Partie de Hémon - Chapitre 5

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[TW idées suicidaire] [TW noyade]


24 février


J'écrivais : « Il faut créer de belles choses avec Claire là où des monstruosités se sont produites. » J'écrivais plein d'espoir que ça résoudrait mes problèmes. J'écrivais et maintenant je me hais. Je me hais d'être aussi naïf je me hais profondément je ne me suis jamais autant haï.


Il faut créer de belles choses avec Claire là où des monstruosités se sont produites. Là où blessures visibles et blessures invisibles se sont mêlées jusqu'à ce qu'on ne puisse plus les dissocier. Elle m'a demandé récemment si je pouvais lui apprendre quelques coups de boxe pour qu'elle sache se défendre. J'ai accepté. J'avais envie de lui faire plaisir. J'ai hésité le soir, j'ai pensé : « Antigone tu t'étais promis de ne jamais jamais jamais boxer parce que ça te tue lentement ça rouvre toutes tes blessures. Antigone boxer c'est comme une lame de rasoir. Antigone ne boxe pas. » J'ai cru que ça irait, que je ne ferais que montrer à Claire. J'ai cru qu'avec elle je composerais un souvenir nouveau. Je voulais transformer une torture en un moment anodin. J'ai cru que j'en étais capable, tout ça parce que Hémon se cache, mais c'est un chasseur et pas une proie. Je me hais d'être aussi naïf.


Nous nous sommes rendus dans les locaux de boxe. J'ai demandé à mon professeur si je pouvais utiliser la salle plus tard, il a accepté quand je lui ai dit que si tout se passait bien, je pourrais peut-être reprendre la boxe ensuite. Avec Claire nous avons attendu un temps entre deux cours pour être plus tranquilles. C'est à la fin de l'après-midi nous avons pu commencer. Quand j'ai dû lui montrer le premier coup j'ai eu peur. Peur de trembler peut-être, peur d'échouer, peur d'avoir mal, peur d'avoir peur. Quand mes phalanges ont heurté le cuir du sac et s'y sont enfoncées j'ai failli vomir. Claire m'a sauvé en me posant une question que je n'ai pas comprise. Je me suis écarté pour qu'elle frappe. La faiblesse de son bras m'a fait gentiment rire et j'ai tenté de la corriger. Elle m'a demandé de lui montrer à nouveau le coup. Je me suis exécuté. J'ai senti Hémon traîner avec malveillance dans ce lieu qu'il possédait autrefois. J'ai chuchoté qu'il était mort, il a répliqué :

« Je règne encore pourtant ici. »

J'ai cogné le sac de frappe avec plus d'intensité que la première fois. Plus tard, Claire m'a demandé pourquoi je ne me défendais pas contre ceux qui me harcelaient puisque j'en avais les capacités. J'ai répondu doucement :

« Je ne boxe plus. Je perdais tout le temps, de toute manière. »

Je n'ai pas tenu à lui expliquer le sens de cette phrase. Elle n'a pas insisté. Je lui ai enseigné un autre coup. Quand je ne frappais pas, je me sentais heureux de la voir si enthousiaste et motivée. Dans ses poings fermés je voyais la possibilité qu'elle ne souffre jamais de tout ce dont j'ai souffert. Je pensais : « Elle n'aura jamais à subir une quelconque violence parce qu'elle saura se défendre. Toutes les mains qu'on voudra abattre sur elle elle les repoussera. » Hémon dans mon dos s'est moqué :

« Tu sais, parfois, ça ne suffit pas de savoir se battre. »

Et en se glissant plus près de moi :

« Tu vois, Antigone. Ça ne suffit pas. »

Je l'ai ignoré. J'ai demandé, le souffle court :

« On y va ? »

Elle a acquiescé. Elle semblait satisfaite de cette séance. Ça m'aurait fait sourire si je n'avais pas eu aussi mal. J'ai saisi la main de Claire comme si elle pouvait me sauver de celle de Hémon, puis je l'ai aussitôt lâchée avec terreur. Nous sommes sortis de la salle, et j'ai proposé dans un dernier sursaut de vie, un dernier espoir, une étrange urgence, de nous rendre dans les vestiaires. Je me hais d'être aussi naïf. Je voulais que Claire fasse exploser les néons quand ils se refléteraient sur elle, et que le carrelage se fende sous ses pieds. Je voulais que les vestiaires s'écroulent parce que Claire aurait été trop belle pour eux. Je voulais qu'elle les détruise. C'était l'unique victoire dont j'avais besoin pour que tout finisse. En entrant, j'ai fermé la porte pour que Hémon ne rentre pas. J'ai sifflé :

BoygirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant