Lorsque Marcus s'éveilla il faisait grand jour. Il avait froid, il avait faim, sa tête était très douloureuse et il se retourna sur le lit avec un gémissement. À côté de lui, à travers ses yeux à demi-fermé, blessés par la lumière et la douleur lancinante qui traversait son crâne, il distingua une forme enveloppée d'un manteau qui dormait par terre et perdit conscience.
Lorsqu'il s'éveilla à nouveau, il se crut seul. Il conservait le vague souvenir d'une femme qui lui avait parlé mais rien de plus. Peut-être avait-il rêvé car plus personne ne dormait au pied de son lit. Un léger bruit lui fit tourner la tête : quelqu'un était là, assis par terre entre la porte et un lavabo. Lorsque le visage de la personne se tourna vers lui, il distingua, malgré son mal de tête de grands yeux noirs au milieu d'un visage mince et blanc surmonté de cheveux très sombres, courts, ébouriffés. Son hôte tenait une tasse dans ses mains et semblait s'absorber dans la contemplation de celle-ci.
Il remua la tête pour essayer de reconnaître l'endroit mais rien ne lui venait. Enfin, son cerveau se remit à fonctionner. Il était allé à un concert, la veille, dans une salle de quartier avec des amis... Daniel et Marion étaient partis un peu avant la fin du concert dans la Bentley de Daniel parce que Marion était fatiguée. Après le spectacle, Alex son autre ami avait pris le dernier taxi. Quel idiot : au lieu monter avec lui, Marcus avait décidé de marcher un peu pour en trouver un autre mais sur ce boulevard des maréchaux désert, il avait croisé trois malfrats, prêts à tout qui avaient reconnu en lui une proie facile et généreuse... Deux l'avaient maintenu tandis qu'un autre lui assenait une série de coups dans la poitrine et sur le crâne. Ils avaient ensuite pu le détrousser sans difficulté.
— Vous étiez avenue Charles de Gaulle, expliqua la personne en relevant le nez de sa tasse. J'ai cherché votre portefeuille mais je n'ai rien trouvé. Il faudrait que vous portiez plainte et que vous fassiez opposition sur votre carte de crédit... Vous vous appelez Marcus, c'est ça ?
Elle s'était approchée de lui, et il fut surpris par sa maigreur. Son visage n'était pas mince, comme il l'avait cru mais osseux, son nez et son menton étaient pointus, ses pommettes saillantes et ses yeux paraissaient démesurés. Il eut le temps de voir sa main avant qu'elle ne se pose sur son front : elle aussi était fine et blanche : maigre.
— Vous n'avez pas de fièvre à mon avis. Il faudrait appeler votre banque et votre famille...
Elle lui tendait un téléphone portable, l'invitant à le saisir.
— Vous voulez boire quelque chose ? J'ai fait du thé mais j'ai aussi du café soluble si vous préférez. Marcus demanda du thé puis se laissa aller sur l'oreiller. Elle revint peu après avec une tasse de thé très chaud et un comprimé.
— C'est du paracétamol. Vous devriez en prendre.
— Qui êtes-vous ?
— Je m'appelle Flora, vous avez oublié ? fit-elle avec un sourire confus.
Sans répondre, il mit le comprimé dans sa bouche et but une gorgée de thé. Le breuvage était amer et très sucré mais il lui fit du bien. Il vida la tasse et la lui tendit avant de se rendormir.
— Sélim, je t'assure que tout va bien. Je n'ai besoin de rien.
— Mais si. Tu as besoin d'un homme dans ta vie Flora. Viens habiter chez moi, tu seras mieux que dans ce trou à rats... On serait bien ensemble, je t'assure. T'as pas envie d'avoir une vie normale ? D'avoir un homme pour te réchauffer ?
— Sélim... Écoute... Tu es gentil mais je suis bien ici. Ce qui s'est passé l'autre soir... Je veux dire... ne le prend pas mal mais, j'ai déjà oublié. Tu n'étais pas dans ton assiette, on a... enfin... mais ça ne t'engage à rien, je t'assure... J'aime bien mon trou à rats comme tu l'appelles... Et puis, regardes-moi. Tu as vu comment je suis ? Un vrai cauchemar ! Ma mère n'arrête pas de me le dire... Tu ne peux pas avoir envie de partager ton studio avec une pauvre fille comme moi ? Si ?

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Les yeux noirs
RomantikaFlora, une ouvrière au grand coeur, habite une chambre de bonne dans le seizième arrondissement. Au septième étage sans ascenseur, la jeune femme s'épanouit au milieu de ses voisins parmi lesquels se trouve Irène, une vieille dame obèse et Elie, un...