Mardi 21 Octobre 18h 40
SKINNY - guitariste de SKIN
Sweet Poison n'est pas encore rentré à l'hôtel. Je ne les attends pas particulièrement mais j'aime bien savoir quand Rebecca est dans sa chambre ou non. Ça me permet de lui demander si elle compte utiliser notre salle de bains. Puisque je ne veux pas la contrarier à son retour, je vais l'attendre avant de prendre ma douche. Patienter ne me gêne pas.
Je me fais chauffer un thé et m'installe au petit bureau de la chambre pour lire au calme. La pièce n'est pas grande, mais la vue sur Paris est imprenable. Depuis ma fenêtre, je peux épier les traverses en contrebas. Malgré la nuit tombante, elles grouillent de monde. C'est étrange d'observer les gens du dessus, un genre de grand vertige. Est-ce que toutes ces personnes dont le seul point commun est de marcher sous mes yeux, ont accompli leurs rêves d'ados ou bien y ont-ils renoncé ? Si oui, quand ? Au bout de combien d'échecs, faut-il s'avouer vaincu ? Ont-ils accompli des rêves d'adultes ? Sont-ils heureux ? Rêvent-ils encore ? Frissonnent-ils encore pour la musique ? Pour les souvenirs ou pour la nouveauté ? Y'a-t-il parmi eux, des gens que plus rien ne peut faire frémir ?
Parfois, j'aimerais être omnisciente. Tout savoir sur tous. Protégée par la quinzaine de mètres de hauteur, je pourrais comprendre tous les rouages de ce microcosme des passants de la rue. Et puis, je me souviens de mon père. Il y a des pensées qu'il vaut mieux ignorer.
On toque à ma porte.
Je repose mon livre et me lève pour aller ouvrir. Ce n'est pas Rebecca, déjà. Pour elle, frapper à la chambre équivaut à un droit d'y entrer.
Je tourne la poignée et tombe sur Gwen et Matt, écroulés de rire.
— On peut entrer ?
— Bien sûr.
Je m'efface et leur indique le lit pour s'asseoir.
Tous les deux sont toujours en train de rire quand je referme la porte.
— Putain, Bec' nous a encore fait le coup du siècle, hoquète Gwen.
Il essuie une larme et s'assoit sur mon lit, hilare.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demandé-je à Matt.
— Le rendez-vous Tinder de Bec'.
J'appuie mon dos contre le mur. Je n'aime pas trop évoquer la vie de Rebecca en règle générale. Surtout quand je ne vois pas en quoi ça me concerne.
— Je ne savais pas qu'elle avait un rendez-vous.
Ayant un peu retrouvé son souffle, Gwen se redresse :
— C'est Bec', on n'est plus à une bizarrerie près. Le problème n'est pas là.
— Ah...
— C'était François ! François !
— François ?
Matt prend le relais.
— François Herrault, un châtain à lunettes. Il est dans la classe d'Arthur et il était au collège avec nous. Peut-être même avant dans la ville...
— Ouais, le coupe Gwen qui a recommencé à rire, il a toujours été là. Mais c'est pas important : figure-toi que sur tout Paris, il a réussi matcher Bec' !
Je commence à comprendre leur hilarité et je souris en imaginant la surprise à leurs retrouvailles.
D'autant que Gwen a raison : François a toujours été à l'école avec nous. Petit, il avait déjà ses boucles souples et ses pommettes arrondies. Je crois que j'en étais secrètement amoureuse, enfant. J'avais même pu lui voler un baiser lors d'un action/vérité en CM2. Quand je compare à celle que je suis maintenant, mon enfance me paraît souvent avoir été vécue par quelqu'un d'autre.
— Il a dû beaucoup changé, alors. Il était plutôt calme et réservé dans mes souvenirs.
Matt secoue la tête.
— Non, je pense que c'est une des premières fois qu'il testait l'application.
— Je pense aussi, rit Gwen. Tu vas comprendre, Skinny.
Il fait une pause pour se calmer et parvenir à s'exprimer.
— Donc ils se retrouvent au restaurant. Surprise des deux côtés, déjà. Et Bec' avait pas l'air hyper-contente de le voir là. Ça, on le sait parce que François a envoyé un message à Arthur. Vu qu'il était pas franchement ravi qu'elle — Bec' — les abandonne dès le midi deuxième jour, il s'est senti un peu mieux. Surtout qu'ils n'ont pas de cantine, donc c'est un peu la débrouille pour manger. Bref, ça allait déjà mieux.
Je hoche la tête, compréhensive, Bec' ne rend pas vraiment la vie facile à son groupe. Ils ont bien dû se moquer d'elle.
— Mais il a reçu un deuxième message de la part de François.
Et ce simple souvenir fait replonger Gwen dans son fou rire.
Je me tourne vers Matt, interrogative. Quelle sombre idée est passée par la tête de la batteuse ?
Il sort son téléphone et le déverrouille avant de me le tendre.
— Ça ira plus vite. Kwan nous l'a transféré.
De François Herrault
Toutes mes excuses à Bec'. Je suis vraiment désolé. Dis-moi si je peux faire quoi que ce soit pour aider à réparer ma connerie. Je te promets que c'était involontaire. On discutait juste avec Bec'. Je lui expliquais ma rupture récente avec Lisa et que pour le moment, j'avais pas trop envie de me remettre dans une histoire sérieuse. Que je voulais laisser passer un peu de temps avant de me caser de nouveau. Je sais pas trop ce qu'elle a capté de mon discours, mais peut-être que je me suis mal exprimé. Bref, on sortait juste du resto et j'allais la raccompagner à votre studio. Mais elle m'a chuchoté un truc comme quoi je pouvais toujours passer à votre hôtel pour... tu vois quoi. Et puis direct, elle m'a embrassé sans prévenir.
Et je te jure que je ne sais pas ce qui m'a pris. C'était complètement incontrôlé, parce qu'elle m'a surpris. Vraiment, je suis désolé. Mais quand j'ai voulu la repousser, par réflexe, j'ai serré les poings et elle en a pris un dans le nez.
Je suis vraiment désolé. Je te promets que je ne voulais pas la blesser ou lui faire du mal. Au contraire, elle avait été plutôt sympa au déjeuner. Je vous rembourserai bien sûr tous les soins ou les heures de perdues, transmets-moi les frais. Et n'hésite pas si elle a besoin de quoi que ce soit. Vraiment, je me sens mal pour elle. Comme elle est partie furieuse et le nez en sang et que je n'ai pas pu la rattraper, tu voudrais bien me dire si elle va bien, au moins ? Encore désolé.
Cette fois, j'éclate de rire à mon tour.
J'imagine les yeux horrifiés de François derrière ses lunettes rectangulaires quand il s'aperçoit que Bec', le nez ensanglanté, le fixe avec un regard meurtrier. Aucune excuse n'a pu l'aider, c'est certain.
— Pas mal, hein ? me demande Matt quand je lui rends son téléphone.
— Pas mal. Bec' va bien ?
— Kwan dit que oui. Elle a boudé tout l'aprem, mais elle n'a pas l'air de trop souffrir. Par contre, son nez a doublé de volume.
— Putain, j'ai tellement hâte de voir sa tête ! s'écroule Gwen.
Je pense à Rebecca et son nez abîmé. J'ai bien fait de lui laisser la salle de bains, il va falloir marcher sur des œufs ce soir.
/************************************************************/
Coucou à vous !
Désolée de ne rien avoir de plus sensuel à proposer pour le chapitre 69 (même pas une remarque salace de Bec'), ça aurait pu vous réchauffer avant la tempête prévue pour ce WE (en France). J'espère que la conclusion de ce date vous aura plu malgré tout.
Prenez soin de vous,
Anne
VOUS LISEZ
Skin vs Sweet Poison - let's rock !
Fiksi RemajaEn théorie, nous sommes un groupe de rock lycéen. En pratique, notre batteuse est fêlée, notre chanteur idolâtre Mercury et mon nom sonne plus comme le huitième membre de BTS que comme celui d'un bassiste. Et puisque visiblement, ça ne suffisait pas...