Chapitre 45

108 6 0
                                    

Marcus poussa la porte du jardin après avoir convenu avec Léa Boisdeaufray qu'elle viendrait rendre visite à sa fille le lendemain. Le soleil brillait encore dans un ciel sans nuage mais une légère brise venait de se lever et rafraichissait son front. Il décida de faire le tour du jardin pour se remettre de ses émotions.

La conversation qu'il avait eu avec Léa l'avait dégoûté. Dégouté d'elle, d'abord : n'était-elle pas prête à tout pour le conquérir dans une espèce de comédie répugnante où elle tirait les ficelles les plus éculées de la séduction : jambes croisées, larmes et moues innocentes ? Sans parler du moment où elle lui avait fait du pied sous la table ! Mais il devait reconnaître qu'il n'aimait pas non plus le rôle qu'il avait joué : n'avait-il pas acheté – littéralement acheté – l'aide de cette marâtre pour garder sa fille auprès de lui ?

Il espérait de tout son cœur que Flora n'apprendrait jamais le rôle qu'il avait joué dans le revirement de sa mère. Comment réagirait-elle si elle apprenait qu'il payait le loyer de Léa ?

Il avança sans bruit le long de l'allée sablée et ses yeux se posèrent sans les voir sur les rosiers qu'ils avaient plantés ensemble. En quelques enjambées, il fut près de la terrasse et vit Flora qui dormait sur une chaise-longue. Il l'observa, heureux de pouvoir la contempler tout son saoul. Vêtue d'un jean et d'un tee-shirt rose, informe qui recouvrait sa taille et dont les manches effleuraient ses coudes tant il était grand, elle lui sembla irrésistible avec sa jolie bouche et l'ombre des cils qui effleuraient ses joues un peu plus pleines que lorsqu'ils étaient rentrés de Meaux. Ses avant-bras étaient très minces et ses pieds, nus, lui semblèrent à peine plus grands que ceux d'un enfant.

En silence, il s'agenouilla à côté d'elle et essaya de lutter contre l'envie qui le taraudait de poser une main sur son ventre en espérant sentir bouger l'enfant mais il n'osa pas, se contentant de l'admirer. Dans l'un des chênes, un pigeon roucoula et les paupières de Flora se soulevèrent doucement.

— Marcus ?

Presque malgré lui, il effleura sa joue du bout du doigt.

— Flora...

— Tu es rentré plus tôt aujourd'hui ? Je suis confuse de ne pas arriver à t'attendre, le soir... Je m'endors toujours trop tôt... Et le matin... Ça ne me ressemble pas, pourtant, d'être si paresseuse... Je ne suis pas une invitée très agréable, je passe mon temps à dormir !

— Tu n'es pas une invitée, Flora, affirma-t-il d'une voix rendue rauque par l'émotion. Tu es chez toi ici...

— Marcus...

Elle semblait contrariée par cette affirmation mais Marcus ne parvint pas à empêcher sa main de descendre dans son cou et de caresser sa peau le long de l'encolure du tee-shirt. Comme Flora posait sa main sur la sienne, il pensa qu'elle souhaitait qu'il interrompe son geste, qu'il cesse de la toucher mais elle ne lâcha pas sa main et il abandonna ses doigts entre les siens. Leurs regards ne se quittaient pas et les yeux noirs de Flora étaient reliés aux siens par un lien brûlant.

— Marcus, poursuivit-elle avec un léger sourire, je vais beaucoup mieux. Je t'assure que je pourrais bientôt rentrer à Meaux pour arrêter de t'envahir. En plus, j'aime bien mon travail j'ai déjà des voisines adorables, et les collègues... sont très gentilles aussi... Je ne peux pas dire que nous sommes amies, comme avec Najette, bien sûr, mais nous le deviendrons bientôt.

Elle mentait, évidemment : c'était son travail qui l'avait menée au bord de l'épuisement et ne lui avait-elle pas murmuré, à l'oreille, qu'elle ne le supportait plus et qu'elle était à bout de forces ?

— Et l'appartement est superbe, reprit-elle comme il demeurait silencieux. Tu l'as vu d'ailleurs ! Le panorama par la fenêtre est extraordinaire. Parfois, je me disais que je pourrais voir Paris : on voit si loin par la fenêtre ! C'est pourtant simple, quand on vit au dixième étage, on vit dans le ciel... J'ai prévu plein d'aménagements quand le bébé sera là !

Les yeux noirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant