Léa s'amusa en voyant le café qu'Albert avait choisi pour leur rendez-vous tant le lieu était éloigné des endroits qu'ils fréquentaient quand ils étaient ensemble. Le décor était en effet très contemporain mais chic et le serveur qui était venu prendre sa commande très aimable. Elle se demanda si son ami voulait la prendre en photo dans cette ambiance et chercha à deviner les endroits qu'il choisirait pour la faire poser. Elle était arrivée avec cinq minutes de retard, comme elle le faisait toujours, mais cela lui avait coûté. C'était son moyen à elle de faire comprendre aux hommes qu'elle n'était pas à leur disposition et elle le faisait aussi avec Albert, même si leurs relations étaient très différentes.
Elle avait compris, à présent, que ce qui les liait était d'ordre professionnel et qu'Albert n'était pas amoureux d'elle. Au départ, cela l'avait blessée et elle avait failli le planter là mais elle n'en n'avait rien fait. Pourquoi ?
Portant sa coupe de champagne à ses lèvres, elle ne put retenir une grimace : même si cette boisson était celle des femmes sophistiquées et glamour, ce n'était pas ce qu'elle préférait. Peut-être pourrait-elle choisir autre chose la prochaine fois ? Qui s'en soucierait ? Tout en buvant, Léa songea qu'elle adorait les séances de photos : ces moments intenses, où il était concentré sur elle, sur son visage, sur son corps, sur son regard lui faisaient du bien et elle ne pouvait pas songer à autre chose.
Depuis quelques temps, le souvenir de Thierry ne la hantait plus, elle y pensait avec une tendre affection et aurait aimé avoir une photo de lui. Léa appréciait les photos d'Albert et aimait contempler les clichés qu'il lui montrait.
Tout à coup, un mouvement, près de la porte attira son attention et la lourde silhouette d'Albert apparut dans son champ de vision. Le photographe s'inclina devant elle en prenant sa main dans la sienne et s'installa sur la chaise qui lui faisait face.
— Bonjour Léa. Je suis désolé de t'avoir fait attendre. Tu vas bien ?
Elle sourit, heureuse de le voir. Il n'était pas amoureux d'elle mais elle ne s'était jamais sentie aussi bien avec un autre homme.
— Très bien. Tu veux prendre des photos ici ?
D'un geste, elle désignait le décor et il hocha la tête :
— C'est ça. Tu as vu tous les miroirs : tu pourrais te refléter dedans à l'infini !
Léa sourit, heureuse de voir que ses craintes étaient vaines. Albert n'avait pas renoncé à la photographier et elle se sentit en paix avec le monde entier.
Insensiblement, ses pensées se dirigèrent vers Marcus Chevalier : il avait eu l'air surpris quand il l'avait vue... Pourquoi ? Que s'était-il passé ? Léa avait l'intuition que la réaction du jeune homme avait un lien avec Flora, mais lequel ? Au début, elle avait imaginé que c'était parce qu'elle était bien plus belle que sa fille mais elle en doutait à présent, c'était quelque chose d'autre, quelque chose qu'elle avait l'impression de ne pas pouvoir attraper, qui lui glissait des doigts, comme une goutte d'eau sur une toile cirée...
Comment allait Flora, d'ailleurs ? Il y avait longtemps qu'elle ne l'avait pas appelée pour prendre de ses nouvelles. Il faut dire qu'elle ne lui avait jamais beaucoup téléphoné depuis qu'elle avait quitté l'appartement des Ulis, à dix-sept ans. Léa sourit à cette pensée : elle avait été soulagée de ne plus avoir à héberger Flora et une fois celle-ci envolée, elle avait pu déménager à Paris, dans l'appartement de la rue de la petite Fosse où elle s'était sentie plus libre que jamais depuis la naissance de sa fille !
— Léa ?
— Excuse-moi, j'étais dans la lune.
— Je disais que j'ai vendu deux photos de toi et je voulais tedonner un certain pourcentage de mes droits d'auteurs comme je ne t'ai pas payéepour la pose.

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Les yeux noirs
RomanceFlora, une ouvrière au grand coeur, habite une chambre de bonne dans le seizième arrondissement. Au septième étage sans ascenseur, la jeune femme s'épanouit au milieu de ses voisins parmi lesquels se trouve Irène, une vieille dame obèse et Elie, un...