Epilogue

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Albert Méchignac, debout au premier rang, aux côtés de la mère de la mariée dont il était le cavalier regarda les fiancés qui se tenaient devant monsieur le Maire. Le spectacle était émouvant : Flora, la fille de Léa était gracieuse à souhait dans sa robe blanche et Marcus très bel homme... bien qu'un peu jeune pour lui ! Écoutant d'une oreille distraite les parole du maire, il eut conscience que Léa lui serrait la main. Était-elle émue ? Il en doutait. Depuis qu'il la connaissait, il n'avait jamais vu Léa touchée par quelque chose qui ne la concernait pas directement. Même sa fille.

D'ailleurs, n'avait-il pas appris l'existence de Flora un peu par hasard, aux détours d'une conversation ? Il s'était étonné, alors, que Léa ne n'évoque jamais sa fille alors qu'elle lui avait fait des confidences très personnelles... Lui-même avait eu l'occasion de présenter son fils de trente-cinq ans à son modèle, un jour où ils faisaient une séance de photo dans son appartement de la gare du Nord.

— C'est moi qui ait choisi les fleurs, chuchota Léa à son oreille tandis que, sur l'estrade, les mariés échangeaient les alliances. C'est beau non ?

Albert se détourna de la scène touchante qui se déroulait devant ses yeux pour admirer les magnifiques compositions florales rose et blanches qui avaient été disposées devant les fenêtres. Une fois de plus, il s'étonna de la personnalité de Léa et se remémora le jour où il l'avait vue pour la première fois, place Vendôme alors qu'il venait photographier la place.

Depuis quarante ans qu'il était photographe d'art, il commençait à se faire un nom et son galeriste, Galaad Delanoue, l'encourageait à faire des portraits qui, disait-il, se vendaient bien. Au fil de ses déplacement place Vendôme, il avait repéré Léa qui y venait régulièrement pour admirer les bijoux. D'abord, il l'avait contemplée pendant des semaines, fasciné par sa beauté plastique, avant de se décider à l'aborder pour la prendre en photo. Ce jour-là, il y avait eu un tel contraste entre sa beauté froide, parfaite et la lueur d'envie brûlante qui brillait dans ses yeux quand elle contemplait les bijoux qu'il avait pris cela comme un défi : fixer ce désir brut sur la pellicule. En serait-il capable ?

— Vous pouvez embrasser la mariée !

Le maire venait de terminer la cérémonie et les invités sortirent de la salle. Albert offrit son bras à Léa et ils quittèrent la mairie à leur tour. Une fois en bas du perron, alors que tout le monde admirait les mariés, il sortit son appareil, comme il l'avait promis à Léa et prit quelques clichés du jeune couple bien décidé à offrir à la fille de Léa, qui était très gentille, une jolie photo d'elle avec son nouveau mari. Il observa le jeune couple : lui était très beau dans un costume gris foncé qui le mettait incontestablement en valeur et elle... Elle n'était pas comme sa mère. Ses traits n'étaient pas aussi réguliers, ses formes moins voluptueuses... Il cadra pour prendre la première photo et constata que Léa était restée à côté de sa fille, incapable de résister au plaisir de se faire prendre en photo !

Avec un sourire ironique, il cadra plusieurs clichés sur les mariés puis d'autre avec la mère et la fille avant de faire un gros plan sur leurs yeux à toutes les deux. Les yeux de Léa étaient si fascinants !

— Je suis sur la photo, moi aussi ? l'interrogea Léa lorsque les mariés descendirent enfin du perron.

Albert retint un rire moqueur et acquiesça d'un signe de tête puis ils montèrent dans la voiture que Marcus leur avait réservée et Léa s'absorba dans la contemplation d'un petit miroir qu'elle avait sorti de sa pochette en satin ivoire.

— Dès que j'arrive chez Flora, je cours me refaire une beauté.

Albert ne répondit pas car la conversation de Léa n'avait jamais beaucoup d'intérêt. Observant les photos qu'il avait prises sur l'écran de l'appareil, il se concentra sur les clichés qui représentaient les deux paires d'yeux noirs : elles étaient incroyables ! Il y aurait des retouches à faire, bien entendu, mais il était invraisemblable de voir des yeux absolument identiques qui reflétaient des sentiments si opposés. Le regard de Léa, fidèle à lui-même, n'exprimait aucune émotion, il était vide, sans fond tandis que ceux de sa fille...

Les yeux noirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant