Chapitre 52 : Mer et Père

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Dimanche 12 octobre 16h 02
SKINNY - guitariste de SKIN

La mer soulève la planche et je bondis pour m'accroupir. Attentive aux remous, j'attends l'équilibre pour me redresser. L'eau grise file sous mes yeux, trop vite pour que je vois l'écume se former sur mon passage. Je me sens en apesanteur. Libre. Le surf glisse encore quelques secondes sur la crête avant que la vague ne parvienne à s'échapper et l'abandonne.

Je me rassois à califourchon sur la planche et laisse mes jambes plonger dans l'eau. La tête d'Enzo émerge brusquement. Il recrache les gorgées d'eau salée ingérées et secoue la tête pour chasser ses cheveux de ses yeux. Quentin, allongé sur son surf, s'esclaffe.

— Brillante technique !

L'aîné des Trelors l'ignore et nage en direction de sa planche.

Une mouette rit au-dessus de nous avant de piquer et de se poser sur la surface. Son corps est balloté par les vagues tel un canard en plastique dans son bain. Son œil vif épie les environs puis elle plonge sa tête blanche sous l'eau avant de la ressortir en frissonnant, son bec rouge en avant.

— Ça va ? me demande Matt qui s'est approché sans bruit.

Lui aussi est assis sur sa planche. Cheveux noirs décoiffés par les bourrasques, il me sourit. L'eau qui ruisselle sur son torse et les abdominaux que sa combinaison moulante laisse deviner me donnent un bon aperçu de la raison pour beaucoup admirent son corps.

Je lui rends son sourire.

— Très bien. Mais je vais me faire une pause. On se retrouve sur la plage tout à l'heure.

— Ok princesse. À tout'.

Je me rallonge sur mon surf et rame vers la côte. De temps à autre, la houle ondule et me berce. La planche finit par se ficher dans le sable et se fige. Immobile, je laisse rouler une ultime vague sur mon dos, juste pour le plaisir d'être caressée par l'eau salée. Puis, je me relève et ramasse mon surf échoué.

La plage est relativement vide. Rares sont les baigneurs qui se risquent sur les côtes de la Manche en cette saison. En remontant vers nos affaires, je croise un groupe de marcheurs nordiques sur le sable mouillé. Leurs bâtons laissent une trace perpendiculaire à celle de mon surf. Nos deux routes croisées définissent l'espace des possibles. Ils me saluent.

Arrivée auprès de nos sacs à dos, je commence par chasser du bras les goélands curieux avant d'ôter le haut de ma combinaison. Les volatiles vexés partent se disputer un morceau de varech. J'entreprends de me sécher rapidement le haut du corps avant de m'envelopper dans une serviette chauffée au soleil.

Matt et Enzo continuent d'attaquer les vagues avec enthousiasme, sous les rires des mouettes qui prennent le vent. Quentin, pourtant novice dans l'art de chevaucher la houle, a pris de l'assurance au fil des tentatives. Ses mouvements ont gagné en souplesse et en précision. Mais il est casse-cou et se retrouve souvent à boire la tasse, obligé d'aller chercher sa monture échappée. Être moins bon que nous n'a pas gêné son entrain. Je pense qu'il reviendra avec nous.

J'ouvre mon sac pour grignoter un encas et sort mon téléphone du même coup. Le laisser sur la plage n'est pas prudent mais les vols sont rares dans le coin et je compte, sûrement naïvement, sur un plagiste zélé pour alerter en cas d'incident.

L'écran de veille notifie d'un appel en absence de Juliette, ma demi-sœur. Je lève les yeux vers les surfeurs. Les garçons n'ont pas l'air décidé à quitter l'océan ; je presse la touche de rappel.

Skin vs Sweet Poison - let's rock !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant