marcus ? Pourquoi est-ce que tu fais tout cela ? Tu n'as pas besoin de m'emmener à la mer ou de m'acheter un manteau... Je t'assure que je ferai n'importe quoi pour toi... Je crois que tu es la personne qui compte le plus pour moi au monde.

— Je souhaite si fort que tu sois heureux, ajouta-t-elle d'une voix un peu voilée par l'émotion après une hésitation.

Il y avait un accent de désespoir dans cette dernière phrase mais Marcus ne s'y attarda pas. Il lâcha sa main et la prit dans ses bras. Flora venait de lui dire qu'elle l'aimait : ce qu'elle venait de dire ne pouvait être rien d'autre qu'une déclaration d'amour. La déclaration de quelqu'un qui n'en avait sans doute jamais reçue, une déclaration naïve, avec des mots d'une sincérité absolue.

Les yeux noirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant