En entrant dans le bureau de l'assistante sociale de la mairie du seizième arrondissement, Flora se força à sourire et prit place sur le siège qu'elle lui désignait en disant :
— Madame Boisdeaufray, je suis contente que vous ayez pu venir aussi vite. J'ai déniché l'appartement qu'il vous faut. Mais ce n'est pas tout près de Paris... Vous m'aviez bien dit que l'adresse n'avait pas d'importance ?
— C'est vrai, madame. Qu'avez-vous trouvé ?
— C'est un appartement de deux pièces, au dixième étage et c'est à Meaux. Vous verrez, c'est une très jolie ville. Le loyer est intéressant parce que ce sont des logements sociaux. Le chauffage est collectif mais pas l'eau chaude... Je crois que ce sera parfait. Il va falloir que vous cherchiez du travail là-bas mais avec les références que vous avez de la société Tout'Net, vous devriez y arriver...
— C'est moi qui vais avoir plus de travail si vous n'allez plus visiter tous les vieux du quartier ! lança-t-elle avec un sourire complice.
Flora lui rendit son sourire du mieux qu'elle put.
— Oh... Vous savez, j'en fait beaucoup moins maintenant... J'ai été fatiguée jusqu'au mois de mai... Maintenant c'est mieux mais je dois me reposer pour pouvoir travailler la nuit. Je néglige même ma mère... Mais le métro m'épuise et je ne peux même plus penser à y aller à pied.
— N'empêche que les gens que vous avez aidé ne vous valaient pas tous... loin de là !
L'assistante sociale, Mme Paridot, était une femme d'une cinquantaine d'année, et elle prononça ces derniers mots d'un air désabusé.
— Qu'est-ce que vous voulez dire ? demanda Flora.
— Rien d'important... fit-elle en haussant les épaules. Mais vous savez, avec tout ce que vous faites pour les pauvres du quartier, le moins que je pouvais faire, c'est de vous aider à trouver un logement décent pour élever votre bébé !
— C'est très gentil à vous.
— Vous serez loin de votre maman... reprit Mme Paridot. Elle pourra venir vous voir ? C'est important, vous savez, de voir sa mère quand on a son premier enfant.
— Non ! s'exclama Flora. Maman a horreur de prendre les trains de banlieue. Mais je pourrai m'arranger pour aller la voir. Je verrai. Ce n'est pas le plus important. Il faut que j'organise mon déménagement, même si je n'ai pas grand-chose.
— Oui. C'est bien. J'ai noté l'adresse ici. Comme j'avais toutes les pièces du dossier, il ne manque plus que le dépôt de garantie et le premier mois que le service va avancer pour vous en attendant que vous récupériez la caution de votre chambre actuelle. Vous avez déjà donné votre préavis à votre employeur ?
— Oui, je termine mon contrat la semaine prochaine. Ensuite, je partirai à Meaux.
— Pour la clé, il faudra aller la chercher avec une pièce d'identité et le dossier chez le gardien de l'immeuble.
— Merci madame Paridot. Vous m'avez été d'un grand secours, remercia Flora en essayant de paraître enjouée.
— Et le père du bébé, il ne vous a pas recontactée ? l'interrogea l'assistante sociale.
Flora battit des cils : pas question de se remettre à pleurer, elle avait déjà versé trop de larmes !
— Non mais je pense que c'est mieux ainsi.
— Je comprends : vous savez, il est fréquent que les hommes réagissent de cette manière quand... enfin, quand un bébé arrive. Vous n'êtes pas la première et vous ne serez pas la dernière.
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Les yeux noirs
RomansaFlora, une ouvrière au grand coeur, habite une chambre de bonne dans le seizième arrondissement. Au septième étage sans ascenseur, la jeune femme s'épanouit au milieu de ses voisins parmi lesquels se trouve Irène, une vieille dame obèse et Elie, un...